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Lost Kingdom  :: Mearian :: La Capitale - Theopolis, cité des dieux

Rencontre un jour d'automne

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[Non loin de Theopolis]

Aller chercher des plantes médicinales aurait pu paraître affreux pour toute personne un temps soit peu riche ; cela l’aurait pu l’être aussi pour certains membres des Seraphs. Divinités adorées à Mearian, certains appréciaient leur confort et leurs droits divins ; pour Annalia, au contraire, s’échapper de la ferveur et la dévotion de Theopolis était souvent salvateur. Elle adorait son peuple, bien entendu : celui dans lequel elle était née, où elle avait même grandi. D’autre part, l’ascension de l’Ordre et la théocratie de sa nation était sinon omniprésente, au moins harassante. Et ne serait-ce que de temps en temps, Charité aimait s’éloigner de la capitale pour goûter un instant au silence, à la tranquillité, si tranchante avec le foisonnement de vie et de mouvement dans la capitale des Dieux.

C’était peut-être pour cela que, lorsqu’elle avait vu une liste de plantes médicinales par une infirmière dans un hospice de Mearian, Annalia avait proposé si spontanément d’y aller à sa place. La bonne femme avait de toute manière un bon nombre de patients à s’occuper, et pour ce qui concernait la Seraph, elle n’avait pas eu la volonté de rester simplement dans son temple. C’était impossible pour elle de rester sagement toujours au même endroit. Il lui fallait bouger, aider ceux qu’elle rencontrait si cela s’avérait nécessaire, mais ne pas rester à la même place indéfiniment. On pouvait donc dire qu’elle avait sauté sur l’occasion et délaissé les rues de Theopolis. Le reste avait été simple : Charité s’était aventurée dans une zone plus sauvage et plus boisée de Mearian, où elle savait qu’elle trouverait les plantes médicinales qu’elle recherchait. Une escapade d’autant plus agréable qu’elle était seule, et que le soleil régnait en ce mois d’octobre. Enroulée sous une cape brune assez ample, mais qui protégeait du froid d’automne, la demoiselle avait aussi pris une petite besace pour y déposer ses plantes.

Depuis, silencieuse et vive tout à la fois, Charité marchait au milieu de la forêt, goûtant d’une part à cet instant serein lié à la nature, cherchant d’autre part les plantes qui seraient utiles à ces infirmières qu’elle allait régulièrement voir. La magie aussi pouvait être bénéfique pour soigner les plaies et les blessures, mais les plantes médicinales pouvaient s’avérer tout aussi efficaces.

« Voire même plus, songea-t-elle. [i]Certaines magies peuvent au fond être néfastes…

Ce fut alors qu’elle cueillait des pétales d’ellébore, chères pour leurs effets contre la fièvre et la toux, qu’elle entendit un bruit, presque indistinct et qu’elle n’aurait pas perçu sans avoir fait attention. Annalia releva la tête, ne tarda pas à se relever, tout en regardant la zone vers laquelle elle avait entendu des brindilles craquer. Était-ce elle… ? Avait-ce été un animal ? Un lapin ? Une biche ? Encore une autre espèce… ?

Pourtant, et Charité fronça les sourcils, sa propre magie aussi commençait à faire effet. Elle avait tenté, au départ, de l’occulter et de penser à autre chose ; mais désormais, Annalia avait de plus en plus la sensation qu’on avait besoin d’aide dans les environs, sans savoir exactement de quoi il en retournait. Ca n’avait été qu’un sentiment diffus d’abord ; maintenant, cela devenait plus fort, comme si elle se rapprochait de la zone désignée par son pouvoir.

Elle aurait pu faire semblant de rien, évidemment. Cela aurait été tellement possible. Faire demi-tour, d’autant qu’elle avait déjà trouvé beaucoup de plantes lors de sa cueillette. Retourner à Theopolis, qui était à trente minutes à pied d’ici. Mais Charité n’eut le temps que de faire quelques pas tout en observant la forêt silencieuse qu’elle se retrouva nez à nez avec une silhouette apparut devant elle. La première chose qui la frappa, sans doute, fut les cheveux de la couleur de l’aube de la demoiselle en face d’elle.

Une surprise assez comique en soi, puisqu’Annalia elle-même avait la même chevelure.

Pour autant, la Seraph ne s’attendait pas encore tellement à croiser du monde. Elle avait cru que la personne qui avait besoin d’aide était encore loin… Et elle semblait s’être bien trompée, adoptant même une face interdite vers cette inconnue qu’elle n’avait pas vue venir.

L’espace d’une ou deux seconde, Charité fut totalement immobile, la main fermée sur la plante qu’elle venait de cueillir, observant simplement la demoiselle qui avait simplement une tunique blanche et une cape de la même couleur. Elle ne savait pas si c’était elle que son pouvoir désignait, ne voulait pas utiliser sa compétence pour en être non plus sûre. Il suffisait de la voir pour se rendre compte que cette jeune femme semblait au moins fatiguée, sinon perdue ou dans un état qui n’était peut-être pas normal.

- Excusez-moi… Est-ce que je peux vous aider ? demanda doucement la Seraph, rompant du même coup le silence qui semblait régner sur les lieux.

La demoiselle n’avait pas vraiment une tenue adaptée pour une balade en forêt : sa tunique lui semblait trop courte pour être une robe mise pour se balader dehors,  d’autant qu’on était en octobre et pas en été. Quant à savoir ce que cette jeune femme faisait là… C’était une très bonne question qu’Annalia avait envie d’éclairer.

Des flammes. Je suis enveloppé de flamme; et je n’ai pas mal. Je n’ai plus contrôle. Je sais juste que je dois partir. Comment est-ce que c’était arrivé à cela? Les flammes m’engouffrent. Ils me guident; me permettre de voler. Je suis libre.

Et telle une étoile filante, je tombe au sol.

***


Je me réveille enfin par terre, dans un lieu inconnu. Désorientée, je regarde autour de moi pour au moins une indication, un nom de rue, une maison… Mais il n’y a rien outre que des arbres, des agrimonias, des érabores, des echinaceas… Finalement, les plantes sont encore plus utiles que je le croyais. Je suis toujours à Maerien; on est incapable de trouver ses herbes à Akhanta. Bon, au moins je ne suis pas si perdue que je le croyais. Tranquillement, je m’assois en essayant de me rappeler ce qui m’est arrivé. Je me souviens vivement d'un feu. Je commence par regarder mes bras; je devrais être plein de brûlures, je devrais avoir mal; or, je ne ressens aucune douleur. Ma peau blême n’a aucune marque; ni sur mes bras, sur mes mains, mes jambes, mes pieds… Rien. Mon attention tourne maintenant à mes vêtements; une robe blanche courte et surtout inconnue. Je n’ai jamais procuré de tel habillement; et franchement, c’est trop court pour que je me sente à l’aise. Par réflex, je tente d’agripper mon sac en cuir; mais en vain. Elle n’est plus à mes côtés. Toutes les herbes que j’ai procurées et trouvées; parti.

Finalement, tout me revient. Flou, mais tranquillement les images de la nuit d’avant se dessinent dans mon esprit. J’étais drogué; on essayait de me vendre… et je me suis envolé. Je suis incertaine combien de temps  j’étais évanouie; une heure, trois heures, sept heures? Je dois bouger, faire quelque chose. Je me lève tranquillement; ma tête tourne légèrement, et je me sens très faible. Mon ventre gargouille; la dernière fois que j’ai mangée c’était au pub. J’ai plus d’argent, mes médicaments… rien. Je dois trouver une façon de récupérer tout. Mais avant; je dois absolument reprendre mes forces. Peut-être si je retourne au pub, je serais capable d’expliquer ma situation… À moins qu’ils soient conscients des choses qui se passent à leurs établissements, ou même qu’ils organisent cette vente. Je dois tout de même tenter ma chance. Je commence à marcher; je trouve rapidement un chemin. Parfait. Cela doit m’amener à une ville, ou même un village.

Le soleil caresse ma peau; les rayons ne sont pas aussi ardus que ceux à Akhanta, mais elle me réchauffe, même qu'elle me rassure. C’est drôle de penser que je m’ennuie d’un pays si chaud, mais je n’ai jamais vraiment connu autre chose. C’est silencieux, mais je suis incapable de ne pas imaginer les personnes des enchères qui me cherchent. Ils ne veulent surement pas perdre un spécimen, peu importe qui… Je tente de respirer profondément, de me calmer. Rien ne veut. Le silence alimente mes peurs; j'imagine entendre des pas, des cris, un souffle…

Au loin, je vois une figure. Une femme. Une femme aux cheveux rouges, tels un feu. Elle semble aussi fragile que moi, aussi petite… Or, ses gestes semblent plus calculer. Plus douce, plus habile. Ses cheveux ne sont pas raides comme les miennes. Elles virevoltent dans le vent, comme une flamme qui danse. Je dois éviter son regard. Je ne veux aucunement l’embêter. Et qui sait? Malgré son allure angélique, elle pourrait très bien me vouloir du mal… Peut-être même qu’elle travaille pour Darren? Je dois partir. Je baisse ma tête; peut-être qu’elle ne me remarquera pas si je regarde au sol.

Soudain; j’attends une voix; sa voix. Je m’arrête net; comment dois-je réagir? Est-ce que je continue comme si de rien n’était? Non, c’est suspicieux. La jeune femme me demande si tout va bien. Je risque. Je me tourne tranquillement pour y faire face. J’étais seulement à quelques pieds d’elle. De près, elle est encore plus belle. De beaux yeux de couleur améthyste, un visage délicat… Pourrait-elle réellement me vouloir du mal? Son visage ne me dit rien; du moins, je ne l’ai pas vue aux enchères. Malgré que tous étaient très flous, je n’aurais aucunement oublié ses cheveux. La jeune femme semble tendue. Est-ce que je la stresse? Impossible. Je ne suis aucunement menaçante. Mon regard tombe sur sa main. Je vois les pédales mauves...

« Lâcher votre prise sur l’enchinacea; c’est mieux de préserver sa structure et l’écraser plus tard, pour ensuite le mettre dans de l’eau chaude… »

Est-ce que… est-ce que je viens tout juste de dire cela à voix haute? Je me prends pour qui? Je me reprends rapidement.

« Ah, pardon… Je ne souhaitais aucunement vous déranger. Merci beaucoup de vous inquiétez; mais tout va bien. Je souhaite simplement retourner à Théopolis, ou n’importe quel village à ce point...»

Je murmure la dernière partie, un peu décourager. Espérant qu’elle ne remarque pas mon commentaire, je souris pour la rassurer. Un sourire forcé peut-être, mais un sourire quand même. Sur ses mots, je me tourne et continue ma route. Peut-être c’est assez pour qu’elle ne s’inquiète plus.
Les rayons du soleil étaient doux, une légère brise soufflait entre les branches de la forêt et c’était le silence qui régnait en maître sur les lieux de ce petit bois. Tout ce qu’il y avait de plus agréable quand on venait faire un tour loin de la ville, loin de la capitale, loin des fidèles et du peuple de Mearian. Pourtant, il fallait le reconnaître, Annalia était passablement intriguée devant cette jeune femme qui avaient les cheveux aux couleurs de l’aube, humaine (si c’était bien le cas ?) qu’elle avait remarquée un peu plus tôt. La demoiselle portait certes un accoutrement qui ne lui semblait pas forcément le plus adapté pour sortir en forêt, mais la Seraph n’était pas du genre à ignorer quelqu’un pour ce genre de choses : au contraire, une certaine curiosité flottait dans son esprit, et un sourire affable était venu se poser sur ses lèvres. Intriguée, elle l’était, mais ce n’était pas pour autant que la déesse comptait la mettre mal à l’aise.

Se sentait-elle en danger ? Non, même si sa magie n’était clairement pas la plus offensive ni la plus défensive non plus. Peut-être était-ce là un de ces défauts de voir ceux qui se présentaient à elle de façon bienveillante, sans même songer qu’ils pussent lui faire du mal. Pour autant, l’inconnue devant elle n’avait pas eu l’air de vouloir la croiser, puisqu’elle s’était figée au son de sa voix, avant de se retourner lentement. Cela lui avait permis de mieux la voir, de rencontrer ses beaux yeux émeraudes sous sa chevelure de feu. Immobile, Charité ne s’était pas départie de son sourire, mais n’avait pas posé d’autres questions non plus. Trop aurait pu paraître indiscret, et si la jeune femme s’était arrêtée, cela voulait dire qu’elle avait parfaitement entendue.

Pourtant, son regard affable se changea nettement en un visage surpris lorsque la demoiselle prit la parole après avoir regardé la pousse qu’elle venait de cueillir. Lâcher sa prise sur l’enichea pour mieux préserver sa structure et l’écraser plus tard… La Seraph fut instant partagée par le plaisir de voir une connaisseuse, puis laissa échapper un léger rire tandis qu’elle lâchait la pression qu’elle avait inconsciemment exercée sur la fleur. Un rire léger, cristallin, mais absolument pas moqueur, et la déesse prit la parole alors qu’elle mettait bien à l’abri la pousse dans la besace où elle protégeait soigneusement ses fleurs.

- Ne t’excuse pas, c’est toi qui as raison, lui sourit-elle. Je t’ai vue et j’en ai oublié ma fleur. Freya ne serait pas contente de moi, ajouta-t-elle en songeant à la guérisseuse pour qui elle ramassait les herbes.

Elle l’écouta ensuite lui raconter brièvement qu’elle cherchait Theopolis et fronça les sourcils l’espace d’une seconde. Ses derniers mots avaient été un souffle, un murmure, mais il lui avait semblé que la jeune femme cherchait n’importe quoi pour se reposer. Même un simple village… D’où venait-elle donc ? S’était-elle perdue ?

Quoi qu’il en soit, la belle inconnue lui sourit de manière amicale avant de s’en retourner pour continuer sa route. Le seul problème…

- Tu n’atteindras pas Theopolis par là, fit Annalia d’un ton franc et même temps doux, sans trop réfléchir. La capitale est de ce côté-ci, du sentier d’où je viens… Et il n’y a pas beaucoup de village dans les environs, continua la Seraph, tout en réfléchissant alors qu’elle parlait par la même occasion. En tout cas, tu t’épuiseras plus à les rejoindre…

La déesse se tut un instant, regarda pensivement la demoiselle, puis un sourire naquit sur ses lèvres, rassurant et confiant tout à la fois.

- Tu veux te reposer quelque part ?

La jeune femme n’avait aucun sac, aucun bien si ce n’était ses vêtements, et ne s’était visiblement pas préparée à marcher dans la nature. Pourquoi, elle ne savait pas. En revanche, elle n’avait rien d’un pèlerin, et Annalia finit par décliner son identité.

- Je suis une prêtresse de Charité, l’une des Seraphs de Mearian. Je suis venue prendre des herbes pour une infirmières qui avait besoin de ces ressources et je compte retourner à la capitale. Pourquoi ne pas m’accompagner, si tu le désires ?

Le tutoiement s’était naturellement imposée à elle, peut-être à cause de ses deux siècles d’existence. Si la jeune humaine le prenait mal, elle changerait de ton, mais celui-ci était tranquille et respectueux tout en même temps. Elle ne voulait pas la brusquer… Ce qui ne l’empêcha pas de poser une ultime question, après lui avoir laissé le temps de réfléchir et de répondre.

- Et si je puis me permettre… Je peux savoir ce que tu fais ici ?

Car elle était curieuse, car elle avait envie de savoir, mais il fallait voir ce que lui répondrait la demoiselle aussi. Elle n’insisterait pas si elle refusait de répondre. Mais Annalia était agréablement surprise de rencontrer quelqu’un, même si plusieurs éléments n’allaient pas a priori. Puis, si elle s’y connaissait et qu’elle était guérisseuse… les deux jeunes femmes auraient de quoi discuter en chemin jusque Theopolis.
La jeune dame rit à ma recommandation, et lâcha tout de suite la prise de la fleur. Elle mentionne une certaine Freya; une amie, un employé, une connaissance? Qui sait; mais c’est clair que la femme aux yeux violette venait chercher des plantes médicinales; peut-être elle est guérisseuse, ou encore une apprentie? Qui sait ? J'aurais la chance de l’imaginer pendant que je marchais, seule dans ce territoire si inconnu. Il fait si beau; surtout ce temps si de l’année. L’automne apporte une nouvelle vie à la nature, une nouvelle beauté, de nouvelle couleur… Mais je serais seul encore une fois.

Au moment que je m’apprêtais de partir, la dame reprit la parole pour m’indiquer que je marchais dans la mauvaise direction. Elle mentionna aussi qu’il y a peu de villages dans les environs... J’étais incapable d’ignorer ce détail. Alors la nuit précédente; s’il n’y a pas d’autre village dans les environs, où est-ce que j’étais amené? Une maison à la capitale? Certes, le pub où je me suis arrêté pour la nuit est à Theapolis; par contre je doute fortement que les vendeurs pratiquent un tel crime dans la capitale, parmi des gens de la loi. J’y réfléchirai au courant de ma marche… Je devrais retrouver l’endroit d’une façon ou d’une autre, puisque je souhaite récupérer mes effets personnels. Mais avant je devrais répondre à la demoiselle.

Je fis face à la jeune dame à nouveau. Visiblement embarrasser, je lui réplique :

« Ah pardon! Je ne suis pas des environs; je ne connais pas tout à fait la géographie de l’endroit encore. Merci beaucoup pour l’information! »

Un sourire rassurant se dessina sur les lèvres de la dame. Avec un visage comme celui-là, je suis incapable de l’imaginer faire mal à une mouche; mais j'assume toujours le bon dans les inconnus. Je dois tenter de me méfier; ou du moins, monter mes gardes. Mais d'un autre côté, rien d’elle ne m’indique qu’elle souhaite me faire mal; même qu’avec les herbes médicinales qu’elle cueillit, elle souhaite faire le contraire. Un autre sourire se forma sur ses lèvres lorsqu’elle me demande si je cherchais un lieu de repos.

« Entre autres, réplique-je, surtout un endroit pour reprendre un peu mes forces. »

Finalement, elle me confie son identité; ou plutôt son rôle. Une prêtresse de Charité. Ma mémoire retourne aux innombrables heures d’études des Seraph. Charité… Si mes souvenirs sont exacts, elle est une des plus jeunes Seraph. Pour être francs, mes parents n’étaient pas de grand religieux. J’ai entendu des histoires de prêtre et prêtresse plus corrompus et même fou; par contre, la dame aux cheveux enflammés n’a aucunement cette allure. Elle semble posée, calme et très patiente. Mais ce n’est que des détails.
La dame reprend la parole à nouveau, et m’offre de me montrer le chemin pour la capitale.

« Ça serait bien apprécié, je réponds après un moment de réflexion, si cela ne vou- te pose aucun problème bien sûr. Je ne voudrais absolument pas t'ennuyer.»

Je tente de la tutoyer, tout comme elle à fait, dans l'espoir qu'elle se sente à l'aise.

Maintenant, la question qui tue; qu’est-ce qui m’amène ici? Je suis incertaine de la façon qu’elle réagira si je lui réponds honnêtement à cette question; me croira-t-elle? Je ne veux certainement pas la basculer; ou pire encore, l’impliquer dans cette histoire. Mais je ne peux tout de même pas lui cacher mon identité. Après un moment, je commence calmement :

« Je suis guérisseuse d'Akantha. Un manque de matériau parmi les marchands m’a forcé à franchir la barrière, dans l’espoir de cueillir et acheter les herbes manquantes. »

Petite pause. Maintenant venait la partie plus délicate.

« Malheureusement, hier il est arrivé un certain incident, qui m’a privé de tous mes effets personnels. J'ai malheureusement tout perdu… »

Je reprenais un peu de confiance. Lentement, mais surement. Mais cette peur, cette inquiétude que les personnes reviennent me rechercher est un gros poids sur mes épaules. Je ne connais rien aux ventes aux enchères d’être vivant; mais perdre quelqu’un qui pourra parler pourrait être problématique. Pire encore maintenant si les criminels s’en prennent à la prêtresse. Je me ressaisis rapidement et continue;

« Je souhaite reprendre un peu de force avant d’aller retrouver tout; autant plus que je suis incertaine où qu’ils soient. »

Je dis la vérité; la drogue et les flammes m’embrouillent la mémoire; et je suis incertaine où commencer ma recherche. Mais je devais le faire; mon argent, mes habits, mes herbes… Tout est perdu. Je repose mon regard à nouveau sur la jeune. Je dois tout de même mieux la saluer. En me rapprochant d' elle, je lui tends la main en me présentant :

« Mon nom est Zephyr en passant. Zephyr Eden.»
Patiemment, Annalia regardait la jeune femme à la belle chevelure enflammée ; elle lui avait fait remarquer qu’aucun village n’était dans les environs mais pour autant, elle ne savait toujours pas ce que la jeune femme faisait ici. Elle aurait pu la prendre pour une guérisseuse à cause de sa présence dans la forêt, mais la Seraph ne voyait ni récolte de plantes médicinales, ni aucune affaire qui aurait lui confirmer sa pensée. A défaut, la déesse avait laissé cette question en suspens et attendait une réaction de la demoiselle, qui ne tarda pas. Elle s’excusa de manière quelque peu embarrassée en déclarant qu’elle n’était pas de la région. A cette parole, Annalia fit un simple geste pour signifier que ce n’était pas grave et elle l’écouta ensuite révéler qu’elle cherchait un lieu pour se reposer. Et pour reprendre des forces.

Soit. Cela ne lui posait absolument pas problème. Mais si elle était une voyageuse, pourquoi n’avait-elle rien ?

Theopolis répondrait certainement au mieux à ses attentes pour se reposer ; la capitale contenait d’innombrables auberges, et s’il le fallait même, Charité pouvait toujours l’accueillir dans son temple pour une nuit ou deux. Non, l’héberger n’était pas le problème – ni l’argent vu toutes les oboles des fidèles. Et puis, si ça ne la dérangeait pas de la prendre en charge, ce n’était certainement pas la jeune femme devant elle qui saurait payer vu ses maigres biens…

Mais cela la tauraudait d’autant plus. Certaines personnes pouvaient prôner une grande pauvreté. Mais le dénuement total ? C’était rare, sinon totalement inconscient de partir sans rien dans la nature. Heureusement, il faisait beau, mais Annalia se demanda un instant s’il ne fallait pas lui donner sa cape, protégeant du froid extérieur. Ou peut-être valait-il mieux s’abstenir ? Elle ne savait pas comment réagirait l’humaine en face d’elle et elle ne voulait pas la mettre mal à l’aise…

Contenant ses pensées pour elle, Annalia hocha la tête lorsque son interlocutrice accepta de l’accompagner jusque la capitale. Elle ferma la besace dans laquelle elle avait entreposé ses plantes et puis désigna du doigt la direction à prendre.

- C’est par là.

Ton doux toujours, mais la Seraph attendit pour autant que la jeune femme réponde à sa dernière question. Elle se présenta, et une lueur franchement appréciative apparut dans son regard lorsque son interlocutrice lui révéla qu’elle était guérisseuse d’Arkantha. Un instant, la déesse faillit lui demander quelles étaient ses connaissances dans le domaine médicinal, intéressée à partager leurs connaissances ; puis, elle se reprit et attendit patiemment que la jeune femme termine.

Quand même, c’était la moindre des politesses et le juste retour des choses.

Ainsi, c’était un manque de matériau qui l’avait fait venir dans les environs. Rejetant une de ses mèches derrières son oreille, Annalia se demandait quelles plantes il lui manquait lorsque son regard se figea en écoutant les derniers propos de l’humaine devant elle.

« Malheureusement, hier il est arrivé un certain incident, qui m’a privé de tous mes effets personnels. J'ai malheureusement tout perdu… »

Un incident ? Le regard cette fois bien plus sérieux, Charité posa un nouveau regard sur elle en cherchant une éventuelle blessure, n’importe quoi qui pourrait montrer une faiblesse dans sa santé. Elle n’écouta presque que d’une oreille ses dernières paroles, retenant simplement le détail qu’elle ne savait pas où étaient ses assaillants. Immobile, réfléchissant à vive allure, elle vit la demoiselle s’avancer et lui tendre la main pour se présenter.

Zephyr.

C’est un joli nom pour une jeune femme comme elle.

Un joli nom qui, rien qu’à l’idée qu’elle ait subi un vol, même sans blessures graves, la révulsait.

Se forçant toutefois à sourire, Annalia lui prit la main et l’espace d’un instant, reprit un ton rassurant, léger, joyeux, aussi de faire sa connaissance. Oubliant presque les détails précédents, son ton se fit franc et sincère, et la Seraph renchérit.

- Enchantée de faire ta connaissance. Encore plus si tu es une guérisseuse, je vogue moi-même beaucoup dans les hospices de Theopolis pour aider les blessés que je rencontre.

Peut-être que ce détail la mettrait plus à l’aise ; en tout cas, son ton appréciateur était réel. Rencontrer une guérisseuse lui faisait plaisir et elle avait hâte de l’interroger – plus tard. Sans se départir de son sourire, Annalia la regarda à nouveau et son visage se fit un peu plus grave, cherchant toujours une blessure éventuelle sur la jeune femme. Devait-elle activer sa magie pour la soigner… ?

- Tu as subi un vol ? On t’a tendu une embuscade pendant que tu voyageais ? Charité s’interrompit brusquement pour aller au plus important : Tu es blessée ?

Elle comprenait mieux, maintenant, pourquoi la jeune femme n’avait rien, pourquoi elle avait cette tenue peu propice pour une promenade un jour d’automne, même s’il faisait beau. Elle comprenait mieux aussi son envie peut-être d’être toute seule… Mais la Seraph ne pouvait pas la laisser sans compagnie en sachant ça. Elle ne pouvait pas la laisser tout gérer seule si elle était capable de lui apporter de l’aide. Toute légèreté envolée, Annalia marqua une pause et reprit ensuite la parole avec un regard d’excuse.

- Désolée de te poser ces questions, je suis peut-être trop intrusive. Et peut-être que j’aurais dû remarquer que tu avais été volée. Mais je ne m’attendais pas à ce que tu sois dans une telle situation… Est-ce que tu te sens assez forte pour aller jusque Theopolis ?

Elle ne savait pas, en si peu de temps, juger la force mentale de Zephyr, mais si elle avait subi une embuscade, alors peut-être pouvait-elle être en état de choc. Peut-être pourrait-elle chercher à le nier aussi en se forçant à se sentir bien… Mais si la jeune femme ne se sentait pas capable de marcher jusque la capitale, peut-être Annalia pourrait aller au plus vite à la ville pour demander de l’aide aux gardes. Sous sa forme de Seraph, ce serait facile.

Elle attendit en tout cas sa réponse puis continua :

- Est-ce que je peux t’aider en quoi que ce soit ?

[Désolé pour l'attente de ma réponse ^^']
La jeune femme aux yeux améthyste analyse chaque mot, chaque parole qui sort de ma bouche. Elle me fixa d’un regard inquiet le moment que je mentionne d’avoir perdu mes effets personnels dans un incident. Je continue tout de même de parler, de m’expliquer. Heureusement, un sourire se dessina sur les lèvres de la prêtresse lorsque je me présente. Elle réplique ensuite en m’expliquant un peu plus son rôle. Malgré qu’elle-même n’est ni une infirmière ou ni un médecin, elle souhaite aider les citoyens de la capitale du mieux qu’elle peut; c’est du moins ce que je comprends. Aider un hospice est très important, peu importe comment qu'on le fait. Je respecte énormément ses efforts.  Je me détends un peu, plus à l'aise. Le simple fait de connaitre son but et surtout son ignorance de la vraie situation me calme légèrement. Je crois que la jeune femme aux cheveux rouge aurait réagi différemment si elle avait un lien avec les vendeurs. Je suis toujours habillé d'une robe blanche que l'on m'a fait porter aux enchères, ce qu'elle aurait probablement reconnu aussitôt qu'elle m'a vue marcher. En plus, tout ce que je lui ai mentionné aurait allumé une lumière de mon identité. Quoique je ne voie rien qu’elle pourra utiliser pour m’attaquer, elle aurait peut-être tenté de m’attraper. Je n’ai pas vu de malice dans ses yeux. J'ai toujours un peu de doute, mais cela m'étonnerait énormément.

La prêtresse reprit la parole à nouveau. Clairement mes explications vagues n’étaient pas suffisantes, elle souhaitait savoir beaucoup plus. Un réflexe très compréhensible, pour être franche. Un individu sans rien sur sa personne, au milieu d’un lieu qui lui ai inconnu, quelque chose de grave doit être arrivé. Alors, la jeune femme aux cheveux de flammes me bombarda de questions pour comprendre un peu plus. Elle commence par me demander si j’étais victime d’une vole ou une embuscade... Une très belle théorie, et franchement très proche de la vérité. Seulement ce n’est pas simplement mes effets qui étaient volés, mais moi. Mon corps. Un frisson passa sur mon corps en pensant à ce qui pouvait arriver, mais je reprends rapidement. Je réfléchis un moment pour une réponse adéquate à ses attentes, sans trop donner d’information. Cette fois-ci par contre ce n’est aucunement le manque de confiance qui m’empêche de répondre, mais une inquiétude pour sa sécurité. Je suis incertaine que les vendeurs souhaitent que leurs secrets soient publics. Je décide alors de répondre à une seule question;

« Non, non, heureusement je ne suis pas blessée. »

Je devrais dire étonnamment. J’étais chainé au pied et aux poignets, mais à mon réveil je n’ai aucune marque sur mon corps. Et le plus surprenant est que je baignais dans des flammes, mais ma peau blême est sans marques. Pourtant, je me souviens vivement du feu qui envelopper mon corps, et mes bras qui se transforment en aile. Mais je n’ai aucune brûlure. Outre que la peur, je me sens plutôt faible, mais je crois que c’est en raison d'un manque de nourriture dans mon système. Je pourrais bien commencer à recueillir des fruits en marchant dans la forêt, mais j’aimerais bien mieux un repas chaud. Malgré le soleil qui me caresse la peau, ma tunique courte et mes pieds nus ne m’offrent pas beaucoup de chaleur en cette journée d’automne. Ce n’est pas pénible, certes, mais tout de même désagréable. Après une courte pause, la prêtresse reprit la parole à nouveau, en s’excusant de m’interroger. Je la laisse s’explique, et je ne tarde pas de répondre :

« Merci beaucoup de t’inquiéter; j’aimerais penser que je ferais la même chose dans ses circonstances. J’imagine que c’est dans ta nature. »

Une affinité d’aider quelqu’un dans le besoin. Cela peut-être une force tout comme une faiblesse. J’enchaine à nouveau avec un sourire sur les lèvres :

« Je suis toujours debout, je crois que mes jambes sont capables de m'amener à ma destination. »

J’espère que mes mots la rassureront, du moins un peu. Elle m’écoute encore attentivement, avant de me poser une question qui semble lui brûler la lèvre depuis un moment. Si elle peut m'aider. De l'aide. C’est rare que je me trouve dans le besoin. Souvent, je trouve des solutions pour toute autre personne, mais cette fois-ci c’est moi qui suis dans l’embarras. En quelque sorte c’est une très belle leçon d’humilité. Pour être franche, simplement sa présence me rassure énormément. Je me sens moins seul, moins perdu dans ce pays encore si inconnu. Mais je suis certaine que ce n’est aucunement la réponse qu’elle souhaite entendre. Moi-même serais insatisfaite de cette réponse.  Mais il y a tout de même une limite dans ses capacités; du moins de ce que je discerne. Dans cet univers d'être phénoménal, de cyborg et de Seraph, tout est possible. Par contre, je suis incertaine qu’elle aimerait ou plutôt serait en mesure de confronter les vendeurs… Alors je réplique, d’un ton rassurant :

«Si cela ne vous met pas dans l'embarras, on peut commencer à marcher vers la capitale pendant qu’on discute. Je crois qu’en même temps je peux ramasser certaines herbes dans mon chemin, et peut-être même en cueillir quelques-unes qui aideraient l’hospice. »

C’est la moindre des choses. Je ne peux pas la récompenser d’argent, mais mes connaissances en plantes pourront lui être utiles. Certes, Mearian n’est pas aussi abondant d’herbe que Nueva, mais je peux certainement trouver plusieurs plantes utiles pour eux; surtout avant l’hiver.
Elle l’observe, la jeune Seraph, calmement, paisiblement, en essayant de ne pas trop être trop insistante sur les bords. Mais elle est curieuse, c’est une de ses caractéristiques. Et plus encore, elle représente la Charité. C’est quelque chose qui lui est naturel de savoir s’il y a un problème, s’il y a un souci quelconque, ou plus encore si quelqu’un est blessé. Si tel avait été le cas, probablement aurait-elle utilisé son pouvoir, Communion, pour refermer les plaies… Mais Annalia ne voyait aucune marque qui lui paraissait sérieuse – ou alors sa compagne de fortune le lui cachait admirablement bien. Il était aussi possible que son interlocutrice ait plus été blessée mentalement : Charité ne pourrait alors rien faire, sinon la réconforter, être présente, être à l’écoute, tout simplement. Parfois être simplement là pouvait avoir un bien grand pouvoir, encore plus que celui de la guérison physique. Peut-être que Zéphyr en avait besoin, peut-être que non aussi. Certaines personnes étaient fortes et savaient se relever seules. Parfois, même, elles préféraient résoudre leurs problèmes par leurs propres moyens, ce que la Seraph ne pouvait que saluer. Mais est-ce que ce tempérament était le propre de la jeune humaine ? Il lui semblait que oui, puisqu’elle avait d’abord cherché à continuer sa route seule. Et il pouvait aussi s’agir de l’envie de ne pas la mêler à ses affaires, ou à ses ennuis.

Ses affaires, pourtant, la Seraph s’y mêlait bien en lui posant sans doute trop de questions. Elle attendit patiemment que Zephyr lui réponde et cette dernière lui révéla finalement qu’elle n’était pas blessée. Annalia hocha la tête, l’inspectant du regard par son habitude à soigner des patients, puis eut l’ébauche d’un sourire, montrant qu’elle acceptait sa réponse. Insister aurait été déplacé et elle pouvait comprendre que Zephyr ne veuille pas tout lui dire. En toute honnêteté, ne se connaissant que depuis quelques instants, c’était compréhensible.

Sa nouvelle connaissance la remercia ensuite de s’inquiéter, et lui fit part qu’elle espérait avoir le même comportement à sa place. Annalia ne pouvait trancher pour elle, à cet égard, car elle la connaissait trop peu ; en revanche, elle opina du chef quand la demoiselle supposa que c’était dans sa nature d’aider les gens.

« C’est tout à fait ça. Je ne peux pas dire que c’est une passion mais je ne supporte pas voir quelqu’un dans le besoin si je peux aider, ne serait-ce qu’un peu. Parfois mon aide est futile, parfois plus importante. Mais il me semble que c’est ainsi qu’on façonne un monde plus juste. »

Annalia s’interrompit en se disant que ce n’était peut-être ni le lieu, ni l’instant pour avoir ce type de discours, et elle lui accorda donc un simple sourire détendu. Elle était plus à l’aise maintenant qu’elle savait qui était Zephyr et qu’elle n’était pas blessée ; il restait des questions, mais celles-ci attendraient.

Elle écouta donc l’Arkanthienne lui dire qu’elle était toujours debout et qu’apparemment ses jambes pouvaient encore la porter. C’était préférable. Annalia avait beau être une Seraph, elle n’était certainement pas la plus forte pour transporter quelqu’un.

« Dans ce cas, allons par-là, ce sera le chemin le plus court, » fit Annalia en désignant un chemin du doigt et en réfléchissant par la même occasion sur le meilleur itinéraire à suivre. Peut-être trouveraient-elles des marchands avec un chariot : ce serait le moyen le plus rapide pour rejoindre la capitale et épargner des efforts à Zephyr. Charité avait déjà tendance à la considérer comme sa protégée, et elle ne comptait pas la lâcher en plein milieu de Theopolis sans l’avoir assistée autant qu’elle le pouvait. Pourtant, la jeune fille aux cheveux de feu lui fit encore une offre plus intéressante, et Annalia ne put cacher une lueur approbatrice dans son regard. Zephyr acceptait certes son aide, mais ne voulait pas être servie sans rien donner en retour. C’était louable, et Charité ne cacha pas son appréciation sur son visage. Pour autant, si elle avait un sourire appréciateur et hocha la tête, cela ne l’empêcha pas de prendre la parole.

- Si tu t’en sens capable, et si tu ne forces pas trop. Je ne sais pas ce que tu as eu mais je ne voudrais pas que tu t’affaiblisses à cause de moi ou à cause d’une éventuelle fatigue que nous aurions mal évalué. Mais, et son sourire s’accentua,  je serai ravie de faire un peu de récoltes avec toi.

C’était toujours plus agréable de faire certaines choses ensemble et elle était curieuse de voir les connaissances de la jeune femme. Peut-être pourrait-elle lui enseigner une ou deux plantes locales, et inversément, si Annalia devait un jour venir en Arkhanta.

- Prends mon manteau, fit la Seraph alors qu’elle enlevait le sien tout en lui parlant et en le lui tendant. Il est chaud, il te réchauffera, et tu en as plus besoin que moi.

Son ton ne souffrait d’aucune réplique. Elle était la Charité et pouvait se montrer à l’écoute, mais sur certains points, elle était intraitable. Ce cas avec Zephyr en faisait partie, et elle continua avec un ton qui se voulait rassurant, pour aller contre ses éventuelles objections.

- On va continuer à marcher, donc je n’aurai pas froid. Dis-moi juste si je vais trop vite ou si tu as besoin de quoi que ce soit.

Reconnaîtrait-elle du monde à Theopolis ? Ses voleurs – car Annalia supposait que la jeune femme avait eu une embuscade malgré que Zéphyr n’ait pas tout dit – étaient-il dans les environs ? Il faudrait qu’elle envoie peut-être une patrouille ou qu’elle demande un rapport sur les environs. Elle ne voulait pas que tous ceux allant à Theopolis soient la proie de brigands ou de bandits. Cela n’allait pas à la Cité des Dieux et puis…

« Grands dieux, qu’est-ce c’était stupide et odieux, ces vols, ces escarmouches, ces embuscades ! »

Annalia faillit s’immobiliser lorsqu’elle se rendit compte qu’elle avait marmonné tout haut, se complimenta intérieurement pour ses immenses talents de discrétion, et elle adressa un sourire d’excuse à Zephyr.

- Pardon, ça m’a échappé. Mais ça m’horripile, l’idée qu’on puisse atteindre les voyageurs ou les passants. Ce n’est pas comme ça que devraient se conduire les hommes… Ni même le pays où vivent les Seraphs.

Elle lui laissa éventuellement la possibilité de répondre, avant de poursuivre et reprendre la parole. Elles étaient arrivées sur un terrain plus dégagé maintenant, en atteignant une des routes principales qui leur permettraient de regagner plus rapidement la capitale.

- Si jamais tu le désires, je peux envoyer une patrouille, ou faire des recherches sur tes biens ou ces hommes qui t’ont fait du mal. Je ne dis pas qu’ils comparaîtront devant Justice lui-même, mais peut-être que ça te permettra de récupérer ce qui t’est dû, surtout si tu avais des choses importantes en ta possession.

Que ça suscite des questions chez Zephyr sur ce que pouvait faire Annalia, c’était possible, mais la jeune femme ne comptait pas encore lui révéler qu’elle était une Seraph et qu’elle avait donc certains pouvoirs sur la ville.

Pas encore en tout cas.

D’une voix plus dégagée, plus avenante, aussi, elle se mit à marcher à côté de Zephyr pour lui poser une question emplie de curiosité presque enfantine.

- Est-ce que tu es déjà venue à Mearian ou Theopolis ?
Dans un monde qui est parfois rempli d’être cruel, malfaisant et malin, les paroles de la prêtresse sont comme une lumière apaisante. Aider son prochain, un monde juste. J’aimerais croire que nos philosophies sont semblables, mais une simple conversation ne peut guère conclure que nous avons la même opinion du monde. Néanmoins, je remercie la vie de rencontrer une personne qui pense plus à venir en aide aux autres plutôt qu’en profiter. J'aimerais croire que moi aussi je fais tout en mon possible pour guider les âmes moins fortunées; que cela soit en leur soulageant d’une douleur ou simplement les apaisés pour un instant bref.

La prêtresse m’indique le chemin que nous prendrons pour rejoindre la capitale. Je réponds simplement en hochant la tête. Mes mains sont entre les siennes pour ce moment précis. Une confiance aveugle. Une voix en moi crie de me méfier de cette inconnue. Or, rien de son comportement ne m’indique qu’elle me veut du mal. Lorsque j’ai exprimé mon désir de lui cueillir des plantes et herbes pour l’hospice, elle approuva à ma contribution. Elle semble ravie de ma proposition, mais également soucieuse pour ma santé. Au même instant, je vis de belles plantes astragale près du chemin. Je m’arrête alors, puis je m’accroupis pour prendre la plante de sa tige, et je répondis;

« Pas de soucis sur ce regard, cueillir des plantes me calme, en quelque sorte… »

Doucement, je tire la plante pour garder autant que possible les racines et les feuilles intactes. Je me lève ensuite, pour retourner auprès de la prêtresse. Cueillir des plantes, des herbes, des fruits connus et surtout moins connus est un de mes passe-temps favoris. Je n’ai guère le luxe de sortir près de ma maison pour le faire, considérant que je suis très près de la capitale d’Akhanta entouré de désert; mais j’ai toujours profité des belles terres fertiles de Beauclaire, près de la bordure d'Akhanta et Maerian. Revenant près de la prêtresse, je m’apprêtais à continuer à marcher, lorsque la femme aux cheveux de flamme enleva son manteau. Elle me l’offre, pour me couvrir et me réchauffer. Je lui donne un regard abattu tandis que j’essaye de protester :

« Mais, je… tu »

Peu de mots sort de ma bouche. Au fait, ce n’était même pas une phrase. Mais la prêtresse insiste encore; justifiant que la marche la gardera au chaud. Elle ajoute de pas me gêner de lui demander pour quoi que ce soit. Encore une fois, c’est très humble d’être de l’autre coté de cette conversation. Néanmoins, j’enfile le manteau, encore chaud.

« Merci énormément. Dis-moi si tu as froid pendant la marche, je vais te redonner le manteau en tout temps. »

On continue alors notre marche. J’observe près du chemin pour d’autres herbes et plantes. Je repense alors à mes biens, à mes récoltes, à mon argent… Je ne sais guère comment les récupérer; je me rappelle à peine de l'endroit que Darren m’a amené. Est-ce que cela vaut la peine d’y retourner? Que ferais je le moment que je vois quelqu'un avec une arme? Je n’ai aucune force physique pour me défendre, pour me battre… Malgré que cela soit très flou, je me souviens vivement des flammes… Partout… Est-ce que tout est brûlé?

Aparament, je ne suis pas la seule qui repense à mes malheurs… J’entendis les murmures de la prêtresse, décourager des crimes dans ce pays… Je l’observe alors, incertaine comment répondre; heureusement la jeune dame reprit la parole avant. Elle semble très affectée par le manque de gentillesse d’humanité, surtout à Maerian. Elle mentionne rapidement les Seraphs. Je ne connais guère le pouvoir des Seraphs, par contre j’ai le sentiment que même eux seront incapables de prévenir tous les crimes de ce pays… La tête baissée, je réplique;

« Je crois parfois les pires prédateurs de ce monde peuvent se trouver derrière une face humaine… »

Le visage de Darren m’apparut pour l’espace d’un instant. J’étais capable de m’échapper, par contre combien de personnes a-t-il vendue? Des dizaines? Des centaines? J’ai sorti de la situation par pure chance; mais combien n’étaient pas aussi chanceux? Combien sont devenus des esclaves, des rats de laboratoires, ou pire encore, des ingrédients? Malgré le manteau de la prêtresse, un frisson passe à travers de mon corps. La voix de la prêtresse me ramène alors à la réalité. Elle me propose de s'en mêler, ou plutôt; de demander de l'aide des gardes de Théapolis. Une patrouille? J'aperçois quelques bétoines près du chemin. Je m'arrête pour les cueillir tout en répondant:

« Merci énormément pour l’offre, mais je suis presque certaine qu’ils sont très loin maintenant… »

Je m’accroupis pour récupérer quelques fleures pour l’hospice. Espérant que cette réponse peut lui plaire. Encore une fois, je ne souhaite guère qu’elle se trouve au milieu de cette histoire; mais son commentaire me laisse réfléchir. Une prêtresse qui est capable d’envoyer une patrouille? Est-elle peut-être la fille d’un garde? Or, même si elle est la fille d'un commandant, elle ne peut pas demander pour une patrouille…  Elle a clairement des secrets qu’elle ne souhaite pas dévoiler; mais ce n’est surtout pas le moment de l'interroger. Elle m’aide déjà plus que j’aimerais admettre. La prêtresse reprit encore une fois la parole, mais cette fois-ci elle me pose une question beaucoup moins sérieuse. Sourire au lèvres, je lui réplique :

« Je suis venue ici à quelques reprises avec mon père, mais ce voyage est le premier que je fais tout seul. J’ai toujours eu un intérêt pour ce pays. »

Si je n'avais pas de client à Akhanta, j’aurais certainement déménagé ici. Mais je ne peux guère les abandonner. Peut-être un jour… Un peu plus à l’aise, je décide alors de poser une question à la prêtresse à mon tour :

« Qu’aimes-tu le plus de Maerian? »
Elles ont démarré, maintenant, lentement mais sûrement vers le chemin de la capitale. Sa besace bougeant légèrement au gré de ses mouvements, Charité marche à une bonne vitesse tout en restant modérée pour ne pas en demander trop à sa jeune protégée. Zephyr la suit encore facilement ce qui est déjà un bon point mais la Seraph ne sait pas jusqu’où peut aller sa résistance. Dans tous les cas, cela n’empêche pas la belle humaine à cueillir des plantes, et Annalia se contenta d’hocher la tête lorsque sa compagne de fortune lui révéla que cueillir des plantes l’apaisait. Si ça pouvait l’aider ou en tout cas la faire penser à autre chose que sa mésaventure, ce serait un bon point. Charité observa donc patiemment Zephyr cueillir des astragales sur le bord du chemin, observant sa façon de faire d’un oeil appréciateur. Elle prenait les plantes comme il le fallait, prenant soin de garder les racines et les feuilles intactes. Sans doute était-elle une bonne guérisseuse à Arkantha, sans doute aussi commencerait-t-elle à se faire un nom, le temps passant. L’expérience aidait beaucoup dans le domaine médicinal et botanique ; plus elle apprendrait, plus elle pourrait face à beaucoup de situations et être utiles pour ceux venant la trouver sur sa terre natale.

A l’heure actuelle, cependant, aucune n’était à Arkhanta, et Charité tendit la main pour prendre la plante que Zephyr avait cueillie. Celle-ci n’ayant strictement rien d’autres que ses vêtements, il valait mieux que ce soit la Seraph qui les transporte jusqu’à Mearian, et puis jusq’aux hospices à qui leur récolte pourrait être utile.

Ce fut cela dit avec un sourire en coin devant la réaction de Zephyr qu’elle lui donna son manteau. Un manteau fort épais, bien protecteur face au froid, même automnal, et qui sans doute réchaufferait Zephyr au fur et à mesure de leurs marches. Ses fidèles, et plus particulièrement ses prêtresses, l’auraient tuée si elle était partie sans rien dans la campagne, et Charité aurait eu droit à un joli sermon de leur part en rentrant sans avoir mis quelque chose sur ses épaules. Maintenant, elle ne regrettait pas d’avoir pris ses précautions, d’autant si cela pouvait servir à un autre.

« Ne t’inquiète pas, ça ira. Nous ne mettrons pas trop de temps à arriver, et une fois dans mon temple, je pourrais demander de l’aide aux prêtresses qui aident les fidèles venant faire leur demande. »

Fallait-il aller mieux là d’ailleurs ? Ou était-il plus prudent d’aller directement dans une auberge ? Quoi qu’elle fasse, Mearian était conue pour sa grande solidarité et même une étrangère comme Zephyr pouvait être accueillie chaleureusement. Encore plus si c’était Charité, la déesse-même qui le demandait. L’effet serait alors immédiat, les habitants voulant tout faire pour plaire à leurs dieux… Mais la Seraph n’était pas sûre que ce soit la meilleure solution. Il faudrait peut-être qu’elle demande ce que préférait Zéphyr. L’avantage d’aller dans son temple était qu’elle serait protégée, et que personne, sous son ordre, n’oserait la déranger ou la mépriser de quelque façon que ce soit. Dans le cas d’une auberge… Zephyr serait plus seule, encore que l’aubergiste pourrait la respecter s’il apprenait que la Seraph la protégeait.

Et il restait aussi le problème des affaires de la demoiselle, qui n’avait strictement rien avec elle.  Cela la fit pousser une exclamation peu élogieuse sur les kidnappeurs de Zephyr et si la Seraph s’excusa rapidement, elle entendit bien la parole de Zephyr. Les pires prédateurs de ce monde peuvent se trouver derrière une face humaine… Elle avait diablement raison. Tristement raison, aussi. Autant la jeune humaine devait penser à ses ravisseurs, autant Charité, elle, pensait aux Seraphs corrompus qui vagabondaient sur la terre. Incarnation des vices même, le mal qu’ils causaient pouvait être innombrable, même si certains Seraphs purs n’étaient pas exempts de torts à vouloir garder quoi qu’il en coûte leurs privilèges de dieux.

Mais Annalia n’allait pas parler maintenant des Seraphs Corrompus avec sa protégée, alors même qu’ils étaient cachés à la connaissance du peuple en général. Par contre, elle pouvait parler d’une patrouille pour ces personnes qui lui avaient fait du mal, et qui allaient s’en sortir indemne si on ne faisait rien. Pourtant, Zephyr n’était pas convaincue, et lui révéla qu’à son sens, il devaient être déjà loin.

Charité ne connaissait pas les circonstances exactes de cet enlèvement mais elle pouvait s’avérer têtue. Aussi, après un temps de silence où elle se permit de réfléchir, elle releva la tête vers Zephyr.

- Tu me diras quand même quand on sera arrivée dans quelle zone tu as été enlevée. Si c’était à Mearian, on pourra peut-être trouver des pistes pour défaire ces voyous et leur bande. Et avec un peu de chances, s’ils ont fui dans la précipitation, ils auront pu laisser des choses derrière eux, des affaires comme les tiennes par exemple, ou d’autres butins de leurs vols.

Impossible pour elle d’imaginer qu’il y a un réseau sur la vente d’être humains derrière tout cela, sans quoi, la Seraph aurait été beaucoup plus dure. Une des choses qu’elle ne supportait pas était cette bassesse humaine, mais a contrario, la pseudo-déesse pouvait être intraitable envers ceux qui ne méritaient pas son respect. Et elle pouvait l’être encore plus quand un brin de folie s’en mêlait.

Pour l’heure, néanmoins, elle n’en était pas là et la douceur de la jeune femme devant elle avait quelque chose de rafraichissant. Elle l’écouta changer de sujet avec plaisir, et Annalia apprit ainsi que Zepnhyr avait déjà voyagé à Mearian avec son père, et que c’était le premier qu’elle fasait toute seule.

J’espère que tu apprécieras le reste du voyage, alors, sourit Charité. Mearian est trépidante de vie, et même si Theopolis est ordonnée, il y a beaucoup de diversité dans la capitale.

Le gros point qui rassemblait tous les habitants, évidemment, était la religion, la croyance envers les Seraphs. Il y avait beaucoup de cérémonies sur la place publique, et la foi était on ne peut plus présente dans la cité des Dieux. Annalia ne savait pas si cet aspect plairait à Zephyr, elle ne savait même pas si elle était croyante, mais elle espérait en tout cas que la ville plairait à la jeune Arkanthienne.

Celle-ci lui demanda d'ailleurs ce qu'elle aimait le plus à Mearian et Charité réfléchit quelques secondes avant de répondre. La foi n’aurait pas été exact ; la présence de l’Ordre des Astres non plus, ni la religion en elle-même.

- Je pense que c’est simplement le fait d’être avec Mearian. De vivre avec le peuple, fit-elle en réfléchissant tout haut, et de ne pas être enfermée dans une cage dorée simplemeent parce qu’on peut être important. Je n’ai jamais réussi à entrer totalement dans ce rôle, dès le début de mon existence… Du coup, j’aime voguer librement dans le pays ou dans Theopolis, pour être à l’écoute, et pour pouvoir agir ensuite pour le meilleur de la nation. Même si ce n’est pas toujours facile.

D’autant qu’ils étaient vingt-et-un, au conseil séraphique, sans compter les hautes instances de l’Etat. Mais bon. Un sourire sur les lèvres, Charité poursuivit la conversation :

- Comment est Arkantha ?

Elle la laissa répondre, avant d’entamer un point plus pratique avant qu’elle n’arrive à Theopolis. Le temps passait, et elles n’allaient pas tarder à voir de loin la cité des Dieux.

- Préfères-tu aller dans mon temple quand on arrive, ou simplement dans une auberge ? Les deux sont possibles, mais je préfère te demander ton avis avant qu’on n’arrive à la capitale. Dans le temple, tu serais protégée et je te présenterais, mais je peux comprendre aussi le fait d’avoir une chambre à toi afin de te reposer.
Le choix de mots de la prêtresse m’intrigue énormément. « Je peux envoyer une patrouille… » « Lorsqu’on arrive à mon temple… » Surtout ce dernier me fait réfléchir pour un moment. Certes, je comprends qu’elle habite dans ce temple; elle dort, mange et vit dans ce temple. Mais ne serait-il pas le temple du Seraph qu’elle vénère, et non le sien? Peut-être je m’enfarge dans les détails. Je suis toujours très ignorante à ce qui concerne la religion dans ce pays, je connais que les grandes lignes… Je poursuis ma route, cueillant d’autres plantes pour l’hospice de la femme aux cheveux écarlates. Dans l’espoir peut-être de me réconforter, ou du moins me donner espoir que pas tout est perdu, elle précise qu’elle souhaite tout de même que je lui indique l’endroit qu’on m’a volé. Je hoche ma tête silencieusement. Pourtant, je suis consciente que rien ne peut être fait, alors je décide de me taire. La marche continue, le soleil caché par les arbres.

Les souvenirs de mon séjour à Théopolis avec mon père me reviennent, tous d’un coup, lorsque je le mentionne à ma compagne. La prêtresse espère que mon séjour sera beaucoup plus agréable. Dès le premier regard que j’ai mis à ce pays, je suis tombé en amour. Curieuse de l'opinion de la prêtresse, je lui retourne la question tandis que je m’accroupis à nouveau pour cueillir d’autres herbes. Soudain, je fonce mes sourcils en écoutant ses paroles. Enfermé dans une cage dorée? Être libre? Je n’ai jamais cru que les prêtres et prêtresses ont une si grande importance dans cette économie; et surtout une si grande manque de liberté.  Cela semble exagérer, et surtout demandant…

Gargouillement. Espèrent qu’elle n’a rien entendu. Je retourne à ses côtés, et lui tendis quelques enchinaceas. En continuant notre route, la jeune femme aux cheveux enflammés me demande comment va Akhanta. Un sourire en coin, je fis :

« Comme toujours, le pays est chaud. Très chaud. La saison de tempête s’approche, alors plusieurs fortifient leurs chez-soi… courte pause, puis je poursuis, franchement j'attends avec impatience les tempêtes, lorsqu’on se reste à l’intérieur avec un bouquin dans une  main et une tasse de thé aux cannelles entre dans l'autre, le vent violent sonne comme des murmures…»

Une autre pause, tandis que l'on continue notre chemin vers la capitale. En voyant ma fragilité, ma passion pour les plantes et mon désir d’apprendre; plusieurs personnes ne comprennent pas pourquoi je reste dans ce pays si sec, presque vide. Or, il y a de la beauté dans tout; même les dunes. Je finis alors mon récit en retournant mon regard vers la prêtresse.

« Si cela vous adonne, j’espère que tu auras l’occasion de voir la beauté des dunes. »

Notre route continue, un astragale ici, une élabore là. Tranquillement, je remplis le sac de la prêtresse, dans l’espoir d’apaiser une blessure, ou même sauver la vie d’un être vivant. C’était pendant que je cueillais un autre astragale que la jeune femme reprend la parole. Mon cœur s’arrête pendant un moment. Des mots insignifiants sortent entre mes lèvres

« moi… je… »

Au départ, j’aurais fait n’importe quoi pour être retourné à une auberge, n’importe quoi pour ne pas nuire à la prêtresse, pour qu’elle ne soit pas en danger; mais plus qu’on s’approche de la capitale, plus que la solitude me fait peur. Un côté de moi, le côté plus logique, peut-être plus stupide tente de me convaincre que d’être seule sauvera la vie de cette femme. Sacrifice. Mais une autre partie de moi, plus vulnérable, cherche de l’aide. N’importe quoi dans l'espoir de ne pas faire face à ce défi tous seul. Est-ce que je suis si égoïste? Serais je…

« Je… je crois que je dois te dire quelque chose… »


Je commence alors à lui expliquer tout. Toutes mes péripéties, du pub, à la conversation, du public aux flammes. Ma tête est basse, ma voix basse, néanmoins je conte à la jeune prêtresse tous mes péripéties, mes troubles… Je suis incertaine comment qu’elle sera capable de me venir en aide, mais en ce moment elle est mon seul espoir. Ma lumière. Il y a de grosses chances qu’elle me chasse. Qu’elle m’abandonne. Mais j’ai espoir. Ou je suis désespéré. Sans même que je réalise, on est déjà rendu à la destination. Soudain,  je m’arrête, et puis je dépose mon regard sur la prêtresse :

« Au fait… Qui êtes-vous? »