Omnia
Luci

FOLIA
Elys

La folie est un don de Dieu ~
 


Encore une mission, encore une sale nuit. J’avais commencé à trimer la veille à midi, j’avais presque terminé le lendemain à minuit. Une mission dans ma ville natale, dans ma ville il pleuvait matin, midi et soir, on pouvait distinguer une vingtaine de jours par an où il y avait le soleil, donc autant de dire que je passais la plupart de mon temps à attendre le beau temps. Bref.
Je foutais quoi ici, déjà ? Ah oui une mission. Je devais intégrer un petit groupe de petites frappes et m’occuper de leur cas comme bon me semblait. J’avais choisi la solution de facilité vous n’en doutez pas. J’avais traqué, torturé et abattu chaque membre de cette bande de petit voyou. Je les avais regardé d’un œil dédaigneux, je les avais méprisé du haut de ma grandeur, de mon splendide. J’étais face au dernier de leur petit groupe. Il s’était déjà pissé dessus face au canon braqué sur sa tempe. En cet instant plus rien ne lui appartenait, ni la peur, ni le froid du canon. En cet instant je tenais d’une main mollassonne le fil qui le maintenait en vie. Si frêle. Si faible. A ta santé toi le vampire qui avait vendu tes frères avec cette croyance que je t’aurais épargné. Tu savais pourtant que je reviendrais avec un couteau dans ton faux air d’enculé alors que tu n’es qu’une victime de ce système qu’on appelle la vie.
Boom. La balle vint lui exploser le crâne. Dans la pénombre on ne pouvait ni discerner les bouts de cervelles qui avaient repeint les parois ni même les tâches de sang qui m’avaient éclaboussé sur le visage. Dans la pénombre je me sentais si bien, j’étais dans mon élément. Violent comme un Decepticon, efficace comme un Tsukyomi. Mais alors que je venais de terminer mon boulot et que je nettoyais mon glock lentement une ombre, une forme incertaine passa la porte avant de s’avancer lentement vers moi. Une lumière vint l’éclairer, une lumière verdâtre, quelque chose de puissant, suffisamment puissant pour éclairer. Un petit brun, je lui mettais dix centimètres facilement, j’étais plus large en gabarit que lui aussi. Il avait les cheveux sombres, mon exact opposé finalement, une petite crevette grassouillette, des petites lunettes carrées sur le bout de son nez. Des yeux sombres, et un petit sourire sur le coin de la lèvre. C’était bien le seul point commun entre nous. Je vins le pointer du bout de mon revolver. Ce petit con se mit à éclater de rire. Il n’avait pas peur … Non … C’était autre chose. J’allais pas tarder à comprendre ce qui se passait dans sa tête. Ou dans la mienne finalement. Il interrompit son rire avant de prendre la parole.

« Voilà ce à quoi tu ressembles maintenant. Impressionnant. Le petit garçon est presque devenu grand. Un bon grand kikou. Tu t’entends parler parfois ? Ca s’écrit Luci, mais parfois j’ai l’impression que ça se prononce Sasuke. Pas trop dur d’être toi mon petit ? Tu portes toute la misère du monde sur tes épaules, il faut te voir, il faut te voir et t’entendre des fois sérieusement, il faudrait que tu vois de quoi tu parles, c’est bien trop dur ta petite vie, mais si t’es pas content au lieu de faire la racaille, au lieu de gueuler sale drogué, il serait temps de te mettre une balle dans la tête. Ta sale gueule, tu passes ton temps à parler de flingue, de vie de chien et de pétasses alors que la seule chienne ici c’est toi. Putain. T’es pitoyable, tu me dégoutes, petit vaurien. Pour des petits peignes culs comme toi je n’ai pas de censure, je n’ai pas pitié, et je déteste ton air moqueur. Tu le sais finalement que tu ne vaux rien. »

Il avait frappé là où ça faisait mal … Je baissais ma tête avant de sentir une légère larme coulait sur ma joue … Je ne savais pas quoi répondre. Quoi ? Tu croyais vraiment que j’allais répondre ça ? Putain c’est toi qui m’as concu, tu croyais vraiment que j’allais me laisser enculer ? T ki dans l’E-sport ptdr ? Je me mis à rire d’un rire nerveux, d’un rire jaune, puis d’un rire moqueur.

« Ah c’est terrible. C’est terrible, c’est terrible je te le dis et je conclus en le répétant c’est terrible. T’as quand même une énorme gueule pour un connard qui se planque derrière quelques textes et quelques projets d’étudiants. Pitoyable. Tu pâlis face à la vie parce que tu te perds en écrivant, tu perds le sommeil par peur de pas dormir. Pitoyable. Tu te laisses aller, tu restes mal, connard avec beaucoup de prétention et beaucoup de problèmes. Mais je laisse ça pour le prochain couplet. Parce qu’ouais, je suis peut-être un sasuke, je suis peut-être apathique, mais j’ai juste compris que le monde étant ce qu’il est je préfère ne pas le subir, je préfère ne plus en faire partie, je préfère juste le regarder depuis mon trône. Désolé pour toi, mais t’as créé un roi, tu perds le contrôle de ta création presque comme tu perds le contrôle de ta santé, déchet. J’aimerais te dire que finalement t’arrives plus à rien, mais t’as jamais rien fait, donc bon. »

Il s’avança d’un nouveau pas vers moi. Il n’avait pas perdu une once de son sourire, putain, il me gavait avec sa tête de gentil petit garçon. Une putain de connerie, une chimère, une monstruosité c’est tout ce que je voyais. Quelque chose de faible, un teckel qui aboyait beaucoup, mais qui ne mordait jamais. Je ne savais pas d’où il venait, je ne savais pas d’où je tenais tout ce que je déblatérais, mais quand je le voyais, cet être si haïssable, j’avais la certitude de le connaître … Comme si je discutais avec une partie de moi. C’était malsain, fascinant. Bref tout ce que j’aimais. D’habitude tout du moins, car là j’avais presque du mal à respirer, j’avais l’impression de perdre une emprise sur ma réalité.

« Tu t’uses sous les prétextes, tu t’uses sous tes conneries, tu te caches sous les reproches et les excuses.. C’est facile, t’es comme tous ces lâches qui refoulent leurs sentiments par peur souffrir, tu es accroché à cette vision stupide et idéalisée de ta propre personne. Tu cours, tu cours, tu cours vers l’inatteignable simplement pour avoir une bonne raison d’abandonner. Tu te prends pour un fort, mais t’es juste médiocre, t’es juste un brouillon, un projet. Tu te mens à toi-même, tu te mens tellement et tu mens tellement bien que t’as fini par croire à tes propres conneries à croire que le fait d’être seul est devenu agréable, mais au final on le sait que t’essaye de protéger les gens parce que tu aimes les autres, malgré ce que t’essayes de faire croire. Mais t’es égoïste, regarde, comment tu veux te protéger, tu te sais condamner et tu veux pas t’attacher pour mieux perdre ceux que t’auras aimé, pour te protéger entre apathie et endurance t’as tranché complétement … Comment t’as réagi quand t’as compris que rester avec Exil t’aurais plus brisé, t’aurais rendu plus vulnérable que tu l’es déjà sous ta carapace friable ? »

Mon poing se serra à la manière d’un spasme. Je lui aurais bien collé une balle dans la tête pour le calmer, mais j’avais trop de fierté pour arrêter notre joute verbale comme ça.

« Tu te fous vraiment de ma gueule. Regardez qui parle. T’es bien brave. Ouais je me déteste, mais ça change quoi ? Je déteste le monde dans sa globalité, car quand je le vois je juge ça tout simplement mauvais. Je suis misanthrope, je suis peut-être atteint d’anthropophobie, car je trouve notre pauvre race humaine inutile, je la trouve bien misérable. Sinon avant de parler de mon temps à vivre t’as regardé tes poumons récemment ? Cool, maintenant tu peux fermer ta gueule et retourner tousser et respirer façon R2-D2. Tss. Je déteste l’humanité, mais je suis loin d’être apathique, c’est plus un manque de répartie, c’est pas l’appréhension de la vie qui m’a laissé comme ça, je suis loin d’être un bigorneau dans son coquillage, c’est la pratique de la vie qui m’a laissé en léthargie, c’est juste que j’ai fini par comprendre que le monde étant cette bouillie infâme je préférais clairement ne pas en faire partie. J’ai du mal parce que je suis condamné, je suis entrain de pourrir, je refoule, je refoule encore et tout le temps, mais je suis loin d’être devenu médiocre, je cours pas après l’inatteignable, c’est juste que je créais mon propre stairway to heaven pendant que tu te branles médiocrement. Je ne me plains pas tellement des échecs qui m’accablent, je me mets pas à geindre quand la vie fait sa pute et qu’elle s’acharne parce qu’au final mes galères c’est tout ce que je possède, mes misères, mais je remercie tout ce qui m’a forgé, car j’ai des ambitions et des rêves, putain je compte bien les atteindre. Ma carapace friable ? Ma carapace, mes prothèses, le métal de mon armure rouillée c’est sûrement pas l’idéal, mais ça me protège, peut-être pas de mes propres procès ou bien de l’autoflagellation qui est devenue viscérale, mais au moins de la vie et de ses aberrations.
Mais de toute façon je trouve que t’as un putain de culot de me juger. J’ai choisi la solitude par désir, pas par dépit, tu veux nous partager tes relations sociales ? Tu veux nous parler de comment tu gères ta vie d’adulte ? Adulte, tu me fais rire, t’es qu’un gamin bloqué dans une carapace trop grande pour lui. Fais toi une raison, mon con, t’es juste mignon. Attachant diront certains, t’es trop sensibles, tu vis tout comme une agression. Connard. Il serait temps que tu apprennes à la fermer tu te rendras mystérieux, apprend à plus faire la pleureuse, au fond tu sais que tu rates tout, parce que t’as peur de pouvoir réussir. Tu te coupes des gens que t’aimes, tu fuis les gens qui t’aiment. T’es immature, sache-le, bien sûr la vite est injuste, mais t’es juste un petit batard sache-le. Tu tombes toujours amoureux du même genre de fille, tu sais bien, le genre de fille qui te rend malheureux. Alors oui tu fais le malin à l’écrit, mais devant le miroir y a plus personne, tard le soir on sait tous les deux que tu zones. »

Il ricana un bon coup, en baissant légèrement la tête, une demie seconde il fronça les sourcils. J’avais frappé là où ça faisait mal, assez pour que le faire vaciller. Etrangement une pointe d’amertume vint m’envahir quand je vis son visage souffrant … De l’empathie … Non ce n’était pas ça encore une fois.

« Alala. Une gueule immense. Je vous jure. Tu parles de sujet que tu fuyes par peur. Tu te complais dans la démence et le macabre, par peur de la justice et qu’on te marche dessus à faire le bien, t’as passé toute ta vie à parler de la cité, de la rue, de la cruauté, de la mort, mais tu n’es personne, un bout de papier, un chiffon, tu es présent, mais t’es qu’un triste connard, t’as cru qu’on était qui pour croire à tes conneries, on sait que chaque jour tu penses à crever, la mort te hante c’est pour ça que tu peux pas t’empêcher de le répandre autour de toi. Tu nous dis que le chaos est ton âme sœur, c’est juste une amante, une petite lolita de Nabokov que t’as recueillie pour excuser ta lubie malsaine. Tu critiques l’humanité ? Classe ça mon petit, tu nous fais une Diam’s quand tu te voiles la face, t’es qu’un petit Haineux, avant d’écrire des textes retourne sur le 15-18 pour pleurer. Tu nous hais, nous autres humains ? Mais ça te bute d’en faire partie, petite victime, reprends toi vite, avant de te moquer devant ta porte passe le balais. Tu n’es pas un gangster, rien qu’une petite racaille, t’aimerais être un dieu, mais t’es qu’un random de la plèbe, un minirandom, qui ne révolutionnera ni l’avenir ni le contexte. Tu fais honte à ma plume, t’es plus faux qu’un palimpseste. Un petit minable. T’inquiètes pas à une place au chaud en enfer, tu seras bien entouré. Tu as choisi le mal, non par passion, mais par facilité. T’es méchant de sous marque, t’as besoin que ta conscience te parle pour pouvoir te voir dans un miroir. Depuis le début t’insultes que ta propre personne mon petit Luci. Après tout, moi. C’est toi. »
Je clignai des yeux. Le petit brun pris l’apparence d’une demoiselle, une belle blonde, son visage était légèrement brûlé. La charmante demoiselle vint pointer sur ma tempe un desert eagle tandis que mon propre revolver vint se poser sur son nez. D’une même voix on prononça une dernière tirade.

« Bienvenue dans ma réalité. On est ni un gentlemen au grand cœur, ni un héros. Je combats pas le pouvoir, ni la pauvreté, je suis là pour toucher le soleil de mes ailes de cires. Je veux pas qu’on m’offre une médaille, limite devenir dresseur, ou devenir Seigneur Sith. J’en ai rien à foutre d’être un symbole, je veux que ma mort foute le feu aux poudres, que le monde s’embrase quand je trépasserais, je veux tout, tout, tout de suite, je veux regarder dieu et à sa gueule cracher. Voilà ce que je veux. Qu’il me reste, une semaine, six mois, un an, j’en ai rien à foutre. J’ai pas besoin de superpouvoirs, ni d’une superpuissance derrière moi. Je veux vivre. Vivre. Encore. A jamais. J’ai peur de claquer. Je suis condamné, mais putain je veux rester. Au moins dans une mémoire. Dans un cœur. M’oubliez pas. »

A ces mots les deux armes vinrent tirer une balle. Explosant nos crânes mutuellement. Après cet instant je me rappelle plus de rien … Ou presque. Je me rappelle de mon corps sur le sol mouillé, le sol froid. J’ai tellement froid, mon corps convulse, j’ai une crise bordel. Je vais mourir. Je vais mourir ici sans personne pour me pleurer, sans personne pour m’aimer. Je ne manquerais donc à personne. C’est la dernière qui me traversa l’esprit.

La dernière avant de me réveiller, presque nu, dans un hôpital qui puait la mort et Mr Propre.