LES CLEFS DE L'ASCENSION
Su'en Sîn & Chance Maltar
Le trajet avait duré des jours, de longs jours coincés à l'arrière d'une calèche bringuebalante sur les routes de terre. Chance avait vu s'éloigner Everbright et tout ce qu'il connaissait pour se retrouver plongé au milieu de vastes paysages dont rien ne venait entraver l'horizon. Le désert, ces multiples grains de poussière qui réverbéraient la lumière de l'astre du jour, l'avait aveuglé au moindre regard qu'il avait porté vers l'extérieur. La chaleur était vite montée, devenant difficilement supportable malgré les fins habits de voyage dont il était vêtu. Sans doute cette sensation avait été renforcé par le fait qu'il ait agité pendant tout le trajet un éventail pour rafraîchir sa maîtresse Elisabelle, mais voir enfin surgir au loin la demeure de pierres de la famille Méridion avait été un grand soulagement. Ce soir-là, il avait revêtu ses plus luxueux atours pour être présenté à ses nouveaux maîtres. La dirigeante des Kelshion avait multiplié les courbettes et les flatteries, avant de finalement l'offrir comme présent en renouvelant ses vœux de vassalité. Tout du long, Chance s'était contenté de sourire et de faire profil bas, examinant du coin de l’œil les rares démons présents, auxquels il se devrait désormais d'obéir. Certains avaient eu l'air curieux, d'autres n'avaient pas semblé le moins du monde intéressés, les derniers encore avaient eu dans le regard cette même agressivité qu'il avait connu chez Valdan. L'un des démons, Shaol, celui qui semblait être le maître même de la maisonnée, était cependant sorti du lot et l'avait pris sous son aile. Chance avait été perturbé d'une telle attention, mais il avait vite compris tout l'avantage d'une telle position. Alors il avait montré toute sa déférence à ce nouveau maître, prêt à faire ses preuves pour gagner sa confiance.
Le grand couloir renvoyait le faible écho de ses pas alors que Chance avançait presque gaiement vers l'une des chambres des invités. Fredonnant tout bas, il retenait un sourire sans pouvoir s'empêcher d'apprécier ce moment de solitude. La demeure était en temps normal étonnamment vide pour dire qu'il s'agissait de la résidence de la famille d'un Duc Ardent. Ces jours-ci cependant elle s'était emplie d'invités car le maître des lieux, sire Shaol, avait organisé l'une de ses fameuses soirées mondaines, qui attiraient les nobles comme la lumière attire les papillons. Rapidement, le silence avait cédé la place aux musiques et aux conversations agitées, aux rires et aux messes basses. Chance ne savait pas exactement à quoi il s'était attendu lorsqu'il avait juré fidélité à son nouveau maître, mais certainement pas à devoir l'accompagner à une fête. La réunion de nobles lui avait rappelé des souvenirs de l'époque où il était promené à la Cour des Cendres, des souvenirs mitigés sur lesquels il n'avait guère eu l'envie de s'appesantir. Mais ce ne fut que rétrospectivement qu'il fut marqué par cette soirée, quand quelques temps plus tard, maître Shaol lui apprit qu'il allait être formé par l'un des invités afin de servir les intérêts de la famille Méridion.
Chance se demandait à présent s'il avait fait le bon choix en acceptant si rapidement la proposition de son maître. Mais c'était justement parce qu'il s'était s'agit d'une proposition et non d'un ordre qu'il avait aussitôt dit oui, sans prendre la peine d'y réfléchir à deux fois. Peut-être avait-il été un peu précipité, mais c'était une occasion idéale de prouver sa fidélité. Un geste après l'autre, une parole après l'autre, une décision après l'autre, il se rapprocherait le plus possible du sommet. Il ne savait pas encore comment il allait s'y prendre pour atteindre son but. Eh, il ne savait même pas encore quel était exactement son but ! Mettre à terre la Cour des Cendres, détruire le pouvoir en place pour reconstruire un pays égalitaire ? Ça paraissait irréalisable. S'il tenait vraiment à faire cela, il avait du chemin à parcourir, il en était conscient. Et ce chemin commençait ici, par cette formation... d'informateur ? Un bien gentil mot pour qualifier l'espionnage à son avis, mais au final cela lui convenait parfaitement. Le savoir conduisait au pouvoir, et en jouant ce rôle pour la famille Méridion, il en acquerrait lui-même une part. Et alors il aurait à la fois les relations et les moyens de pression.
Lorsqu'il parvint devant la porte, Chance s'immobilisa un instant, prenant le temps de dissimuler sa satisfaction sous un masque de déférence. Il rajusta les plis de sa tunique pâle, compta jusqu'à trois, puis frappa quelques coups contre le battant de bois, attendant d'être invité à entrer. Dès que la voix féminine lui répondit, il pénétra dans la pièce puis referma précautionneusement le battant derrière lui, les plongeant dans la pénombre.
- Maître Sîn ? Je suis Chance, se présenta-t-il en s'inclinant profondément. C'est un honneur de vous rencontrer aujourd'hui.
Il marqua quelques seconde avant de se redresser, laissant un peu plus de temps à ses yeux pour s'habituer à la semi-obscurité. Quand il distingua avec plus de précision les meubles de la pièce, il porta son attention sur son formateur. Ou plutôt sa formatrice. Celle-ci lui tournait le dos, mais malgré le peu qu'il pouvait en voir, il constata de suite que maître Sîn était une très belle femme, plus jeune qu'il ne s'y était attendu. Il n'en fit cependant pas la remarque, attendant patiemment qu'elle finisse ce qu'elle faisait et daigne lui prêter attention.
Le grand couloir renvoyait le faible écho de ses pas alors que Chance avançait presque gaiement vers l'une des chambres des invités. Fredonnant tout bas, il retenait un sourire sans pouvoir s'empêcher d'apprécier ce moment de solitude. La demeure était en temps normal étonnamment vide pour dire qu'il s'agissait de la résidence de la famille d'un Duc Ardent. Ces jours-ci cependant elle s'était emplie d'invités car le maître des lieux, sire Shaol, avait organisé l'une de ses fameuses soirées mondaines, qui attiraient les nobles comme la lumière attire les papillons. Rapidement, le silence avait cédé la place aux musiques et aux conversations agitées, aux rires et aux messes basses. Chance ne savait pas exactement à quoi il s'était attendu lorsqu'il avait juré fidélité à son nouveau maître, mais certainement pas à devoir l'accompagner à une fête. La réunion de nobles lui avait rappelé des souvenirs de l'époque où il était promené à la Cour des Cendres, des souvenirs mitigés sur lesquels il n'avait guère eu l'envie de s'appesantir. Mais ce ne fut que rétrospectivement qu'il fut marqué par cette soirée, quand quelques temps plus tard, maître Shaol lui apprit qu'il allait être formé par l'un des invités afin de servir les intérêts de la famille Méridion.
Chance se demandait à présent s'il avait fait le bon choix en acceptant si rapidement la proposition de son maître. Mais c'était justement parce qu'il s'était s'agit d'une proposition et non d'un ordre qu'il avait aussitôt dit oui, sans prendre la peine d'y réfléchir à deux fois. Peut-être avait-il été un peu précipité, mais c'était une occasion idéale de prouver sa fidélité. Un geste après l'autre, une parole après l'autre, une décision après l'autre, il se rapprocherait le plus possible du sommet. Il ne savait pas encore comment il allait s'y prendre pour atteindre son but. Eh, il ne savait même pas encore quel était exactement son but ! Mettre à terre la Cour des Cendres, détruire le pouvoir en place pour reconstruire un pays égalitaire ? Ça paraissait irréalisable. S'il tenait vraiment à faire cela, il avait du chemin à parcourir, il en était conscient. Et ce chemin commençait ici, par cette formation... d'informateur ? Un bien gentil mot pour qualifier l'espionnage à son avis, mais au final cela lui convenait parfaitement. Le savoir conduisait au pouvoir, et en jouant ce rôle pour la famille Méridion, il en acquerrait lui-même une part. Et alors il aurait à la fois les relations et les moyens de pression.
Lorsqu'il parvint devant la porte, Chance s'immobilisa un instant, prenant le temps de dissimuler sa satisfaction sous un masque de déférence. Il rajusta les plis de sa tunique pâle, compta jusqu'à trois, puis frappa quelques coups contre le battant de bois, attendant d'être invité à entrer. Dès que la voix féminine lui répondit, il pénétra dans la pièce puis referma précautionneusement le battant derrière lui, les plongeant dans la pénombre.
- Maître Sîn ? Je suis Chance, se présenta-t-il en s'inclinant profondément. C'est un honneur de vous rencontrer aujourd'hui.
Il marqua quelques seconde avant de se redresser, laissant un peu plus de temps à ses yeux pour s'habituer à la semi-obscurité. Quand il distingua avec plus de précision les meubles de la pièce, il porta son attention sur son formateur. Ou plutôt sa formatrice. Celle-ci lui tournait le dos, mais malgré le peu qu'il pouvait en voir, il constata de suite que maître Sîn était une très belle femme, plus jeune qu'il ne s'y était attendu. Il n'en fit cependant pas la remarque, attendant patiemment qu'elle finisse ce qu'elle faisait et daigne lui prêter attention.
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