Il se leva, s’étirant langoureusement, son corps et puissant s’actionnant sous l’impulsion de son esprit. Il sentit sa colonne vertébrale se remettre en place sans une seul craquement, et il leva haut les bras au-dessus de lui, ses muscles compacts s’allongeant sous l’effort, sa silhouette se faisant pointue comme celle d’une rapière. Il regarda la missive qu’il venait de recevoir, lui indiquant de se rendre au plus vite au bureau le plus proche de Pestilence pour y recevoir sa prochaine affectation de mission. La lettre était écrite sur un papier de bonne qualité et l’écriture cursive délicate semblait indiquer tout le soin qui avait été mis dans la rédaction du petit objet, ce qui était curieux quand on savait que la plupart des gens d’Ellgard utilisaient soit des automates secrétaires à l’écriture uniforme et régulière, soit des machines à écrire. Peu importait, au final. Il sortit de sa bibliothèque, laissant l’épais tome qu’il était en train de consulter sur la table la plus proche, et indiqua à l’automate qui lui avait apporté son courrier de dire à Aerith qu’ils partaient en mission dans le grand nord et de l’attendre devant la grille du jardin, prête à partir, d’ici une demi-heure. Elle était prête, et il était grand temps qu’elle commence réellement à gagner son pain. Il se dirigea lui-même à l’étage, et poussa les lourds battants de la porte qui menait à sa propre chambre, se dirigeant vers le présentoir sur lequel trônait fièrement son équipement soigneusement entretenu. Il quitta les confortables vêtements d’intérieur qui le recouvraient, et se vêtit tranquillement d’habits matelassés, avant de les recouvrir de son armure de cuir puis de son casque et de sa cotte de plaques. Il passa son épée à son côté, et enroula ses chaînes autour de son bras gauche, les coinçant dans la fente prévue à cet effet. Tout était en ordre. Tout était huilé, et tout coulissait sans le moindre heurt. Il était prêt.
Il sortit de sa chambre, dans le vaste couloir mal éclairé, et redescendit le grand escalier, ce dernier grinçant sous son poids. Il avait choisi une armure qui ne le générait ni pour combattre ni pour chasser, et il en était satisfait. Il avait choisi des armes polyvalentes, capables aussi bien de trancher que de percer, de déchirer ou de jeter à terre, et il en était satisfait. Comme à chaque fois avant de partir en mission ou au combat, il se préparait mentalement, son esprit rejouant la myriade de petits rituels qui lui donnaient l’avantage que n’avait pas son adversaire. Il vérifia les attaches de son armure, s’assurant que ces dernières ne se défassent pas quand il bougeait. Il passa sa main sur le pommeau de son arme, se refamiliarisant avec sa position par rapport à son bras. Il claqua sa langue dans sa bouche, goutant l’air chargé d’électricité. Il était prêt. Il était une arme, la plus dangereuse qui ait jamais existé, parce qu’il était prêt. Ce n’était pas le cas de ses adversaires, qui jamais ne s’était préparés à la venue du chevalier le plus sinistre de Keivere. Il sortit de la maison, goutant l’air du matin, regardant le brouillard et le smog qui dérivaient jusqu’à eux des quartiers de l’Usine, et il se dirigea vers son chenil. Il partait explorer les régions froides et hostiles du grand Nord, et cela demandait un type de chien particulier. Il entra dans l’enclos, rapidement submergé par l’émotion que ressentirent ses animaux en le voyant. De la joie, de l’affection, de l’impatience aussi. Ils sentaient sa propre fébrilité, son envie d’en découdre. Ils savaient qu’ils allaient chasser, et tous voulaient faire partie des élus. Il fendit la foule des crocs et griffes, et se dirigea vers ses ovtcharkas, des chiens massifs pesant près de cent kilos, au poil longs et à l’air féroce. C’était des animaux violents, qui servaient aussi bien à l’armée que dans leur prisons. Ils portaient encore en eux la trace de leurs ancêtre lupins, et Holker s’agenouilla devant eux, leur caressant la face de ses gants en cuir. Trois de ces bêtes le suivirent bientôt, heureuses d’avoir été sélectionnées, et il se remit en route, appelant d’une impulsion mentale ses corbeaux.
Ces derniers se réunirent autour de lui en un vol noir, le sombre présage masquant un bref instant le nuage devant lequel ils s’étaient rassemblés, avant de se disperser. Le maître avait donné ses ordres. Il se dirigea vers la sortie de son manoir, et repéra de loin son esclave. Il passa devant elle, et lui fit un geste sec, lui indiquant de le suivre. Il n’était plus temps de jouer ou de plaisanter, ils avaient un travail à faire. Holker avait des états de service exceptionnel, et il comptait bien les préserver. L’Etat-major ne tolérait ses excentricités qu’en échange d’une efficacité parfaite, et il le comprenait parfaitement. Pour certain, réussir leurs missions était une question de devoir ou d’honneur. Pour lui, c’était une question de survie. Il monta dans la voiture, et tourna les clés dans le contact, avant de faire démarrer l’engin qui décolla dans un chuintement huileux, le moteur à cristaux se mettant en branle. Ses chiens se trouvaient sur le siège arrière, allongés les uns sur les autres, attendant patiemment que le seigneur Hallgrimr ait besoin d’eux. Le voyage fut court, les rues étant encore désertes aussi tôt dans la journée, les ouvriers qui partaient au travail en début de matinée n’habitant pas dans leur quartier. Les rues pavées s’enchainaient sous les roues de leur véhicule avec une monotonie familière, et Holker s’occupa en repassant des scènes de combat dans son esprit, tentant de se conditionner au maximum. Il abordait chaque nouveau défi avec la même intensité paniquée, se forçant à le considérer comme un danger mortel. C’était cette méfiance qui l’avait maintenu en vie jusqu’ici, et il ne comptait pas changer de méthode. Ils finirent par arriver devant un grand bâtiment dans les environs du palais impérial, et il descendit, faisant de nouveau signe à son esclave de le suivre. Il n’avait pour le moment pas envie de lui parler ou de supporter ses potentiels écarts.
S’il devait avouer qu’elle s’améliorait à un rythme de plus en plus rapide, il n’était pas encore satisfait. Il ne le serait à vrai dire probablement jamais, ses attentes augmentant au fur et à mesure que lui-même progressait. Il salua d’un geste bref de la main les gardiens de l’endroit, leur montrant son insigne de chevalier, et continua à avancer, progressant rapidement dans les couloirs tentaculaires du complexe administratif. Il finit par arriver devant la porte qui lui avait été indiqué dans sa lettre, et frappa une fois avant de rentrer. En face de lui se tenait une vieille dame, son opératrice habituelle. Il repensa avec un sourire à leur relations conflictuelles passées, et au fait qu’après un tête-à-tête honnête et ouvert, elle semblait maintenant mieux disposée à le voir. Elle remonta sur son nez desséché les petites montures de ses lunettes, et son regard s’illumina avec un mélange de fascination et de peur. Il n’y avait décidemment rien de mieux entre amis qu’un peu de sincérité pour améliorer les relations. Holker prit rapidement place sur l’unique chaise de l’endroit, et répondit à la question muette de la vieille dame. Il ne connaissait toujours pas son nom, à vrai dire :
"C’est Aerith, ma nouvelle possession. Au niveau administratif, j’imagine que vous pouvez la renseigner dans le rang de mes possession vivantes, comme mes animaux, fit-il en grattant distraitement le haut du crâne d’une de ses bêtes. Je suis surpris que vous n’en ayez pas été informée."
Le sous-entendu ne fut pas perdu, et elle rougit de honte, ses joues flasques se colorant brièvement, avant de rapidement retrouver leur couleur originelle. Holker afficha un sourire moqueur, et attendit qu’elle retrouve ses esprits et lui livre l’intitulé de sa mission. Cela prit quelques secondes, et elle finit par le faire, sa voix toujours saisie d’un accent légèrement tremblant :
"Vous partez à Sevchketchki, une petite ville vivant principalement de sa scierie et de ses bûcherons. Les habitants rapportent avoir récemment eu à faire à des enlèvements, et les enquêteurs envoyés sur place ont disparu. La population est logiquement très agitée, et votre mission est de comprendre la cause de ces disparitions et de vous assurer qu’elles ne se reproduisent pas. Nous vous conseillons de faire preuve de discrétion au moins jusqu’à ce que vous soyez sûr de pouvoir appréhender vos cibles. Des questions ?
- Depuis combien de temps cela dure-t-il ?
- Facilement deux mois.
- Combien d’habitants dans la ville ?
- Entre soixante et quatre-vingt mille. Il est assez compliqué de procéder à un recensement, si loin dans le Nord.
- Je vois. Combien de gens ont été enlevés ?
- Une trentaine, sans compter les trois enquêteurs envoyés.
- Ca ne devrait pas poser de problème. Aerith ? Tu peux nous laisser un instant."
Il congédia brièvement son esclave, et s’approcha de la vieille femme, un sourire cruel zébrant son visage comme une vieille cicatrice. Deux minutes plus tard, il refermait la porte du bureau, le même rictus toujours plaqué sur la face.
"Eh bien Aerith, fit-il finalement. Prête pour une grande aventure ?"
Il sortit de sa chambre, dans le vaste couloir mal éclairé, et redescendit le grand escalier, ce dernier grinçant sous son poids. Il avait choisi une armure qui ne le générait ni pour combattre ni pour chasser, et il en était satisfait. Il avait choisi des armes polyvalentes, capables aussi bien de trancher que de percer, de déchirer ou de jeter à terre, et il en était satisfait. Comme à chaque fois avant de partir en mission ou au combat, il se préparait mentalement, son esprit rejouant la myriade de petits rituels qui lui donnaient l’avantage que n’avait pas son adversaire. Il vérifia les attaches de son armure, s’assurant que ces dernières ne se défassent pas quand il bougeait. Il passa sa main sur le pommeau de son arme, se refamiliarisant avec sa position par rapport à son bras. Il claqua sa langue dans sa bouche, goutant l’air chargé d’électricité. Il était prêt. Il était une arme, la plus dangereuse qui ait jamais existé, parce qu’il était prêt. Ce n’était pas le cas de ses adversaires, qui jamais ne s’était préparés à la venue du chevalier le plus sinistre de Keivere. Il sortit de la maison, goutant l’air du matin, regardant le brouillard et le smog qui dérivaient jusqu’à eux des quartiers de l’Usine, et il se dirigea vers son chenil. Il partait explorer les régions froides et hostiles du grand Nord, et cela demandait un type de chien particulier. Il entra dans l’enclos, rapidement submergé par l’émotion que ressentirent ses animaux en le voyant. De la joie, de l’affection, de l’impatience aussi. Ils sentaient sa propre fébrilité, son envie d’en découdre. Ils savaient qu’ils allaient chasser, et tous voulaient faire partie des élus. Il fendit la foule des crocs et griffes, et se dirigea vers ses ovtcharkas, des chiens massifs pesant près de cent kilos, au poil longs et à l’air féroce. C’était des animaux violents, qui servaient aussi bien à l’armée que dans leur prisons. Ils portaient encore en eux la trace de leurs ancêtre lupins, et Holker s’agenouilla devant eux, leur caressant la face de ses gants en cuir. Trois de ces bêtes le suivirent bientôt, heureuses d’avoir été sélectionnées, et il se remit en route, appelant d’une impulsion mentale ses corbeaux.
Ces derniers se réunirent autour de lui en un vol noir, le sombre présage masquant un bref instant le nuage devant lequel ils s’étaient rassemblés, avant de se disperser. Le maître avait donné ses ordres. Il se dirigea vers la sortie de son manoir, et repéra de loin son esclave. Il passa devant elle, et lui fit un geste sec, lui indiquant de le suivre. Il n’était plus temps de jouer ou de plaisanter, ils avaient un travail à faire. Holker avait des états de service exceptionnel, et il comptait bien les préserver. L’Etat-major ne tolérait ses excentricités qu’en échange d’une efficacité parfaite, et il le comprenait parfaitement. Pour certain, réussir leurs missions était une question de devoir ou d’honneur. Pour lui, c’était une question de survie. Il monta dans la voiture, et tourna les clés dans le contact, avant de faire démarrer l’engin qui décolla dans un chuintement huileux, le moteur à cristaux se mettant en branle. Ses chiens se trouvaient sur le siège arrière, allongés les uns sur les autres, attendant patiemment que le seigneur Hallgrimr ait besoin d’eux. Le voyage fut court, les rues étant encore désertes aussi tôt dans la journée, les ouvriers qui partaient au travail en début de matinée n’habitant pas dans leur quartier. Les rues pavées s’enchainaient sous les roues de leur véhicule avec une monotonie familière, et Holker s’occupa en repassant des scènes de combat dans son esprit, tentant de se conditionner au maximum. Il abordait chaque nouveau défi avec la même intensité paniquée, se forçant à le considérer comme un danger mortel. C’était cette méfiance qui l’avait maintenu en vie jusqu’ici, et il ne comptait pas changer de méthode. Ils finirent par arriver devant un grand bâtiment dans les environs du palais impérial, et il descendit, faisant de nouveau signe à son esclave de le suivre. Il n’avait pour le moment pas envie de lui parler ou de supporter ses potentiels écarts.
S’il devait avouer qu’elle s’améliorait à un rythme de plus en plus rapide, il n’était pas encore satisfait. Il ne le serait à vrai dire probablement jamais, ses attentes augmentant au fur et à mesure que lui-même progressait. Il salua d’un geste bref de la main les gardiens de l’endroit, leur montrant son insigne de chevalier, et continua à avancer, progressant rapidement dans les couloirs tentaculaires du complexe administratif. Il finit par arriver devant la porte qui lui avait été indiqué dans sa lettre, et frappa une fois avant de rentrer. En face de lui se tenait une vieille dame, son opératrice habituelle. Il repensa avec un sourire à leur relations conflictuelles passées, et au fait qu’après un tête-à-tête honnête et ouvert, elle semblait maintenant mieux disposée à le voir. Elle remonta sur son nez desséché les petites montures de ses lunettes, et son regard s’illumina avec un mélange de fascination et de peur. Il n’y avait décidemment rien de mieux entre amis qu’un peu de sincérité pour améliorer les relations. Holker prit rapidement place sur l’unique chaise de l’endroit, et répondit à la question muette de la vieille dame. Il ne connaissait toujours pas son nom, à vrai dire :
"C’est Aerith, ma nouvelle possession. Au niveau administratif, j’imagine que vous pouvez la renseigner dans le rang de mes possession vivantes, comme mes animaux, fit-il en grattant distraitement le haut du crâne d’une de ses bêtes. Je suis surpris que vous n’en ayez pas été informée."
Le sous-entendu ne fut pas perdu, et elle rougit de honte, ses joues flasques se colorant brièvement, avant de rapidement retrouver leur couleur originelle. Holker afficha un sourire moqueur, et attendit qu’elle retrouve ses esprits et lui livre l’intitulé de sa mission. Cela prit quelques secondes, et elle finit par le faire, sa voix toujours saisie d’un accent légèrement tremblant :
"Vous partez à Sevchketchki, une petite ville vivant principalement de sa scierie et de ses bûcherons. Les habitants rapportent avoir récemment eu à faire à des enlèvements, et les enquêteurs envoyés sur place ont disparu. La population est logiquement très agitée, et votre mission est de comprendre la cause de ces disparitions et de vous assurer qu’elles ne se reproduisent pas. Nous vous conseillons de faire preuve de discrétion au moins jusqu’à ce que vous soyez sûr de pouvoir appréhender vos cibles. Des questions ?
- Depuis combien de temps cela dure-t-il ?
- Facilement deux mois.
- Combien d’habitants dans la ville ?
- Entre soixante et quatre-vingt mille. Il est assez compliqué de procéder à un recensement, si loin dans le Nord.
- Je vois. Combien de gens ont été enlevés ?
- Une trentaine, sans compter les trois enquêteurs envoyés.
- Ca ne devrait pas poser de problème. Aerith ? Tu peux nous laisser un instant."
Il congédia brièvement son esclave, et s’approcha de la vieille femme, un sourire cruel zébrant son visage comme une vieille cicatrice. Deux minutes plus tard, il refermait la porte du bureau, le même rictus toujours plaqué sur la face.
"Eh bien Aerith, fit-il finalement. Prête pour une grande aventure ?"