Tu parcourais les couloirs richement décorés du sanctuaire d'un pas hâtif. Toi qui d'habitude ne manquait jamais d'admirer la finesse des sculptures, le détail des gravures  et le magnifique chatoiement des fresques, tu n'avais pas loisir de penser à cela aujourd'hui. Ce pinacle du gout et de l'esthétisme qu'était le plus magnifique des palais de Mearian ne pouvait que passer au second plan face aux dernières nouvelles qui t'étaient parvenues.

Tu n'avais pas pu te joindre à l'expédition qui était descendue dans les profondeurs du sinistre bâtiment qui avait fait surface à Fhaedren. Vous manquiez trop d'informations à son sujet et le risque que tu percevais à laisser le front sans ta surveillance alors que le pape et la grande prêtresse eux même avaient décidé de se rendre sur place t'avait semblé bien trop fort. Tu avais compris leur besoin de s'enquérir par eux même de la situation, mais cela ne t'avais pas empêcher de penser qu'il aurait mieux valu qu'ils restent en sécurité. En ces temps difficiles, la perte de tels symboles serait un coup terrible au moral de l'ensemble de l'Ordre… Tu t'étais finalement résigné, en apprenant de Deneb les escorterait personnellement. Elle était jeune et manquait encore d'expérience selon toi, mais elle restait une Archmagister, ton égal…

Tes sourcils étaient froncés et ta moustache agitée alors que tu progressais en direction des appartement de la grande prêtresse. Tu venais d'apprendre son retour, tu devais t'enquérir de ton état et cerner le fond de cette affaire. Les premiers rapports que tu avais pu parcourir te laissaient en effet pour le moins perplexe. Bien sûr, ils étaient incomplets et classifiés secret défense, mais s'il ne mentaient pas, tu avais eu bien raison de te méfier de toute cette opération. Il fallait que tu apprennes la vérité et pour cela qui de mieux que la grande prêtresse ? Sa pureté, sa ferveur, sa grâce, tout cela t'avais subjugué dès le premier jour où tu avais posé les yeux sur elle. Elle incarnait l'idéal que tu souhaitais défendre, elle était au plus proche de la pureté Séraphique qu'un mortel pouvait l'être.

Cela faisait à présent quelques mois qu'un vent d'hérésie courait au sein de l'Ordre. Un discours insidieux, visant à ternir l'image déïtique des Seraphs passaient de bouche en bouche, infectant les esprits de ceux qui n'avaient pas fermé totalement la porte au doute. Pour toi, tout cela n'était que des mensonges, une tentative fourbe et maladroite de mettre à mal l'Ordre. Tu avais fait confiance à ces hommes et ces femmes qui partageaient tes idéaux pour ne pas y prêter attention, tu avais ignoré la rumeur pour te concentrer sur ton véritable ennemi du moment. Jamais tu aurais pensé que tout cela ait réellement pu mettre à mal la foi des Astres. Tu t'étais lourdement trompé. Au contraire ce discours hérétique semblait même avoir atteint les hautes sphères de l'Ordre. Des cardinaux ? Des évêques ? D'autres Archmagister ? Le pape lui-même ?

Ces rapports et divers informations rapportées par tes informateurs de confiance avait de quoi tourmenter ton sommeil et te rendre paranoïaque. Le doute était une faiblesse humaine, légitime, mais inacceptable lorsque l'on se voyait confier une place si importante au sein de l'Ordre… Si tant de personnes jusque-là au-dessus de tout soupçons se laissaient tenter par l'hérésie, à quoi pouvais-tu donc te fier ?

Une seule personne te venait alors à l'esprit, et c'est elle que tu allais voir d'un pas si pressé. Il fallait réagir, couper le mal à la racine avant qu'il ne s'étende jusqu'à contaminer l'ensemble de l'Arbre; élaguer les branches de trop pour lui permettre de devenir en plus grand et plus beau; arracher les mauvaises herbes qui tentaient insidieusement de l'étouffer et brûler les nuisibles qui visaient d'en boire la sève pour proliférer. La tâche s'annonçait lourde mais elle était nécessaire sans quoi l'arbre ne ferait que dépérir jusqu'à mourir. Il n'était pas trop tard pour le sauver, mais le jardinier devrait se montrer fort, intransigeant et prêt à faire les sacrifices nécessaires…

Tu serais cette main capable de faire le nécessaire pour sauver l'ensemble de l'arbre. Tu avais le soutiens de nombre de Magister, témoins quotidiens de ta ferveur et de ton engagement face à l'ennemi Ellgardien, ils seraient tes armes divines face au fléau. Mais comme tout bon médecin, tu devais déjà poser ton diagnostic sur le mal à abattre. Il te fallait le comprendre, le connaître, identifier les organes touchés et appliquer le traitement adéquat. Trop peu et tu ne purifierai pas le mal, trop et tu risquais de d'affaiblir irréparablement le patient.

La grande prêtresse t'aiderai à y voir plus clair, elle t'aidera aussi à obtenir le soutien du clergé car l'armée seule ne suffira pas. Ensemble, vous pourriez purifier l'Ordre.

Lorsque tu arrives devant ses appartements, sa garde te reconnaît immédiatement. Tu peux lire une once d'étonnement, ta visite n'ayant pas été annoncée comme il aurait été de bon ton de le faire, cependant les hommes en armes n'opposèrent aucune difficulté à te laisser passer. Ta réputation te précédait.

Tu pénétrais donc dans le salon où la grande prêtresse recevait ses invités. Tu allas t'asseoir dans un fauteuil confortable et richement décoré. Elle ne te ferait pas trop attendre…