Il déambulait, marchait vraisemblablement sans but avec un pas lent, visiteur, comme s’il ne cherchait pas à se rendre d’un point à un autre. Enveloppé dans ses pensées, le Grand Sage faisait le tour de son boudoir personnel, les Jardins des Seraphs, tout en se posant de multiples questions.
Au fil des années, cet endroit étrange et rempli de mystères était devenu le lieu le plus propice au bon raisonnement d’Alexander. Ses nombreuses énigmes et leurs diverses réponses venaient souvent s’échouer sur les statues ébréchées et les haies déconstruites qui bordaient la promenade principale, celle qu’il arpentait quotidiennement en long et en large. La vaste et circulaire bande de pierre bordait en partie une source curieuse qui conservait bien ses secrets, à la façon d’Ephraïm lui-même.
« - Probablement, peut-être… murmura l’elfe temporairement arrêté, tandis que sa botte venait égratigner de son bout une pierre descellée à la base d’une représentation de l’un des dieux autoproclamés. Il songeait.
Le roi déchu n’aimait pas les Seraphs : c’étaient les seuls êtres dont les raisons de leur présence semblaient lui échapper. Il y avait eu la catastrophe puis il y avait eu les Seraphs et leur religion détraquée, leur pays infâme et leur guerre stupide avec Ellgard, qu’il n’encensait pas davantage. Et s’il appréciait légèrement plus Akantha ce n’était que car il s’agissait encore d’une monarchie à l’image de son ancien pays. Mais les terres de l’ouest le dégoutaient particulièrement en tout point ; peut-être car elles étaient si lointaines, peut-être car Nueva perdait progressivement le contrôle de son commerce avec la curieuse nation de plus en plus repliée sur elle-même… ou peut-être à cause des Seraphs tout simplement.
Ses questions journalières ne concernaient aucun de ses pays sinon le sien, comme à son habitude. Il convenait qu’il devrait bientôt prendre contact avec le leader actuel des Mages Noirs pour le voir en chair et en os. Jusque-là, leurs correspondances se faisaient uniquement par courriers secrets, délivrés par corbeaux ou corneilles. Car il était plus pratique d’user de ces oiseaux ténébreux lorsqu’il faisait nuit. Mais bientôt viendrait le jour où il devrait signifier son retour auprès des fidèles hors-la-loi s’affairant à faire le mal pour une cause qu’ils jugeaient noble, mais que lui-même trouvait perfide en son sein. Ils voulaient reconstruire ce qu’il avait détruit, inverser le cours des choses, faire revivre ce qui mourut quatre siècles auparavant.
S’il estimait la chose faisable grâce à l’utilisation d’une magie pernicieuse et oubliée de tous en plus d’une grande quantité d’énergie vitale et de cristaux, il voyait déjà le désastre se profiler à l’horizon. Lui avait toutefois d’autres plans : des objectifs qui nécessiteraient de laisser faire les outils jusqu’à un certain point puis opérer la dernière manœuvre par lui-même. Car s’il s’avérait bien possible de remonter le temps, il était aussi possible de rompre la ligne temporelle pour provoquer un nouveau cataclysme plus grand encore, plus intense. Qui mettrait définitivement un terme à toute forme de vie dans laquelle il pourrait se réincarner.
Telles étaient à présent les pensées de l’oligarque que tous, ou presque, adoraient. Tandis que dans sa tête venaient s’entrechoquer les pensées les plus folles, les plus chaotiques et les plus sombres qu’il soit, à l’extérieur il ne laissait rien paraître. Seul pouvait se deviner, par ses traits, un homme silencieux au regard plus que désireux de se perdre constamment dans le vide. Une coquille vide, un rideau ; le voile d’Ephraïm.
« - Quant à Fëanturi, elle se pliera à la décision générale… »
Si les idées du Grand Sage avaient été palpables à cet instant, elles auraient facilement envahi les Jardins d’une extrémité à l’autre, à l’image d’un torrent puissant trouvant sa source dans le vide, dans la jarre d’Aquaros comme le voulaient les légendes.
Cette particularité lui venait en vérité de nombreux siècles d’entraînements et d’une psychologie étrange qui l’obligeaient à séparer sa pensée, à profiter de ses nombreux souvenirs de ses multiples personnalités pour y lier des connaissances véritablement utiles. En tissant son propre réseau mémoriel, Ephraïm était parvenu à maintenir la folie dans ses retranchements tout en étendant ses réflexions à plusieurs personnalités qu’il consultait ensuite. Emprisonnés, les esprits ingurgités par l’ancien roi alimentaient finalement sa puissance de calcul. Son intelligence.
Perdu dans ses divagations, il continua ainsi de murmurer et déambuler pendant bien plus d’une heure, avant que la tombée de la nuit ne l’amène à envisager de rentrer au foyer. Mais tandis qu’il descendait les marches menant au curieux autel, il surprit le regard persistant d’une paire d’yeux qui le fixait depuis l’obscurité. Étranger à toute forme de peur ou même d’humanité, le Sage dévoila alors simplement un sourire discret tout en gagnant, sans presser le pas, la route qui le ramenait chez lui…
Ou peut-être que non ?
Au fil des années, cet endroit étrange et rempli de mystères était devenu le lieu le plus propice au bon raisonnement d’Alexander. Ses nombreuses énigmes et leurs diverses réponses venaient souvent s’échouer sur les statues ébréchées et les haies déconstruites qui bordaient la promenade principale, celle qu’il arpentait quotidiennement en long et en large. La vaste et circulaire bande de pierre bordait en partie une source curieuse qui conservait bien ses secrets, à la façon d’Ephraïm lui-même.
« - Probablement, peut-être… murmura l’elfe temporairement arrêté, tandis que sa botte venait égratigner de son bout une pierre descellée à la base d’une représentation de l’un des dieux autoproclamés. Il songeait.
Le roi déchu n’aimait pas les Seraphs : c’étaient les seuls êtres dont les raisons de leur présence semblaient lui échapper. Il y avait eu la catastrophe puis il y avait eu les Seraphs et leur religion détraquée, leur pays infâme et leur guerre stupide avec Ellgard, qu’il n’encensait pas davantage. Et s’il appréciait légèrement plus Akantha ce n’était que car il s’agissait encore d’une monarchie à l’image de son ancien pays. Mais les terres de l’ouest le dégoutaient particulièrement en tout point ; peut-être car elles étaient si lointaines, peut-être car Nueva perdait progressivement le contrôle de son commerce avec la curieuse nation de plus en plus repliée sur elle-même… ou peut-être à cause des Seraphs tout simplement.
Ses questions journalières ne concernaient aucun de ses pays sinon le sien, comme à son habitude. Il convenait qu’il devrait bientôt prendre contact avec le leader actuel des Mages Noirs pour le voir en chair et en os. Jusque-là, leurs correspondances se faisaient uniquement par courriers secrets, délivrés par corbeaux ou corneilles. Car il était plus pratique d’user de ces oiseaux ténébreux lorsqu’il faisait nuit. Mais bientôt viendrait le jour où il devrait signifier son retour auprès des fidèles hors-la-loi s’affairant à faire le mal pour une cause qu’ils jugeaient noble, mais que lui-même trouvait perfide en son sein. Ils voulaient reconstruire ce qu’il avait détruit, inverser le cours des choses, faire revivre ce qui mourut quatre siècles auparavant.
S’il estimait la chose faisable grâce à l’utilisation d’une magie pernicieuse et oubliée de tous en plus d’une grande quantité d’énergie vitale et de cristaux, il voyait déjà le désastre se profiler à l’horizon. Lui avait toutefois d’autres plans : des objectifs qui nécessiteraient de laisser faire les outils jusqu’à un certain point puis opérer la dernière manœuvre par lui-même. Car s’il s’avérait bien possible de remonter le temps, il était aussi possible de rompre la ligne temporelle pour provoquer un nouveau cataclysme plus grand encore, plus intense. Qui mettrait définitivement un terme à toute forme de vie dans laquelle il pourrait se réincarner.
Telles étaient à présent les pensées de l’oligarque que tous, ou presque, adoraient. Tandis que dans sa tête venaient s’entrechoquer les pensées les plus folles, les plus chaotiques et les plus sombres qu’il soit, à l’extérieur il ne laissait rien paraître. Seul pouvait se deviner, par ses traits, un homme silencieux au regard plus que désireux de se perdre constamment dans le vide. Une coquille vide, un rideau ; le voile d’Ephraïm.
« - Quant à Fëanturi, elle se pliera à la décision générale… »
Si les idées du Grand Sage avaient été palpables à cet instant, elles auraient facilement envahi les Jardins d’une extrémité à l’autre, à l’image d’un torrent puissant trouvant sa source dans le vide, dans la jarre d’Aquaros comme le voulaient les légendes.
Cette particularité lui venait en vérité de nombreux siècles d’entraînements et d’une psychologie étrange qui l’obligeaient à séparer sa pensée, à profiter de ses nombreux souvenirs de ses multiples personnalités pour y lier des connaissances véritablement utiles. En tissant son propre réseau mémoriel, Ephraïm était parvenu à maintenir la folie dans ses retranchements tout en étendant ses réflexions à plusieurs personnalités qu’il consultait ensuite. Emprisonnés, les esprits ingurgités par l’ancien roi alimentaient finalement sa puissance de calcul. Son intelligence.
Perdu dans ses divagations, il continua ainsi de murmurer et déambuler pendant bien plus d’une heure, avant que la tombée de la nuit ne l’amène à envisager de rentrer au foyer. Mais tandis qu’il descendait les marches menant au curieux autel, il surprit le regard persistant d’une paire d’yeux qui le fixait depuis l’obscurité. Étranger à toute forme de peur ou même d’humanité, le Sage dévoila alors simplement un sourire discret tout en gagnant, sans presser le pas, la route qui le ramenait chez lui…
Ou peut-être que non ?