En entrant dans cette taverne pour y boire un verre, Lya avait eu le pressentiment que quelque chose allait mal se passer. Elle avait mit de côté son instinct, pour une fois, désireuse de passer du bon temps. Ces derniers jours n’avaient été consacrés qu’à sa recherche d’information sur les deux grandes factions qu’elle pourrait potentiellement rejoindre, et elle commençait à fatiguer un peu. Jouer à demi mot, faire attention à chacune de ses phrases, avancer à petits pas sans avoir la sensation d’évoluer, ce n’était pas toujours sa tasse de thé. Et justement, ce n’était pas une petite boisson chaude qui allait lui remonter le moral. La lycan s’avança jusqu’au bar et commanda une bière, jetant négligemment une pièce sur le comptoir. Elle commençait à manquer un peu, n’ayant pas de source de revenus régulières. Elle dormait dans des auberges peu coûteuses, mais peu à peu ses économies fondaient. Elle allait devoir se dépêcher de prendre une décision, au risque de finir à la rue. Voilà qui serait une sacrée humiliation, et qui l’obligerait peut-être à retourner dans son village, décision qu’elle se refusait de prendre. Elle était partie pour la gloire, hors de question de rentrer la queue entre les jambes. La puma avala sa première bière en deux lampées, sous le regard médusé du tenancier. Elle lui offrit un regard morose, et en commanda une seconde.
Alors qu’elle s’enivrait avec beaucoup d’enthousiasme, un groupe de gaillards s’était attroupé dans la taverne, et l’observait du coin de l’oeil. La jeune femme tâchait de les ignorer, mais elle sentait leur présence dans son dos, et se sentait déjà irritée. Elle n’aimait guère être reluqué, et encore moins par des loubards de leur espèce. Elle termina sa deuxième bière en quelques gorgées, et sentit l’alcool parcourir ses veines, lui donnant une forte dose d’adrénaline. En temps normal, elle aurait taché d’ignorer les sifflements qui résonnaient derrière elle, mais depuis qu’elle était dans cette fichue ville elle y avait eu droit bien trop de fois. Dans son village, les hommes qui avaient tenté de l’approcher d’une façon aussi rustre s’était mangé un coup de griffe dans le visage, mais à Keivere elle avait évité les transformations, pour ne pas attirer l’attention sur elle. Cette fois cependant, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder la rivière. La bière se mélangeant à son agacement de la semaine, Lya se sentit pousser des ailes. Elle se leva brusquement de son tabouret et fit face aux gaillards, leur lançant un regard mauvais. Ils semblaient quelque peu éméchés, eux aussi. Sans doute n’étaient-ils pas à leur première taverne de l’après midi.
D’un pas assuré, absolument pas défaillant malgré tout l’alcool qu’elle avait ingurgité pour sa petite taille, Lya marcha jusqu’à celui qui semblait être le meneur de ce groupe d’ivrogne, et le bouscula.
- Tu veux pas voir ailleurs si j’y suis ?
Lâcha-t-elle sèchement. Le concerné la regarda avec étonnement, puis ricana en se levant. Il la dépassait d’une bonne tête, comme environs tous les hommes qu’elle rencontrait. La lycan n’était pas bien massive, mais elle cachait bien sa force. Sans aucune hésitation, elle enfonça son poing dans le ventre du type, qui se courba en deux en toussant et en crachant. Ses camarades firent mine de s’avancer, pour prendre part à la bagarre, mais il se redressa et leur fit signe de rester à leur place, les yeux lançant des éclairs.
- J’vais t’fumer salope.
Lya esquissa un sourire mauvais, et le laissa venir. Il envoya son poing vers elle pour l’atteindre, mais - et ce malgré l’alcool - la puma restait plus rapide. Elle attrapa son avant bras et l’envoya valser contre la table. Celle-ci se fissura sous le choc, ce qui sembla réveiller le tenancier. Celui-ci poussa un cri et tenta de raisonner les combattants, qui avaient déjà formé un cercle autour de la lycan. Elle étai donc cette fois entouré de cinq gaillards, prêts à en découdre. Le propriétaire de la taverne, voyant qu’il ne parviendrait pas à calmer l’affrontement, sortit dans la rue, à la recherche de l’armée, qui elle seule pourrait arrêter le massacre. Lya, aveuglée par la bière, ignorait le danger, et esquiva le premier poing qui venait vers elle, répliqua avec ardeur, mais en prit un second en plein visage, lui ouvrant la lèvre. Elle essuya le sang du revers de la main, et sentit sa rage prendre le dessus.
Si elle ne se calmait pas, le puma ne tarderait pas à faire son apparition, elle pouvait le parier.
Bagarre de taverne
Ses mains gantées balançant sur ses côtés au rythme de ses pas distraits, son regard perdu dans le vague caché derrière d’opaques lunettes noires, l’homme errait plus qu’il ne se promenait. Les rues étaient les mêmes, dans une certaine mesure les gens aussi, pourtant rien ne lui semblait pareil. Il regardait littéralement le monde avec de nouveaux yeux, et ce qu’il voyait ne lui plaisait pas. À moins que ce ne fut le comment il le voyait qui le dérangeait. Il avait arpenté ces rues un nombre incalculable de fois, avec autant de raisons différentes que d’accoutrements divers. Il les avait connues triste, il les avait connues joyeux. Sérieux et insouciant. Concentré et distrait. Mais à aucun moment il ne s’était senti aussi peu à sa place dans ce paysage. Il se sentait différent, incomplet. Le moindre bruit métallique que pouvaient faire ses implants résonnait sans s’arrêter dans ses oreilles. Marcher avec ces jambes qui n’étaient pas les siennes lui donnait presque le vertige. Il s’arrêta, ferma les yeux et inspira profondément. Puis un cri attira son attention. Les yeux froncés, tournant la tête vers l’origine, ses yeux scannèrent la foule en quête d’une raison, une réponse. Un flux intriguant s’empressait de quitter une rue, encadrés d’un attroupement à l’air fortement intéressé par des évènements qui lui étaient invisibles. À petites foulées, Icare alla s’enquérir de la situation.
Se frayant un chemin entre les passants, le cyborg arriva en face d’une taverne dont la porte ouverte laissait entendre et entrevoir le grabuge qui y prenait place. D’un pas rapide il pénétra le lieu, observant les hommes en uniforme qui tentaient visiblement de calmer un groupe d’hommes en état d’ébriété partiellement coopératifs. Mais son attention fut rapidement monopolisée par un des hommes en uniforme s’acharnant de coups sur une personne à terre.
« Ça suffit, soldat ! »
Difficile de savoir si dans la cohue le militaire l’avait entendu, mais il ne sembla pas en faire cas, continuant sa distribution de liberté palpable. Le gradé vint donc saisir fermement le bras qui tenta vainement de continuer son manège avant que son propriétaire ne se tourne d’un air menaçant.
« LÂCHE-… ! »
Le jeune homme sembla s’étouffer sur ses mots lorsqu’il reconnut le visage de celui qui l’avait arrêté. Pris de panique, sa bouche resta ouverte sur la suite de sa phrase qui ne vint jamais, le reste de son corps tremblant.
« Colonel… Je… »
Le cuir des gants d’Icare crissa au contact de la fabrique de l’uniforme qui habillait le bras sur lequel sa prise mécanique se resserrait, provoquant une grimace de son propriétaire.
« Je vous recommande chaudement de très vite retrouver votre sang froid, soldat. »
À peine Icare relâcha-t-il le bras de l’homme que celui-ci se mit au garde-à-vous, toujours aussi tremblant et à présent rouge de honte.
« Nom, matricule et rapport.
- Karv Tullor, matricule M2753, Monsieur ! Nous sommes intervenus pour une bagarre de taverne.
- Intervenus ? J’avais pourtant l’impression que vous y participiez, monsieur Tullor.
- La suspecte s’est hargneusement défendue, Monsieur. Elle m’a… »
Seul face à son reflet dans les verres des lunettes de son supérieur, Karv Tullor ne termina pas sa phrase, déglutissant péniblement. Icare se tourna vers le chef de patrouille.
« Emmenez-moi ce beau monde, faites-les décuver tranquillement. Récupérez aussi les insignes de notre ami ici présent.
Vous et moi allons avoir une petite conversation dans les jours à venir, monsieur Tullor. Je vous demanderai de rester coopératif et disponible jusqu’à ce que je revienne vers vous. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui monsieur.
- Parfait. Circulez. »
Sans plus accorder d’attention à ses hommes, Icare se dirigea vers la jeune victime et s’accroupit en lui tendant sa main gantée.
« Je vous prie d’accepter mes plus plates excuses pour le comportement de mes hommes. Je veillerai personnellement à ce qu’il reçoivent la sanction qu’ils méritent. Laissez-moi vous aider. »
Tirant sur sa main pour l’aider à se relever, Icare passa son autre main dans le dos de la jeune femme pour veiller à ce qu’elle ne perde pas l’équilibre d’une manière ou d’une autre. Il l’entraîna ensuite vers le comptoir afin de s’adresser à la femme que se tenait derrière, rétractant les verres de ses lunettes pour lui adresser un sourire sympathique.
« Y a-t-il un endroit tranquille où vous puissiez me conduire ? J’aimerais m’entretenir en privé avec cette jeune femme. »
Visiblement hésitante, la dame finit par accepter et faire le tour du comptoir, ce à quoi Icare répondit d’un hochement de tête souriant avant de replacer les verres de ses lunettes et la suivre. Elle les conduisit dans une petite pièce au rez-de-chaussée décorées de divers éléments que l’on pourrait retrouver dans n’importe quelle taverne, au milieu de laquelle trônait une petite table carrée entourée de quatre chaises, dont les assises avaient dû supporter les postérieurs de nombre de joueurs de cartes.
« Merci bien. Pourriez-vous m’apporter une bassine avec de l’eau fraîche avec une serviette ? Et une carafe de n’importe quelle boisson non-alcoolisée avec deux verres. Vous pourrez envoyer la facture à la division Mort au nom de Jäger, avec celle des dégâts causés par la bagarre. Uniquement la bagarre, je vous fais confiance. »
Le Colonel adressa un petit sourire à la femme qui s’éclipsa en acquiesçant, puis accompagna la jeune victime jusqu’à une des chaises, sur laquelle il la fit s’asseoir. Il prit ensuite place devant elle, les yeux toujours cachés par ses lunettes, jusqu’à ce que la tenancière revienne avec ce qui lui avait été commandé. Retirant ses gants, le vétéran de Guerre plongea la serviette dans l’eau fraîche et commença à nettoyer le sang sur la visage de la jeune femme, tapotant doucement pour ne pas lui faire mal. Après quelques instants de silence, en plongeant une nouvelle fois la serviette dans l’eau froide, il ouvrit la bouche.
« Vous savez que je vais finir par vous demander ce qu’il s’est passé. »
Après quoi il revint tapoter de l’eau froide sur les plaies et contusions.
Se frayant un chemin entre les passants, le cyborg arriva en face d’une taverne dont la porte ouverte laissait entendre et entrevoir le grabuge qui y prenait place. D’un pas rapide il pénétra le lieu, observant les hommes en uniforme qui tentaient visiblement de calmer un groupe d’hommes en état d’ébriété partiellement coopératifs. Mais son attention fut rapidement monopolisée par un des hommes en uniforme s’acharnant de coups sur une personne à terre.
« Ça suffit, soldat ! »
Difficile de savoir si dans la cohue le militaire l’avait entendu, mais il ne sembla pas en faire cas, continuant sa distribution de liberté palpable. Le gradé vint donc saisir fermement le bras qui tenta vainement de continuer son manège avant que son propriétaire ne se tourne d’un air menaçant.
« LÂCHE-… ! »
Le jeune homme sembla s’étouffer sur ses mots lorsqu’il reconnut le visage de celui qui l’avait arrêté. Pris de panique, sa bouche resta ouverte sur la suite de sa phrase qui ne vint jamais, le reste de son corps tremblant.
« Colonel… Je… »
Le cuir des gants d’Icare crissa au contact de la fabrique de l’uniforme qui habillait le bras sur lequel sa prise mécanique se resserrait, provoquant une grimace de son propriétaire.
« Je vous recommande chaudement de très vite retrouver votre sang froid, soldat. »
À peine Icare relâcha-t-il le bras de l’homme que celui-ci se mit au garde-à-vous, toujours aussi tremblant et à présent rouge de honte.
« Nom, matricule et rapport.
- Karv Tullor, matricule M2753, Monsieur ! Nous sommes intervenus pour une bagarre de taverne.
- Intervenus ? J’avais pourtant l’impression que vous y participiez, monsieur Tullor.
- La suspecte s’est hargneusement défendue, Monsieur. Elle m’a… »
Seul face à son reflet dans les verres des lunettes de son supérieur, Karv Tullor ne termina pas sa phrase, déglutissant péniblement. Icare se tourna vers le chef de patrouille.
« Emmenez-moi ce beau monde, faites-les décuver tranquillement. Récupérez aussi les insignes de notre ami ici présent.
Vous et moi allons avoir une petite conversation dans les jours à venir, monsieur Tullor. Je vous demanderai de rester coopératif et disponible jusqu’à ce que je revienne vers vous. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui monsieur.
- Parfait. Circulez. »
Sans plus accorder d’attention à ses hommes, Icare se dirigea vers la jeune victime et s’accroupit en lui tendant sa main gantée.
« Je vous prie d’accepter mes plus plates excuses pour le comportement de mes hommes. Je veillerai personnellement à ce qu’il reçoivent la sanction qu’ils méritent. Laissez-moi vous aider. »
Tirant sur sa main pour l’aider à se relever, Icare passa son autre main dans le dos de la jeune femme pour veiller à ce qu’elle ne perde pas l’équilibre d’une manière ou d’une autre. Il l’entraîna ensuite vers le comptoir afin de s’adresser à la femme que se tenait derrière, rétractant les verres de ses lunettes pour lui adresser un sourire sympathique.
« Y a-t-il un endroit tranquille où vous puissiez me conduire ? J’aimerais m’entretenir en privé avec cette jeune femme. »
Visiblement hésitante, la dame finit par accepter et faire le tour du comptoir, ce à quoi Icare répondit d’un hochement de tête souriant avant de replacer les verres de ses lunettes et la suivre. Elle les conduisit dans une petite pièce au rez-de-chaussée décorées de divers éléments que l’on pourrait retrouver dans n’importe quelle taverne, au milieu de laquelle trônait une petite table carrée entourée de quatre chaises, dont les assises avaient dû supporter les postérieurs de nombre de joueurs de cartes.
« Merci bien. Pourriez-vous m’apporter une bassine avec de l’eau fraîche avec une serviette ? Et une carafe de n’importe quelle boisson non-alcoolisée avec deux verres. Vous pourrez envoyer la facture à la division Mort au nom de Jäger, avec celle des dégâts causés par la bagarre. Uniquement la bagarre, je vous fais confiance. »
Le Colonel adressa un petit sourire à la femme qui s’éclipsa en acquiesçant, puis accompagna la jeune victime jusqu’à une des chaises, sur laquelle il la fit s’asseoir. Il prit ensuite place devant elle, les yeux toujours cachés par ses lunettes, jusqu’à ce que la tenancière revienne avec ce qui lui avait été commandé. Retirant ses gants, le vétéran de Guerre plongea la serviette dans l’eau fraîche et commença à nettoyer le sang sur la visage de la jeune femme, tapotant doucement pour ne pas lui faire mal. Après quelques instants de silence, en plongeant une nouvelle fois la serviette dans l’eau froide, il ouvrit la bouche.
« Vous savez que je vais finir par vous demander ce qu’il s’est passé. »
Après quoi il revint tapoter de l’eau froide sur les plaies et contusions.