Cela avait été la première fois que que Solstice se confrontait à l'expérience du voyage. Il était devenu évident qu'il s'agissait d'une nécessité. Le démon avait beau être ancien à un point difficilement saisissable, de tout ce qu'il pouvait se rappeler, il s'était toujours éveiller et épanouit dans une solitude certaine mais plus encore dans une immobilité absolue. Si ce monde matériel avait un avantage, ce n'était pas qu'il soit particulièrement grand - le monde offert pas Obscural étant finalement infini- mais qu'il était diversifié et se particularisait dans un constant mouvement. L'art était ici possible dans le changement et l'évolution, et ainsi le démon devait s'y adapter et lui même se jeter, comme une pierre lancée dans l'étang, pour absorber et renaître dans la mobilité. C'était cohérent, c'était artistiquement sensé et logique. Il y trouvait une réponse satisfaisante.
Son espoir reposait ainsi sur ce raisonnement: pour s'extraire de sa condition, il fallait cette fois tendre de l'ombre à la lumière en allant concrètement de sa maudite et naturelle fixité au courant du fleuve.
Ce n'était pourtant pas un fleuve qu'il avait trouvé comme première étape de son périple.
Peut-être n'était-ce pas de bonne augure. Car il n'y avait rien de plus immobile que les lacs de Nueva.
Comme cela était encore difficile pour le chansonnier amateur de donner un sens à sa route et à ses vagabondages, il avait dû confier au hasard et à l'inspiration première l'orientation de ses pas.
Légèrement équipé de sa cape et de maigres affaires, il s'en était allé au cœur de la nuit, pour que son corps et son essence soit fraîche et lucide. Afin d'aller loin, d'un seul premier trajet.
Il trouva accroché sur un mur public, dans un hameau, quelques annonces, informations, et nouvelles de ci et de ça, à l'attention de passants ou autre. Quelques artistes semblaient aussi profiter de la chose pour s'y exprimer, dans le but d'avoir la chance d'être lu. C'était un désir noble et pour lequel Solstice pouvait encore ressentir une certaine sympathie, même si cela le rendit d'abord confus comme la plupart des similitudes qu'il pouvait trouver entre des existences récentes et éphémères, et lui même. Cela attira donc particulièrement sa curiosité et il y trouva ce qu'il commençait à peine à chercher: de l'inspiration et un sens. Une invitation au voyage.
Saut-de-lac; excellent séjour qui s'éternise un peu.
Maison grise; on retient au vent carpettes et linges étendus. On s'y cache par de là la belle horizon sans craindre, sans espérer non plus.
Tout est juste, ici.
Tout vient de là. Oui tout. Même toi.
Solstice cilla, sans tenir compte des saisons, de l'espace, du temps. Il eu le déclic. Il comprit ce qu'était une certitude artistique. La lueur de vérité dans l'espace sans lumière.
Il tourna ses pas vers une route et demanda son chemin, une fois, deux fois, trois fois.
On s'écarta de lui et il peina à savoir. Mais, car une once d'abnégation le possédait désormais, il parvint, déjà à la moitié de parcours - même si il l'ignorait alors - à trouver la bonne indication. Il cherchait Saut-de-lac, non comme une destination, mais comme une première étape. Il eu la prémonition que ce n'est que de cette façon qu'il comprendrait ce qui signifiait voyager, et qu'ensuite il gagnerait la force et l'habitude du changement; l'essentiel qui mue, l'éther qui pense à son futur.
Il pu atteindre les lacs infinis, splendides et larges; glorieux car ils sont la turquoise patientes du pays, discret comme un souvenir qui ne revient que lorsque le silence règne.
Solstice Evyld'hen était emporté, hanté même, par les mots du panneau. Il rêvait d'une maison grise, d'un linge étendu, et d'une fuite par delà l'horizon. Là alors il trouverait Saut-de-lac.
Malheureusement pour lui; il ne vit pas le voyage passer; il songeait moins au monde qui l'entourait qu'aux mots, à l'art, qu'au chant et qu'à, bien sûr, la poésie. C'était un manque cruel.
C'était le cœur de l'hiver. Sans même s'en rendre compte, on approchait de son solstice.
Quel curieux événement qu'un démon, incarnant les sentiments et le noyaux de la saison la plus sombre et la plus envoûtante, ne sachant plus ce qu'il est, et qu'il arrive bientôt à la place exacte au moment précis de son apothéose. Le moment où tout prend sens. Du moins, pour les autres.
En effet, les circonstances étaient troublantes.
La nuit même du solstice d'hiver, Solstice Evyld'hen atteignait Saut-de-lac, petit hameau doux et humide de pêcheurs, au pied d'une des fameuses étendues placide de Nueva, scintillant presque même lors des nuits sans étoiles. Un havre de silence où le climat acéré de la saison n'était qu'une gêne à peine visible.
Le démon se sentait toutefois différent. Plus calme, moins hésitant. Il pensait nettement plus au monde réel, plus sensible à ce qui l'entourait, et l'esprit quelque peu plus protégé des idées nébuleuses et fantaisistes du lyrisme.
Cette nuit, et cette nuit seulement, son corps rayonnait presque. Le démon cilla, ressentant un souffle le traverser, sa poitrine bondir. Il comprit ce qui clochait: il avait l'air vivant.
Il était à son paroxysme le plus total; ce qui lui arracha presque l'expression de jouissance du visage qu'il contenait dans l'éther excité animant son enveloppe. D'un revers de la main; Solstice désira appeler à lui un de ses familiers papillons, et en évoqua une dizaine à la place; bien vivant, tournoyait gaiement autour de lui comme le festoyant. Le célébrant.
Il écarquilla les yeux. Un frisson le traversait.
-Ô joie, s'exclama t'il avec un soupçon d'étonnement, c'est ma fête.
Et comme il n'était pas convenable pour la nuit la plus longue et la plus froide de se réjouir toute seule, Evyld'hen se trouvait bien sûr à Saut-de-lac, rare endroit à Nueva où l'on trouvait quelques gais lurons pour fêter celle-ci.
Le lac n'était pas gelé, mais l'air demeurait si glacial cette nuit que l'idée de se jeter à l'extérieur, loin de l'hospitalité d'un bon feu, aurait parue bien folle.
Pourtant des villageois, ivres mais plus encore passionné dans leur ronde, trouvaient grâce et chaleur dans leurs danses, chants, et amours - il fallait bien le dire.
La nuit la plus longue pouvait en affliger quelques uns, mais elle appelait pour d'autres le retour aux longues journées et l'approche de l'équinoxe du printemps, future étape importante des saisons.
Et donc, comme ces derniers, les villageois s'affolaient avec plénitude et sérénité.
Quelques dissidents non moins festifs s'écartaient de la place centrale du hameau pour aller se fourrer dans les recoins traditionnels où il devenait agréable de se réchauffer.
Parmi ceux là, on croisa un étranger errant dans les ruelle avec une forte aura, transmettant la sensation de venir de bien loin, tout en étant ici parfaitement à sa place. On l'accueillit donc sans sourciller, le tirant, l'amenant, pour faire partager ses chansons avec le reste des joyeux drilles.
Personne ne s'offusqua des papillons vivaces, tangibles, et phosphorescents qui l'entourait et le suivait comme une cohorte loyale. Au contraire; tout ceci s'accordait si bien avec l'ambiance surnaturelle appréciée et déployée à l'occasion des réjouissances.
Solstice Evyld'hen laissa ses animaux s'évader et danser avec les habitants. Il se laissa traîner et emporter. On ria. Il ne pu dire si lui aussi riait. On conversa. Il ne pouvait dire si il parla.
Il se sentait bien. Ici. Heureux. Il chanta mais puisque personne ne l'écoutait, le démon n'eut le temps de ne rien briser ou saccager dans les cœurs ardents, et il s'en lassa.
La nuit commençait à tourner autour de l'aura fabuleuse qui émanait du démon, à l'occasion de sa fête. Chacun se fascinait et était absorbé par lui. Saut-de-lac tournait bientôt dans son sens.
Mais il demeurait encore fixe, comme un point d'attraction. Le centre d'une fête ne bouge pas.
Et ce jusqu'à qu'il pu s'éloigner. Là une main féminine le tira dans les ruelles.
Plus tard on chercha à se saisir de son corps, de le toucher, l'embrasser peut-être. Mais au contact de l'hiver, l'on repart aussitôt. Il ne resta bientôt des flammèches enivrées, que des fuites vers autre part, ressentait bientôt la fin des célébrations, et se sentant séduit par demain; lorsque le jour arrivera. Que le printemps se mettrait en marche. Tandis que Solstice resterait planté ici. Fixe.
Il s’affaissait contre un mur et s'assit. La tête vide. Confus. Il faisait encore nuit.
Mais cela serait bientôt achevé. Pourquoi cela était il désagréable ?
Le démon ne ressentait finalement pas dans ce hameau ce qu'il était venu comprendre.
Au lieu de la sérénité et de l'apprentissage; c'était l'extase puis la déception.
Voilà ce que signifiait vivre. Ou plutôt vivre pour un être tel que lui.
La bise froide la lacéra. Il n'avait jamais froid. Même recouvert de neige, il n'aurait pas froid.
Mais pendant un instant précis, il sentit qu'il eut froid. Juste cette nuit.
Les papillons se turent et s'estompèrent dans le même élan de la bise.
C'est ainsi que quelqu'un vint le trouver.
Son espoir reposait ainsi sur ce raisonnement: pour s'extraire de sa condition, il fallait cette fois tendre de l'ombre à la lumière en allant concrètement de sa maudite et naturelle fixité au courant du fleuve.
Ce n'était pourtant pas un fleuve qu'il avait trouvé comme première étape de son périple.
Peut-être n'était-ce pas de bonne augure. Car il n'y avait rien de plus immobile que les lacs de Nueva.
Comme cela était encore difficile pour le chansonnier amateur de donner un sens à sa route et à ses vagabondages, il avait dû confier au hasard et à l'inspiration première l'orientation de ses pas.
Légèrement équipé de sa cape et de maigres affaires, il s'en était allé au cœur de la nuit, pour que son corps et son essence soit fraîche et lucide. Afin d'aller loin, d'un seul premier trajet.
Il trouva accroché sur un mur public, dans un hameau, quelques annonces, informations, et nouvelles de ci et de ça, à l'attention de passants ou autre. Quelques artistes semblaient aussi profiter de la chose pour s'y exprimer, dans le but d'avoir la chance d'être lu. C'était un désir noble et pour lequel Solstice pouvait encore ressentir une certaine sympathie, même si cela le rendit d'abord confus comme la plupart des similitudes qu'il pouvait trouver entre des existences récentes et éphémères, et lui même. Cela attira donc particulièrement sa curiosité et il y trouva ce qu'il commençait à peine à chercher: de l'inspiration et un sens. Une invitation au voyage.
Saut-de-lac; excellent séjour qui s'éternise un peu.
Maison grise; on retient au vent carpettes et linges étendus. On s'y cache par de là la belle horizon sans craindre, sans espérer non plus.
Tout est juste, ici.
Tout vient de là. Oui tout. Même toi.
Solstice cilla, sans tenir compte des saisons, de l'espace, du temps. Il eu le déclic. Il comprit ce qu'était une certitude artistique. La lueur de vérité dans l'espace sans lumière.
Il tourna ses pas vers une route et demanda son chemin, une fois, deux fois, trois fois.
On s'écarta de lui et il peina à savoir. Mais, car une once d'abnégation le possédait désormais, il parvint, déjà à la moitié de parcours - même si il l'ignorait alors - à trouver la bonne indication. Il cherchait Saut-de-lac, non comme une destination, mais comme une première étape. Il eu la prémonition que ce n'est que de cette façon qu'il comprendrait ce qui signifiait voyager, et qu'ensuite il gagnerait la force et l'habitude du changement; l'essentiel qui mue, l'éther qui pense à son futur.
Il pu atteindre les lacs infinis, splendides et larges; glorieux car ils sont la turquoise patientes du pays, discret comme un souvenir qui ne revient que lorsque le silence règne.
Solstice Evyld'hen était emporté, hanté même, par les mots du panneau. Il rêvait d'une maison grise, d'un linge étendu, et d'une fuite par delà l'horizon. Là alors il trouverait Saut-de-lac.
Malheureusement pour lui; il ne vit pas le voyage passer; il songeait moins au monde qui l'entourait qu'aux mots, à l'art, qu'au chant et qu'à, bien sûr, la poésie. C'était un manque cruel.
C'était le cœur de l'hiver. Sans même s'en rendre compte, on approchait de son solstice.
Quel curieux événement qu'un démon, incarnant les sentiments et le noyaux de la saison la plus sombre et la plus envoûtante, ne sachant plus ce qu'il est, et qu'il arrive bientôt à la place exacte au moment précis de son apothéose. Le moment où tout prend sens. Du moins, pour les autres.
En effet, les circonstances étaient troublantes.
La nuit même du solstice d'hiver, Solstice Evyld'hen atteignait Saut-de-lac, petit hameau doux et humide de pêcheurs, au pied d'une des fameuses étendues placide de Nueva, scintillant presque même lors des nuits sans étoiles. Un havre de silence où le climat acéré de la saison n'était qu'une gêne à peine visible.
Le démon se sentait toutefois différent. Plus calme, moins hésitant. Il pensait nettement plus au monde réel, plus sensible à ce qui l'entourait, et l'esprit quelque peu plus protégé des idées nébuleuses et fantaisistes du lyrisme.
Cette nuit, et cette nuit seulement, son corps rayonnait presque. Le démon cilla, ressentant un souffle le traverser, sa poitrine bondir. Il comprit ce qui clochait: il avait l'air vivant.
Il était à son paroxysme le plus total; ce qui lui arracha presque l'expression de jouissance du visage qu'il contenait dans l'éther excité animant son enveloppe. D'un revers de la main; Solstice désira appeler à lui un de ses familiers papillons, et en évoqua une dizaine à la place; bien vivant, tournoyait gaiement autour de lui comme le festoyant. Le célébrant.
Il écarquilla les yeux. Un frisson le traversait.
-Ô joie, s'exclama t'il avec un soupçon d'étonnement, c'est ma fête.
Et comme il n'était pas convenable pour la nuit la plus longue et la plus froide de se réjouir toute seule, Evyld'hen se trouvait bien sûr à Saut-de-lac, rare endroit à Nueva où l'on trouvait quelques gais lurons pour fêter celle-ci.
*
Le lac n'était pas gelé, mais l'air demeurait si glacial cette nuit que l'idée de se jeter à l'extérieur, loin de l'hospitalité d'un bon feu, aurait parue bien folle.
Pourtant des villageois, ivres mais plus encore passionné dans leur ronde, trouvaient grâce et chaleur dans leurs danses, chants, et amours - il fallait bien le dire.
La nuit la plus longue pouvait en affliger quelques uns, mais elle appelait pour d'autres le retour aux longues journées et l'approche de l'équinoxe du printemps, future étape importante des saisons.
Et donc, comme ces derniers, les villageois s'affolaient avec plénitude et sérénité.
Quelques dissidents non moins festifs s'écartaient de la place centrale du hameau pour aller se fourrer dans les recoins traditionnels où il devenait agréable de se réchauffer.
Parmi ceux là, on croisa un étranger errant dans les ruelle avec une forte aura, transmettant la sensation de venir de bien loin, tout en étant ici parfaitement à sa place. On l'accueillit donc sans sourciller, le tirant, l'amenant, pour faire partager ses chansons avec le reste des joyeux drilles.
Personne ne s'offusqua des papillons vivaces, tangibles, et phosphorescents qui l'entourait et le suivait comme une cohorte loyale. Au contraire; tout ceci s'accordait si bien avec l'ambiance surnaturelle appréciée et déployée à l'occasion des réjouissances.
Solstice Evyld'hen laissa ses animaux s'évader et danser avec les habitants. Il se laissa traîner et emporter. On ria. Il ne pu dire si lui aussi riait. On conversa. Il ne pouvait dire si il parla.
Il se sentait bien. Ici. Heureux. Il chanta mais puisque personne ne l'écoutait, le démon n'eut le temps de ne rien briser ou saccager dans les cœurs ardents, et il s'en lassa.
La nuit commençait à tourner autour de l'aura fabuleuse qui émanait du démon, à l'occasion de sa fête. Chacun se fascinait et était absorbé par lui. Saut-de-lac tournait bientôt dans son sens.
Mais il demeurait encore fixe, comme un point d'attraction. Le centre d'une fête ne bouge pas.
Et ce jusqu'à qu'il pu s'éloigner. Là une main féminine le tira dans les ruelles.
Plus tard on chercha à se saisir de son corps, de le toucher, l'embrasser peut-être. Mais au contact de l'hiver, l'on repart aussitôt. Il ne resta bientôt des flammèches enivrées, que des fuites vers autre part, ressentait bientôt la fin des célébrations, et se sentant séduit par demain; lorsque le jour arrivera. Que le printemps se mettrait en marche. Tandis que Solstice resterait planté ici. Fixe.
Il s’affaissait contre un mur et s'assit. La tête vide. Confus. Il faisait encore nuit.
Mais cela serait bientôt achevé. Pourquoi cela était il désagréable ?
Le démon ne ressentait finalement pas dans ce hameau ce qu'il était venu comprendre.
Au lieu de la sérénité et de l'apprentissage; c'était l'extase puis la déception.
Voilà ce que signifiait vivre. Ou plutôt vivre pour un être tel que lui.
La bise froide la lacéra. Il n'avait jamais froid. Même recouvert de neige, il n'aurait pas froid.
Mais pendant un instant précis, il sentit qu'il eut froid. Juste cette nuit.
Les papillons se turent et s'estompèrent dans le même élan de la bise.
C'est ainsi que quelqu'un vint le trouver.