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Lost Kingdom  :: Nueva :: La Capitale - Lelanaserine, cité des sages

Là où dansent les ombres

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Il déambulait, marchait vraisemblablement sans but avec un pas lent, visiteur, comme s’il ne cherchait pas à se rendre d’un point à un autre. Enveloppé dans ses pensées, le Grand Sage faisait le tour de son boudoir personnel, les Jardins des Seraphs, tout en se posant de multiples questions.

Au fil des années, cet endroit étrange et rempli de mystères était devenu le lieu le plus propice au  bon raisonnement d’Alexander. Ses nombreuses énigmes et leurs diverses réponses venaient souvent s’échouer sur les statues ébréchées et les haies déconstruites qui bordaient la promenade principale, celle qu’il arpentait quotidiennement en long et en large. La vaste et circulaire bande de pierre bordait en partie une source curieuse qui conservait bien ses secrets, à la façon d’Ephraïm lui-même.

« - Probablement, peut-être… murmura l’elfe temporairement arrêté, tandis que sa botte venait égratigner de son bout une pierre descellée à la base d’une représentation de l’un des dieux autoproclamés. Il songeait.

Le roi déchu n’aimait pas les Seraphs : c’étaient les seuls êtres dont les raisons de leur présence semblaient lui échapper. Il y avait eu la catastrophe puis il y avait eu les Seraphs et leur religion détraquée, leur pays infâme et leur guerre stupide avec Ellgard, qu’il n’encensait pas davantage. Et s’il appréciait légèrement plus Akantha ce n’était que car il s’agissait encore d’une monarchie à l’image de son ancien pays. Mais les terres de l’ouest le dégoutaient particulièrement en tout point ; peut-être car elles étaient si lointaines, peut-être car Nueva perdait progressivement le contrôle de son commerce avec la curieuse nation de plus en plus repliée sur elle-même… ou peut-être à cause des Seraphs tout simplement.

Ses questions journalières ne concernaient aucun de ses pays sinon le sien, comme à son habitude. Il convenait qu’il devrait bientôt prendre contact avec le leader actuel des Mages Noirs pour le voir en chair et en os. Jusque-là, leurs correspondances se faisaient uniquement par courriers secrets, délivrés par corbeaux ou corneilles. Car il était plus pratique d’user de ces oiseaux ténébreux lorsqu’il faisait nuit. Mais bientôt viendrait le jour où il devrait signifier son retour auprès des fidèles hors-la-loi s’affairant à faire le mal pour une cause qu’ils jugeaient noble, mais que lui-même trouvait perfide en son sein. Ils voulaient reconstruire ce qu’il avait détruit, inverser le cours des choses, faire revivre ce qui mourut quatre siècles auparavant.

S’il estimait la chose faisable grâce à l’utilisation d’une magie pernicieuse et oubliée de tous en plus d’une grande quantité d’énergie vitale et de cristaux, il voyait déjà le désastre se profiler à l’horizon. Lui avait toutefois d’autres plans : des objectifs qui nécessiteraient de laisser faire les outils jusqu’à un certain point puis opérer la dernière manœuvre par lui-même. Car s’il s’avérait bien possible de remonter le temps, il était aussi possible de rompre la ligne temporelle pour provoquer un nouveau cataclysme plus grand encore, plus intense. Qui mettrait définitivement un terme à toute forme de vie dans laquelle il pourrait se réincarner.

Telles étaient à présent les pensées de l’oligarque que tous, ou presque, adoraient. Tandis que dans sa tête venaient s’entrechoquer les pensées les plus folles, les plus chaotiques et les plus sombres qu’il soit, à l’extérieur il ne laissait rien paraître. Seul pouvait se deviner, par ses traits, un homme silencieux au regard plus que désireux de se perdre constamment dans le vide. Une coquille vide, un rideau ; le voile d’Ephraïm.

« - Quant à Fëanturi, elle se pliera à la décision générale… »

Si les idées du Grand Sage avaient été palpables à cet instant, elles auraient facilement envahi les Jardins d’une extrémité à l’autre, à l’image d’un torrent puissant trouvant sa source dans le vide, dans la jarre d’Aquaros comme le voulaient les légendes.

Cette particularité lui venait en vérité de nombreux siècles d’entraînements et d’une psychologie étrange qui l’obligeaient à séparer sa pensée, à profiter de ses nombreux souvenirs de ses multiples personnalités pour y lier des connaissances véritablement utiles. En tissant son propre réseau mémoriel, Ephraïm était parvenu à maintenir la folie dans ses retranchements tout en étendant ses réflexions à plusieurs personnalités qu’il consultait ensuite. Emprisonnés, les esprits ingurgités par l’ancien roi alimentaient finalement sa puissance de calcul. Son intelligence.

Perdu dans ses divagations, il continua ainsi de murmurer et déambuler pendant bien plus d’une heure, avant que la tombée de la nuit ne l’amène à envisager de rentrer au foyer. Mais tandis qu’il descendait les marches menant au curieux autel, il surprit le regard persistant d’une paire d’yeux qui le fixait depuis l’obscurité. Étranger à toute forme de peur ou même d’humanité, le Sage dévoila alors simplement un sourire discret tout en gagnant, sans presser le pas, la route qui le ramenait chez lui…

Ou peut-être que non ?


« Là où dansent les ombres»



Misère. Une perle de sang naquit entre les sillons de ses lèvres pendant qu'une canine pointue s'enfonçait dans la chair tendre; elle n'avait pas pensé que l'occasion idéale de passer à l'acte s'offrirait ainsi à elle ce soir. Non, ce soir Eurynome s'était lourdement trompée en pensant que le Sage resterait entouré de son peuple en ville, et comme en témoignait la robe légère de mousseline bleue qui l'habillait, elle ne s'était pas attendue à se retrouver ainsi isolée avec lui dans des jardins déserts. Mais pire, c'est l'absence d'Exodus, son Psypher tueur de Seraphs qui chagrinait notre petite goule. Elle s'en serait tapé la tête contre un mur si elle en avait eu le loisir, mais déjà la silhouette de sa cible descendait les marches.

Le Grand Sage. Alexander Wrath. Un homme bon, généreux et altruiste, qui rayonnait sur le pays de par sa sagesse... Ca vous semble trop beau pour être vrai? A la jeune Croisée aussi. Non, cet homme était trop pur pour n'être autre chose qu'une vertue incarnée sur terre... Autrement dit... Un Seraph. Les abominations qui parcouraient ces contrées en toute innocence, décidant seuls ce qu était bien et ce qui était mal. Ils devaient tous disparaître et c'était la mission qui lui incombait... Beaucoup d'entre eux vivaient anonymement parmi le peuple et cela faisait à présent un moment qu'Eurynome avait un doute sur Wrath, depuis que les louanges qui lui étaient chantés étaient parvenus à ses oreilles à Mearian.

Le voyage jusqu'à Nueva ne fut pas chose aisée mais cela faisait bientôt deux semaines à présent qu'elle le suivait -une figure publique aisément reconnue à Lelanaserine- et ses doutes n'avaient que fait se confirmer. Et ce soir, cet idiot lui offrait une chance en or... Le choix s'imposa vite à la jeune goule: il ne lui restait que à se salir les mains et le neutraliser en attendant de pouvoir s'assurer que son âme n'irait nulle part, et encore moins renaître à la Source, sans quoi tous ses efforts seraient gâchés. Le combat physique n'était pas son fort, mais pour bien les avoir étudiés, elle savait que tous les Seraphs n'étaient pas forcément aussi puissants qu'on le sous entendait, surtout sous leur forme humaine. Et si leurs magies étaient des plus terribles en ce monde, ils étaient limités en ce qui concernait leur enveloppe corporelle... Cependant, leurs magies n'étaient pas un problème pour l'Archmagister qui activa de ce fait la sienne propre, les rendant ainsi aussi inutiles que le premier être humain venu.

Une fois son esprit fixé sur sa démarche, elle se mit en route, le regard vide, suivant mécaniquement le Sage à une quinzaine de mètres derrière lui, tapie dans les ombres comme la créature ténébreuse qu'elle était. Ce petit manège dura bien quelques minutes avant qu'il ne lève les yeux dans sa direction, la sortant de sa torpeur.

L'avait-il vue? Elle se rejeta en arrière, surprise. Non, impossible, il avait continué son chemin d'un pas tranquille. Elle aurait pourtant juré que son regard avait croisé celui, calme, de l'homme, mais il ne lui avait pas accordé une seconde ni montré aucune réaction particulière. Pas le genre qu'on aurait en sentant que quelqu'un vous traquait dans les ténèbres en tout cas. Se rassurant, elle continua ensuite sa traque au détour d'un chemin, jusqu'à la ruelle tortueuse de la capital qui lui semblait idéale tant elle était déserte.

C'était le moment. En quelques enjambées, bruissement pas si discret que ça, elle ferma la distance entre eux et bondit avec l'agilité qui était propre à sa race principale. Elle percuta de plein fouet le Grand Sage et les deux basculèrent sur le sol de terre dans un bruit étouffé. Sans lui laisser le temps de se remettre ou de lutter, la mage noire appuya de tout son poids -pas grand chose à vrai dire, peut être quarante kilos- sur le torse de sa nouvelle victime, se penchant près de son visage. Son souffle était court sous l'effort, mais son visage vide de toute trace d'émotion.

« On ne vous a jamais dit que c'était dangereux de se promener seul le soir? »

Dans l'obscurité de la nuit étoilée, ses iris noirs sont semblables à un gouffre sans fond, tandis que seules ses pupilles rouge carmin luisent faiblement. Elle qui ne les montraient jamais, sa véritable nature de chasseuse avait prit le dessus. Prenant soin de bloquer les bras de l'homme en les écrasant de ses genoux écartés, ses mains se refermèrent sur sa gorge pale, ses ongles s'enfonçant légèrement dans sa peau.

« Inutile de vous débattre. Vos pouvoirs ne marcheront pas avec moi. »

référence

Il s’était attendu à ce moment et la curiosité l’avait mené à plonger tête baissée dans le piège que lui tendait l’inconnue. Pour une fois que quelqu’un voulait du mal au Grand Sage… Non, ce n’était pas la première fois, mais cela faisait un moment qu’un assassin ne l’avait pas poursuivi dans la ville. Alexander aimait pourtant toujours autant jouer avec ces êtres fragiles qui pensaient n’avoir affaire qu’à un elfe un peu niais. Ils se trompaient généralement et rencontraient un sort funeste, généralement de leur propre main.

Mais ce soir-là tout était différent : au moment de le plaquer à terre, sa poursuivante s’était exclamée d’une curieuse façon, renseignant le Grand Sage sur quelque chose qu’il pensait tenir secret.

Elle savait pour ses pouvoirs ? Parlait-elle de sa magie ? Il aurait aussi bien pu lui ordonner de se donner la mort à ce moment précis, mais la curiosité l’avait poussé à se défendre autrement. Toujours aussi subtile, Ephraïm fit alors croire à celle qui le maintenait contre le sol qu’un mouvement avait retenu son attention, accompagné d’une voix, derrière elle. Au moment de le faire, il se rendit toutefois compte de la présence d’une certaine résistance chez son adversaire qui ne lui permit de se dégager que partiellement avant que celle-ci ne reporte son attention sur lui à nouveau.

Poussant sa concentration au maximum, il arriva alors à la persuader d’avoir les jambes bloquées pour l’empêcher de le saisir. Nageant visiblement dans l’incompréhension la plus totale, la jeune femme peinait à voir qu’il s’agissait en réalité des effets de la magie de l’elfe devant elle.

« - Eh bien, mademoiselle, je suppose que des explications sont de mise. Vous n’êtes pas la première à vouloir attenter à ma personne mais vous ne serez pas non plus la dernière ! »

Affichant une moue passablement énervée au vu de la situation autrement plus grave, Alexander fit une nouvelle fois preuve de magnanimité et de tolérance à l’égard de celle qui avait tenté de l’assassiner. Cela principalement car l’inconnue lui devait des questions quant à son comportement lunatique et qu’il n’aurait probablement pas assez d’énergie pour la pousser au suicide ; il devait donc composer avec son existence désormais.

Tout en restant donc à bonne distance, sans le moindre moyen de se défendre sinon que de garder les genoux de la jeune femme cloués au sol, ses pupilles rivées dans les siennes avec une intensité incroyable, Octavus entreprit de poser quelques questions élémentaires :

« - Qui êtes-vous ? Que voulez-vous et que savez-vous au juste au sujet de mes pouvoirs ? J’attends… »

Il attendait... mais en réalité il faiblissait de minute en minute. Bientôt il n’aurait de choix que de fuir avant que la jeune femme ne se rende compte de l’illusion de son propre esprit et ne le pourchasse à nouveau. Mais en attendant, il faisait preuve de patience et de contrôle pour rester hors du danger et débuter un entretien qui se délierait peut-être en quelque chose de bon.

Peut-être était-ce un malentendu ? Même si c’était chose rare dans la longue existence du roi déchu.


« Là où dansent les ombres»



Quelqu'un les avait surpris? Non, elle l'aurait entendu arriver, avec ses sens développés de goule... Mais, surprise, Eurynome ne pu s'empêcher de tourner la tête pour regarder derrière eux, ou seules les ombres de la nuit dansaient sur les murs... Elle était prête à s'échapper au moindre danger qui aurait pu mettre en jeu son identité et sa précieuse couverture, sans savoir que le plus grand risque se trouvait actuellement sous elle.

Non seulement l'homme avait profité pour se dégager partiellement de sa prise, mais en plus osait-il lui poser des questions- un vrai interrogatoire. Il fallait qu'il comprenne qui était le chasseur et qui était la proie entre eux, et pourtant...

« Je m'appelle Eurynome van Astraeus... Arch... » commença t-elle avant de s'arrêter au milieu de sa phrase, interloquée. Pourquoi donc était-elle en train de lui révéler son identité, la chose qu'elle protégeait le plus au monde depuis une décennie? Confuse, elle voulu se relever d'un bond avec empressement, mais impossible, ses jambes étaient bloquées à terre. A cette constatation, elle sentit une froide panique s'emparer de ses entrailles. Sa magie aurait du empêcher le Seraph de faire quoique ce soit lui nuisant directement.

Et loin d'avoir l'air effrayé d'être privé de ses pouvoirs et ainsi mis dans une situation de faible, sa proie avait juste l'air... Énervé. Dans l'obscurité de la tombée du jour, elle voyait pourtant les cristaux incrustés dans ses avant bras luire faiblement à travers la mousseline légère des manches de sa robe... Son propre pouvoir fonctionnait donc bien. S'était-elle trompée sur toute la ligne?

Cependant, peu de temps après, elle sentit un léger relâchement et forçant, elle parvient à relever une jambe, puis l'autre, tremblante, retomba sur le sol, se résolu à se traîner à reculons de quelques pas en portant un regard accusateur sur l'homme devant elle. Sa robe était à présent souillée de traces d'herbe et de terre, mais sans savoir que la seule magie qu'il avait appliqué sur elle était suggestive et non pas un champ impérieux la forçant à rester sur le sol de manière mécanique.

Avec difficulté mais résolution, elle s’arque-bouta sur ses genoux pour se relever, haletante, ses iris noir encre toujours fixés sur Alexander et le visage à présent légèrement crispé sous l'effet de la peur et de l'effort fourni. Les battements de son coeur s'étaient accélérés, résonnant entre ses tempes, et elle sentait le goût métallique de son propre sang lui remplir la bouche.

« Je suis ici pour vous arrêter, imposteur. De quelle vertu vous revendiquez-vous, que je sache à qui j'ôte la vie? Pourquoi cette mascarade aussi loin de Theopolis? Parlez, et je le ferai rapidement et sans souffrances. »
« - Une vertu ? Que me chantez-vous donc là, assassin ? Votre religion vous serait-elle montée à l’esprit ? Si les Séraphs vous envoient, cela ne représente rien de bon pour les relations de Nueva avec Mearian, sachez-le. »

Il n’avait pas prévu de la tuer, essentiellement car il ne se sentait plus la force de le faire. Ses jambes pouvaient encore être lourdes quelques secondes, mais tôt ou tard elle se redresserait sans peine à sa hauteur et comprendrait la faiblesse physique de sa proie, si ce n'était pas déjà le cas. Autant qu’il ne pouvait courir et s’enfuir face à une personne bien entraînée, sportive, il ne pouvait se défendre et devait donc rester là, tenter de désamorcer la bombe.

De ses derniers relents d’influence il avait pu lui soutirer son nom. Il ne lui disait rien pour l’instant, mais s’il s’en sortait il ferait des recherches. Peut-être Ekhart savait-il, lui ; il lui enverrait un courrier sitôt de retour à son domicile. Il se faisait désormais tard et on allumait les lampadaires des rues pour éclairer la chaussée, mais dans la ruelle où ils se trouvaient l’ombre du crépuscule s’étendait inlassablement.

« - Je ne sais pas ce que vous me voulez mais je vous prierai de me laisser partir en paix et de cesser de me suivre. Croyez-moi que si vous attentez à ma vie, vous ne vous en sortirez pas vivante. Nueva n’est certes pas le pays le mieux gardé, mais j’ai des contacts qui sauront vous faire payer le prix fort, jeune fille. »

C’était le moins qu’il pouvait dire et Ephraïm s’avérerait outrageusement courroucé si jamais Alexander devait être frappé par la mort à présent que tout commençait à se goupiller et que ses projets prenaient forme. Définitivement, il ferait d’elle un martyre pour son pays et il s'assurerait que Nueva entre en guerre avec Mearian, même s’il devait tirer les bonnes ficelles pour cela.

Mais face à l’incompréhension de la jeune femme et à son regard soudainement paniqué et déboussolé, comme si elle venait de voir un fantôme, une idée folle lui vint soudainement en tête à la place.

« - Vous ne me semblez pas dans votre état normal. Je ne suis pas du genre à tenir grief à ceux qui s’opposent politiquement à moi et préfère même les estimer en haute valeur. Vous ne m’avez pas fait grand mal, je peux aisément vous pardonner. Mais si vous me le permettez, je pourrais vous offrir un thé et de quoi vous rafraichir l’esprit dans ma demeure ? Vous me semblez à cran et je crains là de vous laisser dans pire état si jamais je vous abandonne. »

L’invitation était lancée. Alexander prenait des risques mais il ne se voyait pas attendre le retour du courrier du Mage Noir pour savoir s’il avait laissé passer une opportunité ou non. À présent la blonde inconnue lui semblait davantage perdue : peut-être pesait-elle les alternatives qui s’offraient à elle. Après tout elle pouvait encore partir, mais le Sage faisait jouer de son pouvoir inlassablement.

« - Viens avec moi, rejoins moi et tout ira bien, » était une phrase qui désormais devait lui marteler l’esprit, comme un chuchotement doux et répétitif à ses oreilles. Elle pouvait opposer une résistance comme elle pouvait y succomber, s’y abandonner entièrement et sombrer dans le piège du manipulateur.


« Là où dansent les ombres»


Eurynome. Une candidature idéale à mettre sous sa coupe, pour elle qui n'a jamais été que la marionnette d'un autre toute sa vie. Et sans le savoir, la douce enfant vient de s'attaquer à une proie qui avait le pouvoir de la dévorer toute entière.

L'homme est visiblement excellent comédien, ou peut-être dit-il la vérité depuis le début et la Croisée se fourvoie totalement. Tandis que les paroles dures du Sage résonnent à ses oreilles -menaces, représailles, Nueva- dont elle ne comprend que la moitié, une goutte de sang roule le long de ses lèvres puis de son menton. Une traînée écarlate sur sa peau de marbre, un contraste saisissant même dans le clair-obscur de la ruelle.

« Vous... Vous n'êtes pas un Seraph? Je... »

Sourcils légèrement froncés et minuscules veines battant près de ses yeux noir charbon, elle sent l'espace de quelques secondes la panique l'envahir. Que venait-elle de faire ? Devait-elle tout de même le tuer ? Non, il n'avait rien fait de mal. Ellyn avait dit seulement les Seraphs. Les Purs, les Corrompus, qu'importe, tant que leur châtiment s'abattait sur eux de sa main. Mais cet homme n'en était pas un. Devait-elle le faire taire par peur de voir son poste au sein de l'Ordre lui être retiré ? Elle n'avait jamais eu à avoir recours à de telles méthodes jusqu'ici, ayant toujours préféré une infiltration paisible et lente, n'arrivant ou elle voulait être qu’au terme de onze longues années.

Mais au moins, il ne semble pas lui en tenir rigueur, et après un long silence, le temps que ses paroles trouvent écho en elle, elle comprend qu'il... L'invite chez lui. La confusion résultant de sa réalisation couplée à la magie mentale pernicieuse d'Alexander ont finalement raison des dernières réticentes de la jeune goule, dont le regard se fait à présent beaucoup plus placide, presque docile. Cette solution était préférable pour le moment. C'était évident.

« ... Vous avez raison. Je ne peux pas repartir ainsi, il faut au moins que je nettoie ma robe. »

Le raisonnement du sage lui semble tout à fait logique tandis que ses yeux se baissent sur les longueurs de tissu souillées par la terre. Non, prendre le risque de croiser quelqu'un dans une tenue aussi échevelée risque d'attirer des soupçons inutiles sur sa personne. Bien que la violence initiale de son attaque sur sa cible soit à présent passée et que son attitude calme comme a son habitude soit revenue, l'inquiétude quant à la perte de sa couverture subsiste.

Se redressant à présent de manière tout à fait droite, elle ne semble pas cependant pas embarrassée pour le moindre du monde. Un peu ennuyée et confuse seulement, tandis qu'elle relève ses yeux sur le visage d'Alexander. Ses iris sont redevenus d'un bleu céruléen rappelant le ciel d'été, et elle croise les bras autour de sa taille, dans une position un peu défensive.

« C'est fort aimable à vous de m'inviter après que je vous ai ainsi agressé. Je m'excuse de mon erreur... Mais c'est fort peu prudent de votre part. Enfin, je peux vous donner ma parole que je ne vous ferai pas de mal. »

C’était là un bien different visage que lui montrait son agresseur, désormais que ses motivations semblaient avoir soudainement change. Ephraïm n’était pas bien sûr de comprendre ce qu’il venait de se passer, mais était persuadé qu’en prolongeant l’entretien ailleurs il pourrait parvenir à de bons résultats.

« - Bien sûr, ne vous en faites pas, mes domestiques s’occuperont de votre robe. Nous vous prêterons des vêtements chauds en attendant et un bon repas nous attend. Mais il nous faut presser le pas désormais, si vous vous sentez la force de marcher. Nous ne sommes pas très loin. »

Octavus se dirigea alors lentement vers le bout de la rue qui donnait sur la Grand Avenue descendant dans les quartiers résidentiels. Derrière lui, la jeune femme époussetait sa robe tachée, inquiétée par la confiance que le Grand Sage plaçait en elle. Il était vrai qu’Alexander était un homme bon et généreux, peut-être un peu trop.

« - Eh bien, vous ne me semblez pas non plus un assassin ordinaire et vous semblez venir, par un long voyage, d’un lointain pays dans lequel je n’ai pas mis les pieds depuis… longtemps, » fit semblant de réfléchir l’elfe, car en réalité Alexander ne s’était jamais rendu à Mearian et préférait déjà rester à l’écart des anges en temps normal, même à Nueva. Vos nouvelles m’intéresseront et vos motivations plus encore, car si vous semblez avoir fait erreur sur la personne, de sombres motifs guident vos pas à ce que je vois. Nous avons des choses à nous dire. »

À la simple mention de cette phrase, son œil brilla d’une lueur énigmatique. Tous deux se dégagèrent alors de la ruelle pour apparaître dans la rue passante et éclairée, sur le chemin de la maison.

***

Tous deux étaient désormais assis dans leur salon. La jeune inconnue s’était absentée un bref instant le temps de se changer. À cet effet, une chambre d’ami avait été apprêtée dans la vaste demeure et s’il le fallait, Alexander était apte à l’héberger sous son propre toit le temps qu’elle retrouve ses esprits… et lui dévoile surtout sa nature, ses intentions, ses ordres. Car il est rare que vouloir s’en prendre à un Séraph soit un acte isolé, il est encore plus difficile de concevoir qu’une personne irait jusqu’à Nueva pour perpétrer un assassinat sur l’un de ces êtres mystérieux.

« - Le repas devrait bientôt être servi, mais j’ose espérer que cette infusion d’herbes suffira déjà à vous revigorer. Maintenant j’aimerais savoir : qui êtes-vous, d’où venez-vous et que m’a valu cette… rencontre. Pourquoi avoir attenté à ma vie, car vous ne vous seriez pas arrêtée en si bon chemin si cela n’avait pas été une erreur ? »

Les questions venaient naturellement désormais et les réponses étaient invitées à pleuvoir, car dans les mots d’Ephraïm un quelque chose en particulier instillait la confiance et la confidence. Et son visage demeurait toujours rassurant, son timbre de voix doux et son regard vaillant semblait capable de percer tous les secrets.

« Il faut parler désormais, car j’écoute et je rassure, » voilà le message qu’il véhiculait à travers tout son être et dissimulait dans l’air. Comme une tentation insidieuse.


« Là où dansent les ombres»


Il l'avait emmenée chez elle. Elle, la chasseuse qui venait de laisser échapper sa proie. Sous-estimait-il le danger qu'elle représentait ? Ou était-il tellement sûr de lui ? Il avait jugé qu'elle disait vrai quand elle avait annoncé qu'elle ne lui ferait pas de mal, et cet excès de confiance dérangeait Eurynome. Comment pouvait-on être aussi... Bon ? C'est comme si tout ce qu'elle avait vu et entendu de lui ces dernières semaines pendant sa traque n'était pas seulement une belle façade, mais qu'il n'avait rien a cacher.

Et c'était ainsi que la silouhette frêle de la jeune Croisée s'était retrouvée habillée de vêtements chauds et moelleux, de manufacture elfique à ne pas en douter- et assise dans un beau salon, en face de son interlocuteur qui visiblement était... Plus que curieux de l'entendre parler. Elle lui avait déjà révélé son nom plus tôt, sous la contrainte de sa magie sans le savoir, mais quand elle commença a parler, ce fut pour répéter d'un ton doux son nom dans une introduction cette fois faite dans les règles de la bienséance.

« Je m'appelle Eurynome Van Astraeus. » Elle marqua une pause après cette simple présentation, humectant ses lèvres avant de continuer. Elle n'était définitivement pas quelqu'un de très bavard de manière générale, mais cette soirée était exceptionnelle en bien des égards.

« Je suis une Archmagister de Mearian. Je suppose que vous devez déjà avoir entendu parler de nous. Je vis à la capitale, Theopolis, bien que dans l'exercice de mes fonctions, comme à présent, il m'arrive souvent de voyager à l'étranger. Je ne suis pas un assassin, cela dit. »

Un domestique passa discrètement a côté d'eux en venant déposer sur une petite table basse un plateau sur lequel deux tasses fumantes de thé les attendaient.
Observant silencieusement les volutes qui s'en échappaient, elle décida visiblement de ne pas se risquer à se brûler les doigts et ces derniers vinrent simplement se perdre dans sa chevelure.
Tournant d'un air pensif une mèche de ses longs cheveux argentés, elle sembla se rappeler de la situation au bout d'une minute et reposa lentement son regard sur le grand Sage.

« Ce que je vais vous confier n'est connu que de quelques oreilles prudentes au sein de l'Ordre des Astres... Mais j'estime qu'un homme de votre rang saura mesurer l'importance du secret. Je vous dois bien une explication. »

Du moins, elle allait partiellement l'informer de ce dont elle aurait besoin pour justifier son action. Et avec toute mesure ; en commençant par apprendre ce que savait déjà son interlocuteur. C'était la tout le talent de la jeune femme après tout ; même si elle venait de se retrouver dans une position délicate, elle n'en laissait rien transparaître et se devait de trouver précisément l'équilibre de la balance entre la vérité et le mensonge. Et bien qu'elle ne connût rien de sa personnalité profonde, elle en aurait saisi les tenants et aboutissants avant la fin de la nuit. D’une manière ou d’une autre.

Ses mains s'immobilisèrent alors, venant se croiser dans un geste sérieux sur ses genoux, tandis que sa tête s'inclinait légèrement pendant qu'une question pernicieuse franchissait ses lèvres :

« Avant cela... Dites-moi... Que savez-vous des vingt-et-un dieux, Alexander? »

Une archmagister, si loin de son pays ? Avec l’avènement de la guerre, les visiteurs de Mearian s’étaient faits de plus en plus rares à Nueva et particulièrement à Lelanaserine, cité bien moins placée pour commercer avec les autres nations qu’Izhreron. C’était d’ailleurs bien la première fois qu’il voyait un haut dignitaire marcher dans les rues de la capitale sans y être conviée ou invitée pour un entretien diplomatique.

Et si elle n’était pas un assassin, eh bien, qu’était-elle donc pour avoir essayé d’attenter à sa vie ?

« - Une jeune archmagister ! Même si le temps m’a appris à ne pas me fier à l’âge apparent, mais vous ne m’en voudrez pas si je présume sans malice, Yggdrasil m'en garde. Oui, il me tarde de savoir ce que vous venez faire ici et pourquoi vous m’avez agressé. Ne vous en faites pas, avec moi vos secrets seront bien gardés. »

Il sourit, dévoilant une rangée de dents blanches comme de la porcelaine, l’air innocent sur le visage. Chacune de ses expressions était renforcée d’un trait de magie comme il avait pris l’habitude de le faire avec ses tribuns parfois ou bien même avec les négociants, les gens de la haute et autres aristocrates. Il ne prenait pas de gros risque : c’était assez distillé pour ne pas être remarqué. Mais les effets pouvaient être visibles à long terme : la confiance ou le sentiment de sincérité, de sécurité par exemple.

Il ne savait pas encore quelle attitude adopter par rapport à l’inconnue, qui se prénommait Eurynome apparemment, mais y voyait un quelque chose, un je-ne-sais-quoi. Il repensait en boucle à ses paroles, à ses injonctions, ses accusations. Et désormais sa question sur les Séraphs qui lui fit retrouver soudainement la mémoire.

« - Les vingt-et-un dieux… je présume que vous parlez des Séraphs : ces dieux nouveaux nommés selon des émotions, des sentiments positifs, des vertus ? Comme vous aviez parlé de vouloir connaître ma vertu, plus tôt… ah, c’était donc à cela que vous faisiez référence ? Eh bien, pour votre gouverne je suis un homme vertueux, il me semble, enfin c’est ce que l’on dit de moi. Mais je suppose que vous ne posiez pas votre question dans ce sens-là ; vous vouliez que je décline mon identité, comme si j’étais l’un de vos dieux. Je l’ai compris ensuite. Mais ce n’est pas le cas, allons. D'ailleurs, il est drôle de croire que vos dieux auraient besoin de se dissimuler dans d’autres nations, non ? »

À moins d’être corrompus, mais cela échappait légèrement à sa juridiction pour le moment. Ekhart en savait bien plus à leur sujet et avait ses petites théories, mais il n’avait pas encore trouvé nécessaire de les partager avec son roi.

« - Je ne suis pas un homme de foi, voyez-vous, je ne suis versé ni dans la théocratie, ni dans les divinités. J’en sais donc assez peu sur vos dieux, archmagister. Je sais que certains y croient, notamment à Mearian où cela me semble obligatoire, mais ici à Nueva le doute est permis. Nous autorisons chacun à avoir ses propres croyances tout comme nous n’en supportons pas une au détriment d’une autre, expliqua-t-il tout en faisant bien abstraction de mentionner le culte de Tertius à la gloire de Terraris qu’il méprisait secrètement, car il s’était détourné des Anciens Dieux depuis longtemps déjà. Je n’en sais malheureusement pas beaucoup plus : que ce soient les rituels sacrificiels ou non et les prières qui leur sont allouées ou bien encore les fidèles et les temples. Il doit bien y en avoir un ou deux ici à Lelanaserine, mais je ne m’y suis encore jamais rendu. Je vous prie donc de m’éclairer si mes connaissances s’avèrent trop évasives, elles doivent probablement l’être et ne m’en tenez pas grief s’il-vous-plaît, car j’espère savoir en quoi cela a motivé votre venue. »

Il resservit alors à tous deux de généreuses tasses de thé, tandis que de la cuisine émanait désormais un délicieux fumet. Le repas approchait, en espérant que son invité aimait autant les gratins de légumes qu’Ephraïm les détestait secrètement.


« Là où dansent les ombres»


« Non, vous avez vu juste, j'ai trente-trois ans. »

Elle avait répondu à sa réflexion de manière naturelle alors qu'il n'avait pas particulièrement demandé confirmation de sa part, et pour elle qui ne parlait rarement, voir jamais d'elle, c'était décidément bien singulier. Loin d'elle l'idée de comprendre qu'elle était manipulée par la magie mentale du sage. Au fur et à mesure que leur conversation s'avançait et qu'elle portait à ses lèvres la tasse du délicieux thé qui avait été servi- rien à voir avec les thés médicinaux amers qu'on servait le plus souvent à Mearian- elle se détendait petit à petit. C'est ainsi avec un soupir ennuyé mais élégant qu'elle se renfonça davantage dans son fauteuil, avant de s'éclaircir la gorge.  

« Voyez-vous, certains de nos dieux comme vous dites... Certains de nos dieux sont tombés dans la déchéance et la corruption... Au nombre de neuf, ils ont décidé de se détourner de la voie des Astres afin de se vouer à répandre le mal dans nos contrées. Pas juste la mienne, mais la votre également, aucune frontière ne les limitera. Ma mission est de les arrêter. »

Une explication simple et brève, suffisante pour elle; c'était déjà beaucoup plus que ce qu'elle avait dit à qui que ce soit depuis le début de sa quête, quand par les mains sacrées on lui avait remis Exodus afin que la lame soit abattue sur la tête des impies. Et Alexander n'avait pas besoin de connaître le reste de l'histoire, c'est à dire que l'Archmagister n'en avait à vrai dire rien à faire du mal qui était répandu, et qu'a terme sa destinée la poussait à accomplir bien davantage que ce qu'on attendait d'elle- une tâche déjà titanesque.

Une servante entra dans la pièce d'un pas souple et léger, une elfe aux cheveux cendrés et au visage souriant; mais elle ne resta point afin de ne pas les importuner, déposant simplement deux assiettes de terre cuite sur la table du salon devant eux. Une entrée raffinée et délicate, ce que Eurynome identifia comme étant un tartare d'asperges surmonté de feuilles de persil. Mais loin d'ouvrir son appétit, il sembla que cet plat plongea la jeune femme dans un état pensif, et elle ne fit pas geste de prendre ses couverts.

« Les temps ont changé, sieur Wrath, et la raison pour laquelle une Croisée comme moi s'est vue élevée au rang d'Archmagister est tout bonnement que l'Ordre se retrouve menacé par ceux qui autrefois ont fait partie de nos rangs. »

En temps normal, elle se serait forcée à avaler tout ce qui aurait été présenté devant elle, quitte à se rendre malade dans la nuit ou a aller se cacher pour vomir discrètement la nourriture que son organisme ne digérait que très mal. Mais sa couverture avait déjà été perdue lorsqu'elle avait attaqué sa cible un peu plus tôt dans la journée et que ses yeux avaient changé leur couleur bleutée pour se teindre d'encre et de pourpre.

« Je n'ai pas choisi mon ascendance, mais les goules sont conspuées à Mearian, brûlées au bûcher souvent à peine sont-elles découvertes. Pourtant, la nature nous a faite ainsi- nous ne pouvons nous sustenter que de chair humaine. Chassées et tuées dès la naissance, jugées coupables simplement à cause de notre régime alimentaire, alors qu'aucun autre choix ne s'offre à nous. » constata-elle d'une voix pourtant égale, sans la moindre trace de colère ou de ressenti envers l'injustice qu'elle explique posément.

« Mon sang croisé m'a suffisamment pourvu des attributs venant de mon père pour que je puisse me faire passer pour ce que je ne suis pas, et grâce a mes... capacités, j'ai été nommée à ce poste dans un seul but. Poursuivre les ennemis de l'Ordre, et les détruire. Voilà l'origine de mon erreur. Je vous ai pris par mégarde pour l'un d'entre eux. »  conclut-elle finalement en repoussant légèrement son assiette: « Je ne vais donc pas pouvoir honorer votre repas ce soir, mais j'apprécie l'attention. »
Comme la soirée touchait à sa fin, le maigre repas à peine entamé mais les mots déjà bien échangés, vint le temps de la séparation. Finalement Alexander ne chercha pas plus longtemps à percer les secrets que l’Archmagister semblait déjà lui avoir confiés. Il n’y avait là rien de plus qu’un officier de Mearian cherchant à appliquer ses ordres de missions, visiblement, et il comprenait la confusion qui l’avait assaillie, même s’il trouvait le motif grotesque. C’était un coup d’épée dans l’eau, assurément, et ça n’aurait été que cela même s’il avait perdu la vie. Le spectre, lui, aurait été très courroucé si Alexander était mort aussi bêtement.

Sans le savoir, la jeune femme avait évité une situation cataclysmique mais Ephraïm ne perdait pas cette considération de vue. Même lorsqu’il ouvrit la porte de sa demeure pour la laisser aller sur le perron de sa résidence. Il lui tendit ainsi ses vêtements nettoyés, lui offrant généreusement le soin de garder la robe de rechange si elle venait à tenter un autre assassinat.

« - Vous êtes sûre que cela ira ? Comme je crois vous l’avoir dit, nous avons des chambres libres et parfaitement entretenues par mes domestiques. Vous y dormiriez du sommeil du juste. »

Mais la jeune femme avait répondu par la négative et dans un dernier échange, les deux individus se saluèrent et se séparèrent enfin.

Pendant un moment, Alexander la regarda partir, marchant d’un pas léger mais rapide jusque loin dans la rue. Puis il décida de regagner son salon pour se servir une nouvelle tasse de thé lorsqu’elle disparut finalement derrière une tour, plus haut, pour ne jamais plus réapparaître.

La nuit laissa le roi avec ses réflexions, car il ne trouva pas sommeil comme à son habitude. Mais au petit matin, la vie avait repris son cours et déjà il se préparait pour un nouveau conseil avec ses congénères. Un petit détail changea toutefois : la présence d’un poignard à sa ceinture, car cette expérience lui avait bien prouvé qu’il pouvait parfois tomber sur des assassins qui résisteraient à ses entraves magiques.

Il tenait trop à son corps actuel pour courir le risque de se trouver une nouvelle fois désarmé.