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Lost Kingdom  :: Ellgard :: Les Confins du Nord

Un individu sans qualité [Solomon/Holker]

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Le jeune hybride n’aurait jamais cru un jour arriver aussi haut. Issu des couches les plus basses de la société ellgardienne, il était maintenant parmi les hommes les plus puissants du pays. Du monde même. D’un seul claquement de doigt, il commandait aux armées et aux espions. Il y était arrivé. Il ne pourrait pas monter pas plus haut, et il s’agissait maintenant de s’assurer de ne pas tomber. En s’exposant ainsi à la lumière et à la gloire, il s’assurait surtout d’être visible et envié. Il retira sa main du verre froid de la vitre, laissant sur le matériau plein de buée une empreinte griffue, plus proche de celle d’un animal que d’un homme. Il se retourna, et regarda son bureau. C’était une pièce gigantesque, disposant de tout le luxe dont on pouvait rêver. Un large fauteuil accueillait normalement son imposante stature, et son bureau en bois massif luisait faiblement sous la lumière tamisée des ampoules dernière génération. Malgré le froid persistant de l’hiver mourant du pays, il n’avait pas froid. Il s’assit, et se saisit du stylo à plume d’or, s’apprêtant à passer en revue les documents qu’il devait signer. La journée avait été longue, et il s’apprêtait à travailler toute la nuit. Il signa un premier papier, autorisant la purge d’un quartier de la Casse plein de dissidents, avant de le placer sur la pile de ceux qui avait déjà été traités. Dans le silence lourd de son antre, seul le cliquetis régulier de la machine à écrire de ses secrétaires robotiques et le halètement de ses chiens venait troubler sa quiétude.

Il se saisit de la feuille suivante, et commença à la lire. On ne lui faisait parvenir que les documents les plus urgents et les plus importants, ceux qui nécessitaient réellement son attention. Il parcourut les lignes, découvrant les derniers développements d’une histoire qui avait déjà été portée à son attention. Une jeune femme, Ivanova, s’était révélée être une espionne au service d’Akantha. La chose n’était en soi pas surprenante, et même attendue. Il aurait normalement suffi d’une opération des services de contre-espionnage pour la capturer et la faire parler, et l’affaire aurait été classée. Leur seul problème venait du fait que la demoiselle en question était visiblement dotée de ressources surprenantes, et qu’elle s’était échappée de la capitale au nez et à la barbe de leurs agents. Si les divinateurs de l’Empire avaient réussi à traquer ses mouvements, cette dernière semblait s’enfoncer vers les étendues polaires du Nord, avec sans doute dans l’idée de disparaître quelques temps pour pouvoir ensuite quitter le pays. Pire encore, elle avait visiblement avec elle les plans de certaines opérations en cours, ce qui compromettrait gravement nombre de leurs agents sur le sol akanthien si elle parvenait à s’échapper. Holker reposa la feuille sur son bureau, avant de brièvement considérer ses options. Il fit mander un de ses officiers, et donna un ordre laconique :

"Faites venir Solomon."

Il regarda son subordonné partir, et se replongea dans son travail administratif. Demain, il partait chasser. Mais pour l’heure, il avait encore beaucoup à faire.

Il fit signe au chauffeur de s’arrêter, désignant du doigt la silhouette de Solomon. Il lui avait fallut beaucoup de temps pour sortir de la capitale de l’Empire, et maintenant qu’il voyait les étendues austères de son pays s’étendre devant, il se rendait compte que cela faisait bien trop longtemps qu’il n’était pas sorti chasser. Il n’en avait plus l’habitude, et laisser sa meute se dégourdir les pattes ne pourrait que leur faire du bien. Il avait été compliqué de persuader ses hommes de le laisser partir seul, mais hausser la voix avait suffit à convaincre même les plus récalcitrants. Accompagné de trois de ses meilleurs chiens et d’une nuée de corbeaux qui surveillait les alentours, volant discrètement au-dessus d’eux ou les observant depuis les arbres, il s’avança vers le garde-chasse, avant de lui tendre la main et de prendre la parole :

"Holker Hallgrimr, Inquisiteur de la Guerre. J’ai peur que nous n’ayons pas de temps à perdre, le temps presse. Avez-vous une idée de comment nous allons pouvoir traquer notre cible ?"

Si le seigneur Hallgrimr disposait de moyens capables de remonter la trace de l’individu, il préférait néanmoins voir ce que le célèbre garde-chasse d’Ellgard pouvait faire. Il avait entendu parler de lui, et reconnaissait que l’occasion était trop belle pour ne pas être saisie.
Droit et épais comme un arbre, Solomon avait attendu l'inquisiteur pendant une bonne heure. Arriver en avance était le motto du guetteur, et il comptait y rester fidèle.

Emmitouflé dans une cape épaisse, il avait observé un corbeau tourner en rond pendant de longues minutes, avant que d'autres ne le rejoignent. Un comportement inhabituel, ou du moins, bien trop "éduqué" pour être le fait d'un simple animal sauvage.

Ainsi donc, c'est "lui" qui venait. Holker Hallgrimr ne lui disait rien. Solomon avait vu défiler de nombreux inquisiteurs tout au long de sa vie, et ne fréquentait ces derniers que très rarement. C'est lorsqu'il vit les corbeaux qu'il se rappela de qui il s'agissait. Cet hybride oiseau grand et fin, sinistre mais efficace. Si cet homme extrêmement... travailleur faisait appel à lui, c'est que les raisons devaient être urgentes.

Il arriva pile à l'air. Grand et mince, voir maigre? Ses serres s'enfoncaient dans la neige avec fureur contenue. Solomon pouvait deviner le regard percant de l'inquisiteur qui le dévisageait. Les corbeaux s'installèrent dans les arbres autour des deux "hommes", les surveillant avec patience. Quant aux chiens... ils aboyèrent au début, avant de se calmer au fur et à mesure qu'ils s'approchaient du chasseur. Lorsque Solomon et  Holker furent l'un en face de l'autre, un chien s'approcha de Solomon, le reniflant avec curiosité.

Solomon se saisit de la main proposée, et lui offrit une poignée de main ferme, mais ni oppressante, ni autoritaire, presque douce pour son gabarit.

- Enchanté Inquisiteur ! C'est un plaisir de vous accueillir ici. J'espère que vous avez fait bon voyage
avait-il dit en souriant avec franchise. L'apparence de son interlocuteur ne le dérangeait absolument pas.

Le chien qui reniflait Solomon se mit à éternuer. L'homme s'accroupit et épousseta la fourrure du chien. La neige tombait doucement autour de Solomon, alors qu'elle était absente jusque là, signe du climat changeant qu'apportait le guetteur.

- Votre messager a été rapide. Pour faire court, le froid, le vent et la neige rendent quasiment impossible de traquer quelqu'un sur de longues distances, une fois éloignés de la capitale.

Il s'éloigna un peu, faisant signe à l'inquisiteur de le suivre, sous un arbre où la neige ne tombait pas. Solomon sortit une flèche de son carquois. Elle était démesurément longue, bien plus qu'une javeline? adaptée au colossal arc qu'il tenait dans son dos, et était faite des matériaux composites sortis des usines de la capitale. Il se mit à dessiner sur le sol un plan. Une carte.

- Toutefois, il est aussi impossible de s'y attarder. Le pays autour de la capitale est relativement plat, et ne protège pas des vents. Les chances de survies sont faibles et courtes, y compris avec un matériel adapté. Le seul moyen de s'en sortir, c'est de passer par certains endroits. Des grottes, forêts et refuges, qui peuvent servir d'étapes.

Il continuait de dessiner, la pointe de la flèche traçant un nombre improbable de petites maisons, grottes et précipices, avec une précision allant bien au delà des cartes d'état-major de l'empire.

- Ellgard est un désert de glace, et fonctionne de la même manière que ceux du sud. Le pays est grand en apparence, mais le seul moyen de voyager est de prendre des chemins reliant les oasis. Au final, il n'y a pas beaucoup d'alternatives. Si elle se rend au nord, elle a besoin d'être préparée.

Il continuait. Bavard, il parlait d'une voix guillerette, apparemment heureux d'échanger avec un être intelligent.

- Si sa fuite était préparée et prévue à l'avance, elle a du laisser de l'équipement. Les seuls endroits possibles sont ceux-ci.


Il marqua quelques endroits.

- Les autres ne protègent pas du vent assez longtemps pour y conserver quoi que ce soit. Les autres sont trop proches des avant-postes de nos valeureux soldats... ou des miens. Donc, elle voyagera vite, mais devra faire un léger détour. Si elle n'a rien prévu et a du s'échapper en vitesse, elle ne fera pas de détour, mais sa progression sera lente. Mais quoi qu'il arrive...

Son dessin, aussi artistique que pratique, fut parachevé par celui d'une crevasse, dessinée au milieu de forêts et de montagne.

- Si elle veut réellement disparaître en sécurité, elle devra se rendre très loin au nord. Et le seul moyen est de passer par ici. La crevasse du mort. En cette saison, c'est le seul chemin praticable. Le reste sont des forêts touffues avec une pente à près de 9% en moyenne, et des vents tellement forts qu'ils peuvent arracher un arbre. Elle devra donc passer par la crevasse. Si elle ne le fait pas, elle est de toute facon morte, et ce ne sera plus un soucis, n'est-ce pas ?


Il regarda l'inquisiteur avec un sourire.

- J'ai beaucoup disgressé, mais je voulais expliquer toutes les possibilités. Il nous faut donc rejoindre la crevasse. Si nous arrivons avant elle, ce qui est possible si elle doit faire des détours pour récupérer son équipement, nous pourrons lui tomber dessus. Si par malchance nous arrivons après elle, la pister dans ce canyon sera bien plus aisé pour moi. Et au delà...

Son sourire devint carnassier.

- Au delà, c'est chez moi
Holker observa l’étrange homme se déplacer, ses mouvements précis et coordonnés possédant une grâce presqu’animale, comme s’il occupait l’espace et que ce dernier se déplaçait autour de lui. C’était un spectacle fascinant, et il pouvait sentir sous sa peau rugueuse la pulsion calme et rythmée de son hémoglobine et les plissements de ses tissus musculaires qui se tendaient et se détendaient. Il aurait eu en d’autres occasion beaucoup de plaisir à faire plus ample et intime connaissance avec l’homme, à explorer les entrailles de cet animal à forme humaine et à voir ce qui à l’intérieur de lui pouvait bien justifier qu’il choisisse ainsi de passer sa vire loin du giron aimant de la civilisation. Hélas, il ne pouvait aujourd’hui se permettre de lui donner toutes les tendres attentions qu’il aurait aimé pouvoir lui offrir, et il devait se contenter d’adopter une réserve professionnelle et distante. Il était en représentation, et ce n’était Holker Hallgrimr qu’il devait montrer, mais l’Inquisiteur de Guerre. Quel que puisse être son avis par rapport à son rang(beaucoup de gens comme Solomon affichaient une distance de surface par rapport à sa position, souhaitant ainsi se rassurer sur la leur), il devait montrer que malgré les circonstances de son accession au pouvoir, il était hors de question que l’on vienne le questionner. Ce qui n’était somme toute rien de compliqué pour lui.

Ses bêtes durent sentirent sa curiosité et sa trépidation, et l’un de ses chiens s’approcha de l’homme, venant le renifler, se demandant avec intérêt sur l’individu aux étranges odeurs étaient leur prochain repas. Le maître envoya une impulsion mentale rapide, dissipant cette idée, et leur expliquant qu’il était un membre temporaire de la meute. Entraide. Utilité. Chasse. Des notions simples, des principes formulés à l’aide d’émotions. Il l’écouta ensuite parler, hochant légèrement de la tête pour marquer son attention, alors que Solomon expliquait ce qu’il avait compris des mouvements de leur cible, et ce qu’il proposait comme marche à suivre. Il termina sur une petite phrase qui faillit faire grincer des dents à l’Inquisiteur, ce dernier se demandant comme un homme de son âge pouvait encore sortir de telles choses. Il ne commenta cependant pas, son visage restant totalement égal, et il répondit sur un ton simple :

"Un plan qui me semble tout à fait pertinent, M.Tanda, fit-il en notant que l’autre avait oublié de se présenter. Merci pour cet exposé exhaustif."

Il passa ses mains sur le col de son manteau, et le resserra brièvement, le rendant plus adapté à la longue marche qu’ils allaient devoir entreprendre, avant de continuer, un demi-sourire écorchant son visage blafard :

"Eh bien, il ne nous reste dans ce cas plus qu’à nous mettre en route. Je vous suis."

Il se prépara à lui emboiter le pas, un frisson de plaisir parcourant son échine. Ce n’était certes pas sa méthode habituelle pour chasser. Il pouvait même dire qu’elle était sans doute moins efficace. Son interlocuteur était un solitaire, et malgré tous ses talents, il était tout bonnement impossible qu’il soit aussi efficace que ses chiens et ses corbeaux pour rattraper quelqu’un. Mais il y avait dans le fait d’apprendre quelque chose de nouveau, de nouvelles manières de faire qu’il pourrait ensuite intégrer à son propre arsenal quelque chose de stimulant, comme s’il aiguisait ses crocs, ou plutôt s’en implantait d’autres dans la gueule, afin de s’assurer que sa morsure reste toujours aussi dangereuse qu’au premier jour. Il se mit donc en route, suivant son guide, attentif à ses mouvements et à ses manières, le détaillant sans chercher à se cacher comme un animal curieux. Il espérait provoquer une réaction de sa part, et voir s’il pourrait ainsi l’étudier plus avant. C’était une belle et longue journée qui s’annonçait, et le soleil jetait sur lui ses rayons aimant de plomb et de mort, éclairant son chemin d'une lueur paternelle.