Le Deal du moment : -50%
-50% Baskets Nike Air Huarache
Voir le deal
64.99 €

Lost Kingdom  :: Ellgard :: Les Confins du Nord

Vigeur et résignation [Lya/Holker]

Voir le sujet précédentVoir le sujet suivant
"Que voulez-vous dire par là, M.Vanya ?"

L’homme face à lui était grand, plus que lui, ce qui était suffisamment rare pour être remarqué. Sec et doté de membres longs et rabougris, il ressemblait à un épouvantail chétif ou à la lanière d’un fouet, prêt à claquer et à bruire au moindre coup de vent. Ses vêtements ampleur tombaient autour de lui comme le linceul d’un revenant, et sa voix grinçante lui évoquaient les raclements secs de la pierre. C’était globalement quelqu’un que l’Inquisiteur pouvait apprécier, un homme simple et dévoué à sa tâche. Pourtant, il semblait que ce dernier nourrissait en lui certaines idées malvenues, qu’il convenait d’écraser avant qu’elles ne puissent réellement gangrener son esprit et faire germer dans son crâne des idées d’insubordination. L’homme-corbeau avança vers son interlocuteur d’un pas pesant, envahissant son espace personnel jusqu’à ce que son nez touche presque celui de son adversaire. Ses molosses grognèrent, sentant la colère sourde de leur maître, leurs poils se dressant sur leurs corps noueux et leurs babines se couvrant d’une écume épaisse et fumante. Sa voix sortit en un rugissement sourd de sa bouche pincée, ses yeux se faisant deux fentes jaunes, semblant luire dans la demi-pénombre de l’endroit comme deux lanternes voilées :

"M.Vanya. L’ordre ancien n’est plus. Seul doit compter pour les enfants qui viendront chez vous leur aptitude à servir l’Empire."

Il marqua une pause, regardant du coin de l’œil l’homme. Ce dernier s’était distingué autant par ses résultats exceptionnels en tant que porion que par sa dévotion à la cause, et lorsque sa mine avait été épuisée, ses services s’étaient battus entre eux pour tenter de le récupérer. Que quelqu’un d’aussi doué avec les mots puisse commettre en sa présence un tel impair et impliquer que les hybrides étaient inférieurs aux autres résidents de leur pays n’était rien d’autre qu’un provocation. Un acte stupide, qui ne pouvait rien lui apporter d’autre que des problèmes. Holker hésita un instant, se demandant s’il possédait un protecteur dont il ne serait pas au courant. Il en doutait. Aussi talentueux que l’homme soit, il n’était rien d’autre qu’un contremaître glorifié, le gérant d’un des orphelinats censés élever la future génération des soldats d’Ellgard. Son importance sur le grand échiquier de la politique était proche de zéro. Il écouta le rythme erratique de son cœur, et sentit l’air qui s’échappait d’entre ses lèvres, chargé d’une odeur diffuse de peur et d’inquiétude.

"Certainement, Seigneur Inquisiteur. Veuillez pardonner cette erreur, Seigneur Inquisiteur."

Hallgrimr le regarda, avant de reculer et de poser sa main sur la nuque de ses bêtes, calmant leur fureur et envoyant un avertissement discret. Il se retint de commenter, se résolvant simplement à surveiller l’homme de près jusqu’à ce qu’il comprenne ce qui avait pu motiver cette sortie. Il s’apprêta à lui intimer l’ordre de reprendre la visite, quand il fut perturbé par une explosion sourde dans le lointain. Il réagit immédiatement, ses réflexes prenant le pas, et il tira sa larme, indiquant aux hommes qui l’accompagnaient de le suivre. Ils s’engouffrèrent dans les boyaux métalliques et austères du souterrain, passant devant des portes épaisses et fermées et des couloirs pas encore terminés, seule la lumière blanche et hésitante des néons éclairant leurs pas, déchirant leurs ombres en de véritables taches de sang noir sur les murs, dessinant sur leurs visages des accents durs et métalliques.

Il y eut une autre secousse, et il sentit la structure du complexe grogner et trembler, crissant en un couinement plaintif. L’inquisiteur pressa le pas, tentant de retrouver son lien avec ses corbeaux, ce dernier se distendant et s’avérant inutile aussi profondément sous terre. Il finit par émerger avec son escorte, regardant autour de lui pour repérer la source de son problème. Il se demanda si tout cela était lié, si cette interruption avait à voir avec sa présence ici, si loin au nord de Keivere et de la sécurité de la capitale. Il savait que les services impériaux étaient infectés par des espions. Il aurait été stupide de penser autrement, quand l’Empire lui-même employait ces méthodes avec un enthousiasme immodéré. Il se demandait seulement quelle faction avait pu avoir vent d’un déplacement normalement secret, surtout quand il prenait autant de soin à les garder aussi discrets que possibles, n’informant que le nombre minimum de personnels compétents. Il y eut encore un bruit d’explosion, plus clair maintenant qu’il était au-dehors, qu’il put reconnaitre comme le tir d’une pièce de canon typique de l’armée Ellgardienne. Le bruit sourd et chuintant de la détonation technomagique l’apaisa quelque peu, et il se dirigea vers la source du vacarme, se portant rapidement à la hauteur de celui qui semblait être le chef du petit contingent d’artilleurs.

"Soldat, rapport !"

L’autre se retourna vers lui, avant de reconnaître son armure et ses galons et de se redresser, effectuant un salut parfait.

"Seigneur Inquisiteur, nous avons repéré un groupe d’individus non-autorisés et non-identifiés s’approcher de l’endroit. Ils ont refusé de s’identifier, et ont rapidement ouvert le feu. Nous continuons pour le moment à tirer pour les immobiliser, le temps pour une autre escouade de les encercler."

Hallgrimr leva un sourcil étonné, se demandant qui pouvait ainsi chercher à s’attaquer d’une des bases de l’Empire. Ce n’était pas un secret pour la population locale que les géants de métal et de verres étaient grillagés pour une bonne raison, et ils évitaient normalement de s’en approcher, leurs superstitions paysannes prêtant aux endroits une réputation de porte-malheur. Ce qui n’était en soi pas faux. Il hocha la tête, et lui indiqua de poursuivre, avant de se retourner et de faire face à Vanya.

"Vous me mobilisez tous les hommes, aboya-t-il sommairement. L’incapacité de cet endroit à réagir avec plus d’alacrité aux menaces est une disgrâce absolue. Vous me surveillez les environs, si c’est un groupe armé et organisé, je doute que ce soit plus qu’une simple diversion. Exécution !"

Vanya salua, oublia apparemment tout ses a priori sur les capacités des hybrides à prendre par eux-mêmes des décisions intelligentes, et disparut rapidement en direction des baraquements. Holker laissa un sourire zébrer son visage, se réjouissant de la diversion, et indiquant à un de ses hommes d’accompagner discrètement Vanya, voulant voir s’il était lié d’une quelconque façon à l’intrusion. Quoi qu’il en soit, son après-midi venait juste de se voir grandement améliorée, l’ennuyeuse visite se transformant en une délicieuse escarmouche, certainement capable d’apaiser l’ennui pernicieux qui l’avait gagné lors du long trajet.
Après plus d’une semaine passée dans la capitale, Lya sentait sa patience l’abandonner. Elle ne se sentait pas trop mal dans les bas quartiers, mais dès qu’elle s’aventurait dans le centre ville, elle avait la sensation d’être une proie traquée. Le bruit, les lumières, l’agitation… Tout cela était si différent de ce qu’elle avait toujours connu dans son village, elle peinait sincèrement à s’y faire. Elle décida donc de s’extirper un peu de tout ce mouvement afin de se poser un peu et de réfléchir à ses options. Elle avait apprit un certain nombre de choses durant ces explorations et ses rencontres, elle avait une idée plus clair des différentes factions qui s’offraient à elle, et même si son choix n’était pas encore fait, elle se sentait pencher pour les armées impériales sensiblement. Certes, la Résistance avait de belles valeurs, des choses à défendre, mais Lya avait décidé depuis longtemps qu’elle ne ferait ni dans l’idéologie ni dans la politique. Ce qu’elle voulait, c’était trouver un camp pour lequel se battre et parvenir à s’y faire sa place. L’Empire semblait avoir de grandes chances de gagner dans ce conflit, elle avait de vraies armées, de la technologie et de la magie en quantité importante à sa disposition, ce qui l’amènerait probablement à écraser ce groupe de résistants. C’était en tous cas le regard que la lycan portait sur la situation, avec les cartes qu’elle avait à présent en main.

Ainsi, la jeune fille avait prit son arc, son sac, et s’était échappée de la grande cité pour s’isoler un peu, retournant vers le Nord d’Ellgard. Elle n’avait pas de destination précise, et comptait rester éloignée des villages. L’idée était surtout de retrouver un peu de calme, pour faire le point avec elle-même. Sa première envie, dès lors qu’elle fut hors des murs de la capitale, fut de poser son bagage et de se transformer. Un frisson de plaisir la traversa alors qu’elle prenait sa forme de puma, sentant de nouveau le sol sous ses pattes. Elle sortit les griffes et les planta avec joie dans l’humus. Elle ne resta pas longtemps avec cette apparence, consciente qu’elle ne pouvait pas abandonner ses affaires derrière elle. Elle récupéra donc son sac et son arc et se remit en marche, d’un pas décidé. Elle avança ainsi durant plusieurs heures, rapide et efficace. Elle attrapa un écureuil, lui plantant une flèche en plein dans l’oeil, et l’accrocha à sa ceinture. Voilà qui lui ferait son repas du soir. Pragmatique, la jeune fille observait son environnement avec soin. Les alentours se faisaient moins sauvage, un sentier était même convenablement tracé et des marques de passage semblaient récentes. Lya releva la tête, un air suspicieux sur le visage. Elle n’était pas seule par ici.

La lycan grimpa à un arbre pour avoir une meilleure vision d’ensemble, et repéra à quelques dizaines de mètres de là, ce qui semblait être un campement militaire de l’Empire. Il s’agissait d’une base importante, avec un grillage qui l’entourait et des galeries souterraines. Sa curiosité attisée, Lya se demanda aussitôt s’il existait un moyen qu’elle s’incruste à l’intérieur. L’endroit lui semblait calme, c’était du moins son impression jusqu’à ce qu’elle entende du bruit, non loin d’elle. Silencieuse comme une ombre, elle se glissa dans la direction du mouvement qu’elle avait perçu, restant en hauteur dans les arbres, et repéra un groupe assez important, armés et visant visiblement le campement. Elle n’eut pas le temps de se poser la question qu’un nouveau raffut se fit entendre. Il s’agissait de soldats de l’armée cette fois, qui interpellaient les inconnus. Ces derniers leur répondirent des propos que Lya ne comprit pas, et levèrent aussitôt leurs armes. Elle grimaça. Des armes à feu. Elle détestait cela, si bruyant et puant ! Elle frémit en voyant les premiers échanges avoir lieu, comprenant qu’elle se trouvait au milieu d’une escarmouche. Toujours perché sur une branche, elle n’avait heureusement pas été repéré, et avait donc tout le loisir d’agir à sa guise. Elle ne mit pas longtemps à songer que prendre le partie de l’armée impériale serait le meilleur moyen pour s’attirer leur sympathie. Il n’y avait pas vraiment à réfléchir sur ce sujet.

Elle attrapa donc son arc et fit glisser une première flèche. Le cristal au centre de l’arme s’illumina alors faiblement et, dans un crissement seulement audible pour la demoiselle, il entoura la flèche d’une magie de glace. Lya tendit la corde, visa l’un des attaquants, qui tenait dans ses bras un fusil assez grossier, prêt à s’en servir. La lycan retint son souffle et lâcha la corde, envoyant sa flèche droit dans la jambe de sa cible. Celui-ci poussa un cri et attrapa sa cuisse, où la flèche s’était logée. A l’endroit où elle s’était planté, la glace se répandait sur sa jambe, entravant désormais ses mouvements et l’empêchant de retirer ce qui causait sa douleur. Sans attendre, la jeune fille attrapa une autre flèche et tira tout aussi vite sur un autre, visant l’épaule cette fois-ci. Un petit sourire satisfait se dessina sur ses lèvres lorqu’elle toucha sa cible. Elle bondit sur une autre branche, dans un arbre voisin, pour déconcerter ses adversaires, et tira une troisième flèche de glace, en pleine tête ce coup-ci. Les têtes commençaient cependant déjà à se tourner vers elle, ce qui était assez mauvais signe. Elle leva les yeux vers les soldats de l’armée, espérant que ces derniers parviendraient à mettre un terme rapidement au conflit. Elle attrapa ensuite une quatrième flèche, et chercha des yeux celui qui semblait être le meneur de ce groupe.

S’il y avait bien une flèche qui devait toucher juste, ce serait celle-ci.
Il y avait quelque chose de beau dans le fait de se battre. Holker n’était pas un poète, et devait même avouer avoir un certain mépris pour ces créatures vaporeuses et inconstantes. Mais même lui, même lui qui ne savait pas voir dans le ruissellement d’une rivière ou le dernier éclat d’un coucher de soleil quelque chose de beau devait avouer qu’à chaque fois qu’il serrait ses doigts autour de la poignée de son épée, qu’à chaque fois que les fibres de ses muscles se tendaient sous sa peau et que ses dents se recouvraient d’une pellicule de salive acide et sèche, il voyait pendant un bref moment le plus beau spectacle qu’un homme pouvait contempler. Il touchait du doigt le sens de l’existence, ces vérités simples qu’il avait tendance lors de son quotidien à oublier. Il frappait, et quelqu’un mourrait, et s’il ne le faisait pas, c’était lui qui se retrouverait face contre terre. Plus que cette simple lutte, il y avait dans cet exercice un côté rituel et jubilatoire, qui lui faisait prendre conscience de la moindre cellule de son corps, quelque chose d’ancien et d’atavique, qui rendait les couleurs brillantes et les sons vibrants. Il regarda la petite escouade de ses ennemis progresser vers les lignes de son armée, et il leva simplement le poing, avant de donner l’ordre de faire feu. Les canons fleurirent, et des oiseaux de fumée s’envolèrent des tubes des armes, cachant un instant le métal incandescent qui transperça les corps étrangers.

Il regarda sa lame, et intensifia le lien qui le reliait à ses oiseaux, toisant le champ de bataille d’un millier d’yeux aliens, décortiquant les allées et venues des assaillants. C’était un petit groupe, peut-être même pas affiliés aux principaux groupes terroristes qui sévissaient sur le territoire impérial. Ils étaient trop désorganisés pour cela, et il ne reconnaissait pas les méthodes caractéristiques de leurs entraineurs. L’Inquisiteur laissa un sourire cruel barrer sa face, la cicatrice semblant pendant un bref instant la déchirer en deux, et il ordonna la charge, profitant de la confusion dans les rangs ennemis pour les attaquer. Il pouvait voir le deuxième groupe se diriger vers une autre entrée, pensant sans doute que la diversion avait réussie. Il convenait maintenant de les renforcer dans leur illusion, avant de refermer sur eux la nasse.

"Pour l’Empereur ! Pas de prisonniers !"

Il hurla, sa voix trahissant l’enthousiasme bestial qui le saisissait tout entier, et il unit ses pas à la cavalcade furieuse de ses fantassins, ouvrant la marche. D’un mouvement de l’épaule, il débloqua les chaînes qui enserraient son bras gauche, et les projeta vers l’ennemi le plus proche. Dans une forêt, même peu dense, ses armes n’étaient pas des plus utiles, mais il pouvait toujours en tirer quelques usages. Leur principale utilité tenait dans le fait que les gens savaient rarement comme manœuvrer face à une méthode aussi peu conventionnelle, et son ennemi du jour ne fit visiblement pas exception. Il tenta de dévier les crocs métalliques qui fendaient les airs, mais sa lame ne parvient qu’à légèrement infléchir la course de son arme. D’un mouvement sec du poignet, Hallgrimr rabattit les crochets dans l’épaule de l’homme, qui grogna sous le coup de l’impact. Il tira, et déchira sa chair, l’autre s’effondrant sous le coup de la douleur. Quelques pas supplémentaires, et il était sur lui, ses pieds déchaussés dévoilant des serres qui cherchèrent avec un enthousiasme avide le chemin de sa gorge.

Il sentit le sang chaud barbouiller la plante de son pied, et frissonna de délice, avant de regarder ses adversaires, et de choisir son prochain adversaire. Ce fut à ce moment qu’il entendit les flèches voler, et il regarda la nouvelle venue, hochant brièvement de la tête dans sa direction. Elle ne semblait pas appartenir à son régiment, mais il ne pouvait que saluer son efficacité. Les hommes tombaient comme du blé sous la tempête sous ses traits, et il vit rapidement le commandant adverse souffrir le même, une pointe métallique se fichant dans son crâne. Holker travailla rapidement, profitant de la confusion que venait de créer l’irruption de la jeune femme. Il vint fracasser le pommeau de son épée sur le visage juvénile d’un ennemi, l’assommant. Même s’il aurait préféré n’épargner personne, il devait quand même prendre en compte ses responsabilités, et garder quelqu’un à interroger. La fin du combat fut un évènement aussi bref que violent, ses adversaires pris entre deux feux ne sachant pas comment réagir. Il se retirèrent rapidement, et Holker empêcha ses hommes de les poursuivre, craignant un autre piège et voulant rapidement voir comment s’était déroulé l’autre bataille. Il se contenta d’envoyer à leur poursuite un de ses oiseaux, afin que ce dernier l’informe du lieu de leur retraite.

Il fit signe à la nouvelle venue de le suivre, n’ayant pour le moment pas le loisir d’échanger avec elle les salutations d’usage, et se rua vers l’intérieur de la base, à la recherche de Vanya. Les bruits du combat mourant lui parvinrent rapidement, et il put voir son subordonné se diriger vers lui pour rapidement lui faire son rapport. Tout c’était déroulé comme prévu, et leurs pertes étaient minimes. Holker s’interrogeait maintenant sur les motivations de ces gens, se demandant ce qui avait bien pu les pousser à entreprendre une action aussi insensée. Il obtiendrait sans aucun doute les réponses nécessaires après un entretien poussé avec son prisonnier, mais il devait pour l’heure adresser un problème plus urgent. Il se tourna vers son alliée improvisée, se demandant ce qu’elle faisait là. Personne n’arrivait sur le site d’une base ellgardienne sans y chercher quelque chose, et pourtant elle ne semblait pas avoir de motivation adverse. Elle n’avait pas non plus l’air ou la posture d’un soldat impérial. Il avait donc un problème sur les bras. La procédure voulait qu’il l’enferme et qu’il l’interroge, mais il n’avait pas de temps à perdre, et s’il voulait partir d’ici rapidement, il allait devoir faire autrement.

"Je vous remercie pour votre assistance. Je suis Holker Hallgrimr, Inquisiteur de Guerre, commença-il sur un ton neutre. Ne prenez pas cela pour de l’ingratitude, mais j’ai peur d’être obligé de vous demander votre identité et la raison de votre présence ici."

L’important était maintenant d’obtenir les renseignements nécessaires sans provoquer de conflit. Il ne savait pas encore à qui il avait à faire, et s’il lui prenait l’envie de faire de la résistance ou de refuser de coopérer, il devrait pour sauvegarder les apparences l’arrêter et l’interroger. La perspective de passer de tels moments privilégiés en si bonne compagnie l’aurait normalement enchanté, mais il ne pouvait hélas pas se le permettre. Il plissa légèrement le regard, et attendit une réponse, ses sens se concentrant pleinement sur la jeune femme.
Retenant son souffle, Lya eu l’impression que le temps venait de se suspendre. Elle trouva sa cible, un type plutôt grand et costaud et pas mal armé. Elle tendit la corde, visa avec précision, le souffle toujours coupé. Elle ne pouvait pas laisser sa respiration lui faire manquer sa cible. Elle ne devait pas se louper, celui là était important. Il donnait des ordres que la lycan ne parvenait pas à entendre mais qu’elle discernait dans le brouhaha ambiant. Elle avait également repéré celui qui semblait être le leader du groupe impérial, un grand gaillard assez svelte, qui se battait avec une fougue évidente. Lya ne se laissa pas déconcentrer. Elle devait avoir un point de vue d’ensemble, mais se focaliser sur sa cible. Elle entendit le crissement du cristal, laissa la flèche se transformer et lâcha la corde. Cette dernière fila et alla s’encastrer dans le crâne du chef. Était-ce un résistant ? Lya l’ignorait, mais son sentiment de satisfaction était palpable. Un sourire de fierté se dessina sur ses lèvres. C’était une belle touche. Tuer des humains ne lui procurait pas une joie immense, mais elle n’en éprouvait pas non plus de peine. Leur vie n’avait pas grande valeur, et s’ils s’opposaient à ses intérêts, encore moins.

Peu après son coup de maître, les combattants se dispersèrent, incapable de poursuivre sans leur meneur probablement. Lya les regarda s’éloigner, toujours perché sur sa branche, et croisa alors le regard de celui qu’elle avait identifié comme le chef des impériaux. Il l’avait repéré, cela ne faisait aucun doute, et lui faisait justement signe. La lycan s’immobilisa, se demandant quelle était la marche à suivre. Allait-elle avoir des ennuis ? Ou plutôt des félicitations ? Elle l’ignorait, mais après tout, elle était venue ici pour en apprendre plus sur l’armée impériale, il aurait été regrettable de tourner les talons maintenant alors qu’elle s’approchait de son but. Elle descendit de son perchoir et suivit le gaillard. Il avait une odeur particulière, pas vraiment humaine. Pas lycan non plus. Autre chose, que Lya peinait à identifier. Elle pénétra la base avec une certaine excitation, songeant qu’elle entrait belle et bien dans les choses sérieuses maintenant.

Le type, dont elle ignorait toujours le nom, parla à quelques personnes pour s’informer de la situation, ce qui confirma que c’était bien lui qui donnait les ordres ici. Elle n’était pas tombée sur n’importe qui, encore une fois. Il se tourna finalement face à elle, et prit la parole.

- Je vous remercie pour votre assistance. Je suis Holker Hallgrimr, Inquisiteur de Guerre. Ne prenez pas cela pour de l’ingratitude, mais j’ai peur d’être obligé de vous demander votre identité et la raison de votre présence ici.

Le ton n’était pas extrêmement chaleureux, mais la puma avait craint pire. Elle s’était mêlée d’un conflit qui ne la regardait pas, après tout, même si elle avait été d’une certaine utilité. Elle ignorait à quoi elle devait s’attendre, mais il l’avait remercié, donc s’était toujours ça de prit. Elle décida de le regarder dans les yeux, ce qui n’était pas aisé, cet homme était vraiment immense ! Du haut de son mètre soixante, Lya devait se déboîter la nuque pour croiser son regard, mais cela ne l’arrêta pas. Elle ne voulait pas passer pour une faible, alors qu’elle venait justement de prouver sa force. Le nom de l’Inquisiteur la chatouilla également. L’Inquisiteur Guerre… N’était-ce pas le maître d’Aerith, la femme dragon qu’elle avait rencontré lorsqu’elle avait quitté son village ? Si c’était le cas, alors les pièces du puzzles s’assemblaient finalement convenablement. Elle répondit, d’une voix assez ferme :

- Lya Harsh. Mon intervention était de l’ordre du hasard, je ne m’attendais pas à trouver une altercation ici. Je suis intéressée par l’armée impériale, je suis venue ici pour en apprendre plus.

Elle esquissa malgré elle un petit sourire et ajouta :

- J’avais prévu de rester discrète, mais les circonstances m’en ont empêchés.

Sa franchise pouvait lui jouer des tours, mais elle pouvait difficilement s’empêcher d’être elle-même. Jusqu’à présent, elle avait trouver des interlocuteurs qui avaient appréciés son honnêteté, peut-être cela pouvait-il continuer.
Holker détailla plus avant la jeune créature qui lui faisait face. Elle avait un profil très aérien, et sa petite taille et son corps finement musclé venaient compléter cette impression. Ses joues arrondies et ses lèvres charnues lui donnaient un air poupin, et ses grands yeux celui d’une enfant, d’une écolière peut-être. Et pourtant, il avait pu constater de lui-même son efficacité sans conteste au tir à l’arc, ses ennemis tombant sous ses traits comme des oiseaux fauchés par la tempête. Plus important encore, elle sentait différemment des humains normaux. Ce n’était pas l’odeur de feuille et de roche et d’ozone des elfes, ou celle de vieux fer et de formol des vampires. Non. C’était un bouquet plus ancré dans la terre, quelque chose de très primal, et pourtant de pas totalement semblable à celui des lycans qu’il avait l’habitude de côtoyer. Une dénomination exotique peut-être ? Peu importait. Elle se livrait à lui et lui répondait avec une admirable honnêteté, et il ne pouvait en entendant le rythme de sa respiration et les battements de son cœur discerner aucun mensonge. Il fronça néanmoins les sourcils quand elle lui révéla être arrivée ici par hasard, tant le scénario lui semblait improbable.

Cela voulait simplement dire que les équipes de reconnaissances n’avaient pas fait un assez bon travail, et qu’elle n’avait pas été redirigée vers une zone plus adaptée à ses… batifolages. Il se fit une note à lui-même, se promettant de punir les fautifs et de renforcer la discipline, avant de reporter son attention sur la jeune demoiselle, se demandant maintenant ce qu’il allait devoir faire d’elle. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il l’aurait laissé repartir, sachant qu’il venait de tisser des liens qui ne pouvaient que s’avérer profitable dans le futur, ou il l’aurait mise à terre avant de la dévorer pour satisfaire les pulsions encore vivides provoquées par un combat qui l’avait laissé sur sa faim. Mais il ne le pouvait, obligé qu’il était de tenir en compte des dizaines de regards braqués sur eux, de ses hommes qui attendaient encore ses directives.

"Effectivement, votre intervention était tout sauf discrète, fit-il avec un sourire mince. Mais très appréciée. Je dois avouer qu’il est curieux que vous ayez choisi un endroit aussi isolé et interdit pour en apprendre plus sur l’armée de notre glorieux Empire quand des postes militaires existent dans chaque ville et village, mais ni moi ni mes hommes n’allons nous plaindre de votre venue. N’est-ce pas ?"

Il se retourna, et regarda ses hommes acquiescer de la vois et de la tête, avant de reporter son attention sur son interlocutrice improvisée, gardant ses lèvres tendues selon un pli soigneusement étudié. Il avait remarqué que peu de gens appréciaient réellement de le voir sourire à pleines dents, alors qu’un rictus plus discret mettait chez lui en valeur une certaine disposition patricienne. Il reprit, sur un ton plus amical :

"Je suis néanmoins désolé de vous le dire, le protocole nous impose de ne pas vous laisser repartir tant que nous ne serons pas assurés de vos intentions. Vous serez cependant traitée comme une invitée de marque. A moins que…"

Il la détailla, et se demanda s’il pouvait vraiment lui faire confiance. Elle semblait plus ou moins inoffensive, maintenant qu’elle était entourée de ses hommes, mais avec le respect qu’il lui accordait venait une méfiance instinctive, qu’il éprouvait envers tout être capable de le mettre en danger.

"A moins que, reprit-il finalement, vous ne vouliez nous accompagner. Ce serait pour vous l’occasion de voir comment nous opérons, et pour nous celle de rester en règle sans vous retenir."

Il planta ses yeux dans les siens, sans agressivité, mais en cherchant tout de même à comprendre ce qui pouvait se passer derrière son crâne.