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Lost Kingdom  :: Ellgard :: Les Confins du Nord

[Terminé] Premières embûches / Pv Aerith Faalenas

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Perchée sur le toit de l’auberge, une chope de bière à la main, Lya regardait le soleil descendre doucement vers l’horizon. Il faisait froid, une fine couche de givre recouvrait les épines des arbres. La jeune fille, habituée aux températures plutôt mauvaises, était néanmoins emmitouflée dans son manteau, sa capuche rabattue sur son crâne. Elle aurait pu s’attabler à l’intérieur pour consommer sa boisson, mais elle préférait se mettre en hauteur, pour avoir une vision d’ensemble. Dans les bâtiments, tout lui paraissait étroit, caché. Elle but une nouvelle lampée, trouvant le liquide presque fade à côté des alcools très forts et âcre que l’on préparait dans son village. Elle écarta la vague de nostalgie qui l’étreignait doucement, et reporta son attention sur le lointain. La capitale n’était pas la porte à côté, elle avait encore de nombreux jours de marche devant elle pour l’atteindre. Elle n’était partie de chez elle que peu de temps auparavant et n’avait pas vraiment d’objectif précis en tête pour l’heure. Tout un champ des possibles s’offraient à elle, et s’en était quelque peu vertigineux. L’idée de rejoindre l’armée impériale l’avait bien entendu effleuré, elle l’envisageait même plutôt, mais elle était quelque peu réticente à obéir à des humains. Trouverait-elle d’autres lycan là bas ? Elle avait beau ne pas être une sentimentale, elle était plus à l’aise avec les membres de sa race. Elle avala une gorgée de bière, posa sa chope à côté d’elle et posa sa tête sur son poing, pensive.

Mettre ses talents au service d’une institution plus grande, d’une vraie cause, et plus passer sa vie à chasser et à garder un village sans envergure, n’était-ce pas ce qu’elle désirait ? Lya souhaitait que l’on reconnaisse sa force, sa valeur et ses prouesses au combat, elle avait de l’ambition. Elle ignorait simplement encore à qui elle aurait plus d’intérêt à prêter allégeance. Elle avait entendu parler de la Résistance également, et ne savait pas encore que penser de ces gens. Elle restait attentive à toutes ces options, aucune porte n’était fermée pour l’heure. Cependant, si elle décidait d’emprunter un chemin, elle pourrait difficile revenir en arrière. Elle devait donc être sûre de sa décision lorsque le moment serait venue. S’engager auprès de l’armée impériale si celle-ci se faisait écraser par la Résistance peu de temps après n’était, par exemple, pas une très bonne idée. Elle devait enquêter pour avoir toutes les cartes en main au moment de faire son choix. C’était sans doute une manière opportuniste de voir les choses, mais Lya n’avait pas spécialement de désir de soutenir un camp plus qu’un autre, après tout.

La lycan croisa les jambes, lâcha un petit soupir, constatant que le crépuscule était bien avancé. Il n’allait pas tarder à faire nuit à présent, la température ne cessait de baisser, devenant presque difficilement supportable, même pour elle. Mais alors qu’elle s’apprêtait à descendre de son perchoir pour se glisser par la fenêtre de sa chambre, Lya fut alertée par du raffut, venant du centre du village. Elle se redressa, plissa les yeux et fit appel à tous ses sens. Rapidement, elle comprit que quelque chose n’allait pas. Les villageois courraient tous s’enfermer dans leur maison, de la lumière brillait ici et là, comme si des individus brandissaient des lanternes - ce qui était encore assez inutile, la lumière du jour était toujours forte. Elle les vit finalement, cinq ou six gaillards, armés de bête gourdins. L’un tenait néanmoins un pistolet, dont le canon assez grossier semblait indiquer qu’il était de piètre qualité. Celui qui le tenait semblait être le chef de ce groupe de brigands, visiblement déterminé à détrousser les pauvres habitants de ce village.

Lya porta sa main dans son dos, pour constater qu’elle avait laissé son arc dans sa chambre. Elle jura. Elle n’avait pas vraiment le temps d’y faire un tour, elle devait agir sans tarder. Ce n’était pas vraiment son genre de jouer les justicières, mais si elle laissait ces idiots prendre d’assaut l’auberge, elle risquait de perdre ses maigres biens, dont son précieux Psypher. Il valait donc mieux leur faire leur fête avant. Elle bondit donc du toit, et une fois à terre, elle se transforma, laissant sa forme de puma prendre le dessus. En s’approcha à pas de velours des bandits et sans attendre, elle planta ses crocs dans le mollet du premier venu, qui poussa un hurlement. De ce qu’elle entendait non loin d’elle, Lya n’était pas la seule à avoir décidé de prendre part à ce combat. Elle resta accrochée à sa proie, mais tenta de voir sur qui elle pouvait compter.


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Premières embûches

Cowards die many times before their actual deaths.

La nuit tombait.
La créature avait été envoyée en dehors de Keivere afin d’effectuer une tâche quelque peu ordurière ; s’occuper d’une vermine un peu trop présomptueuse et inconsciente qui tâchait l’Empire de par leur simple existence. Le plus agaçant était que ces malfrats étaient aussi discrets que des souris et pourtant tout aussi embêtant qu’elles - et c’était une préoccupation à éliminer dans les règles de l’art, bien que la tâche soit sommaire et moins importante que le reste. Elle n’avait qu’une simple nuit pour que ces individus ne soient plus qu’une vaste blague et que leur existence un vestige poussiéreux du passé.

La silhouette à peine humaine survolait ainsi les terres d’Ellgard grâce à ses puissantes ailes, observant le paysage qui défilait sous ses yeux. Le soleil lentement regagnait son refuge alors que bientôt, un autre astre allait prendre le relais pour seulement quelques heures. Elle n’avait pas de temps à perdre. Elle connaissait la localisation approximative des malfrats ainsi que leurs visages, ainsi, seule sa bonne observation et sa perspicacité allaient être évaluées ce soir. Cela ne serait évidemment pas compliqué, et si jamais elle pouvait gagner quelques bénéfices non négligeables en remplissant son travail en un temps record afin de prouver sa bonne volonté, elle n’en serait pas insatisfaite.

Bientôt le paysage enneigé commençait à se dessiner sous ses yeux et la température, surtout à une altitude comme la sienne commençait à devenir plutôt froide, si bien qu’elle eu plus de mal à battre des ailes - heureusement, la résistance de ces dernières la protégeait de la paralysie ou tout simplement du gel, et par conséquent d’une chute peu appréciable. Malgré un mois qui était supposé s’avérer l’arrivée d’une saison plus chaude, la météo de cette région semblait surnaturelle. Elle semblait comme figée dans le temps. Doucement mais sûrement, le corps s’était mis à redescendre légèrement afin de pouvoir observer avec une clarté un peu plus prononcée les habitations qui se trouvaient sous elle. Elle s’approchait du lieu en question, et doucement sa figure perdait en altitude afin de se préparer à apercevoir les hommes si jamais ils avaient l’audace de se trouver en dehors d’une auberge. Etaient-ils seulement là ? Aerith comptait observer les alentours jusqu’à ce que la bande se pointe, elle n’était absolument pas pressée. Afin de ne pas attirer l’attention sur elle, elle s’était cependant perchée sur un des arbres du village, là où personne ne pouvait la remarquer à moins de lever un peu trop haut le regard. Son regard incisait les lieux avec une grande méticulosité, alors que lentement une de ses mains venait ronger la matière de l’une de ses cornes. Le froid ne gênait pas la bête qui avait été habituée à bien plus froid à l’époque où la technologie n’était pas. Ellgard fut toujours un continent inhabituellement gelé, en comparaison à Akantha qui était son opposé polaire.
Cependant, elle devait bouger régulièrement afin que ses membres ne se fassent pas piéger par le froid qui restait tout de même objectivement glaçant.

Après de longues, très longues minutes passées dans le silence le plus habituel pour une bourgade comme celle-ci, une certaine agitation se fit ressentir. Des voix grasses et rauques qui hurlaient et riaient ; d’après son ouïe ils ne semblaient pas plus de huit, peut-être quatre ou cinq, si ils parlaient tous. Pour en avoir le coeur net, Aerith doucement se releva de la branche sur laquelle elle reposait afin de jeter un coup d’oeil depuis les airs à l’objet de son intérêt. Il ne lui fallut pas plus de temps pour que l’image des hommes concordent avec celle qu’elle avait sous les yeux, et l’esquisse d’un sourire fendit latéralement ses lèvres. Ils allaient mourir en moins de temps qu’il n’en faille. Seulement, quelque chose ; quelqu’un venait lui mettre des bâtons dans les roues. On lui avait littéralement volé la place. Une bête s’était déjà ruée sur le groupe d’hommes, elle n’avait hélas pas aperçu clairement ce qu’elle pouvait véritablement être ; animal très protecteur ou alors tout simplement un habitant lycan un peu téméraire. Dans tous les cas, on n’allait pas lui ôter sa mission. Elle ramènerait les têtes de ces hommes à son commanditaire.

Violemment, son corps avait rejoint le sol à proximité du groupe qui allait s’acharner sur la bête, assénant un brutal coup à celui qui s’était écarté d’eux pour viser le félin. Son poing avait cogné contre sa face si fort que celle-ci ne semblait pouvoir tenir le choc, se fracturant aux endroits de l’impact en un craquement sinistre. Il finit par la suite par s’écrouler au sol, tandis qu’Aerith avait déjà de nouveau disparue. Elle s’était approchée par la suite des quatre autres malfrats qui tentaient du mieux possible de dégager les crocs du puma des chairs de leurs alliés en lui assénant des coups de gourdins - ce qui ne semblait pas plus que ça atteindre la bête qui semblait être munie d’une résistance bien plus prononcée qu’une simple créature quadrupède. Deux d’entre eux avaient été surpris par l’intervention du satan, leurs faces partagées entre frayeur et détermination. Peut-être aussi un peu d’inconscience. Ils avaient foncé sans vraiment se poser davantage de question sur la figure démoniaque qui semblait tout sauf accueillante, et qui n’allait évidemment par leur faire de cadeau. Elle encaissa le premier coup dans l’abdomen, la contraction de ce dernier et la faiblesse des coups ne l’atteignant par particulièrement, esquivant le second qui avait été porté dans un angle différent - attrapant ainsi le bras du premier homme entre ses griffes ; il ne lui fallut qu’une contraction de son poing pour que son bras ne se brise entre ce dernier, lui faisant lâcher son arme de pacotille, qu’Aerith attrapa avec suffisamment de réflexe au vol. Grâce à lui, elle asséna un coup au second en plein visage, brisant le gourdin en deux et transformant le visage du pauvre damné en une peinture abstraite dont la toile était le visage et la peinture son sang. Il s’écroula pitoyablement au sol, en même temps que son autre camarade qui n’avait qu’un membre réduit en miette. Elle ne s’était pas spécialement occupé du puma, se contentant de fouiller les poches des trois malfrats qu’elle venait d’exploser, dans le plus grand des calmes. Elle y trouva de nombreuses pièces et quelques cristaux de taille ridicule. Rien de vraiment utile, alors.

Elle était tout bonnement déçue. On l’avait envoyée à des centaines de kilomètres de Keivere juste pour s’occuper de pauvres hommes ? Pathétique. Elle grogna dans sa barbe. Et qu’est-ce que ce sale matou faisait là aussi ? L’esprit justicier de certains les tueraient. En attendant, après avoir jeté un coup d’oeil, l’homme qu’il tenait entre ses crocs ne semblait plus réceptif à rien et l’autre était recouvert de griffures et de traces de crocs. Le calme de nouveau reignait sur le village, les villageois ne sortaient pas cependant, se contentant d’observer à travers leurs fenêtres. Aerith ainsi posa son regard sur la bête, juste à côté d’elle, la transperçant. Elle n’avait pas peur, peu importe ce qu’elle était. Sa queue épaisse fouettait le sol. Tout en continuant sa fouille, elle s’adressa au félin, partant du principe où il était une créature intelligente et dotée de conscience. Tout sauf un simple animal, en somme.

« C’est bien courageux de se jeter seul sur un groupe de six hommes, peu importe ce que tu es. Surtout en ne priorisant pas le seul qui possède une véritable arme. La combativité animale et primitive n’est pas un synonyme de jugeote, lâcha la bête de manière assez méprisante. »

Elle était peut-être un peu agacée par la faiblesse du combat et l’intervention du lycan, il fallait avouer. Cela se ressentait amèrement, comme un poison craché.

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Lya serra les crocs, sentant le goût du sang se répandre dans sa gueule. Elle tira d’un coup sec, arrachant un morceau de chair et de peau au bandit, qui s’écroula au sol en gémissant. Il tenta de la frapper avec sa masse, mais le puma était bien plus agile, et l’évita sans difficulté. Elle se retrouva cependant face à un autre brigand, qui brandissant son gourdin dans sa direction. Elle lui sauta à la gorge sans hésiter, plantant ses canines dans son épaule, lui griffant les flans frénétiquement. Une fois encore le sang gicla et son adversaire se retrouva au sol, se débattant furieusement pour se débarrasser du félin qui l’assaillait. La lycan raffermit sa prise, provoquant une nouvelle effusion, faisant perdre connaissance à l’homme. Elle le libéra ensuite, alors qu’il était inerte, et se retourna face à celui qu’elle avait seulement entamé. Les autres malfrats étaient aux prises avec une autre créature, qui attira bien vite l’attention de Lya. La chose avait une allure humaine - un corps, deux bras, deux jambes, un visage, de longs cheveux - mais également une queue qui rappelait celles des dragons, des ailes du même acabit, des cornes, des mains griffues, et d’étranges tatouages sur la poitrine et le bras. Un démon ? La demoiselle n’en avait jamais vu de ses yeux, mais si c’était le cas, elle allait devoir la garder à l’oeil.

La créature monstrueuse, peu importe ce qu’elle était, semblait néanmoins dans son camp, et affrontait les brigands avec une efficacité redoutable. Lya tâcha donc de lui accorder sa confiance, le temps du combat, et se jeta sur l’homme au mollet blessé, qui s’était relevé, clopinant, et semblait surtout chercher à s’enfuir. La lycan aurait sans doute pu le laisser filer, mais quelque chose lui soufflait qu’il valait mieux l’immobiliser avant qu’il n’ait eu le temps de se vider de son sang. Elle lui sauta donc dans le dos, et le frappa dans la nuque avec force, lui faisant s’écrouler. Elle le relâcha, et reporta son attention acérée sur l’inconnue à l’étrange apparence. Plutôt terrifiante en vérité, mais Lya n’était pas du genre à trembler. Les deux se faisaient désormais face, une tension palpable entre elles. La lycan avait tous ses sens en alerte, son instinct lui soufflait d’être sur ses gardes. Elle ignorait tout de cette mystérieuse créature, et même si elle l’avait aidé à battre les brigands, c’était peut-être tout simplement pour se repaître de leur chair. N’était-ce pas ce que faisait les démons ?

Pourtant, l’humaine-dragon se contenta de fouiller les voleurs, récupérant un peu de monnaie sur eux, sans s’attaquer aux cadavres. Lya resta à quelques pas de distance avec l’étrangère, la dévisageant avec méfiance. Elle n’avait pas encore reprit sa forme humaine, craignant de devoir poursuivre le combat. Ses griffes étaient toujours sortis, recouvertes de sang - tout comme son pelage et ses crocs - et sa queue fouettait l’air avec impatience. Finalement, la créature prit la parole, s’adressant visiblement à elle.

- C’est bien courageux de se jeter seul sur un groupe de six hommes, peu importe ce que tu es. Surtout en ne priorisant pas le seul qui possède une véritable arme. La combativité animale et primitive n’est pas un synonyme de jugeote.

La lycan retroussa les babines. Son âme de puma lui hurlait de se jeter sur cette inconnue et de la réduire en charpie, mais son côté humain avait le dessus. Elle s’ébroua donc, fut parcouru d’un frisson désagréable, et rétracta son pouvoir, retrouvant son apparence bipède. Si elle aimait la sensation de grisement que lui parcourait sa transformation en félin, redevenir un humain était généralement peu agréable. Elle avait l’impression de retenir sa vraie force, son pouvoir naturel et profond, au détriment d’une enveloppe charnelle assez simplette. Elle l’avait certes entraînés au fil des ans, et avait développé une certaine musculature, mais c’était assez maigre en comparaison à sa force de puma. Elle se redressa donc sur ses pieds, essaya le sang qui coulait le long de sa bouche du revers de sa main, et planta son regard dans celui de la créature. A présent qu’elle avait endormie la bête, elle pouvait réfléchir plus posément. Qu’avait-elle donc sous les yeux ? L’hypothèse du démon était toujours pertinente. Ou peut-être une hybride, mi humain mi dragon. Cela existait-il seulement ? En tous cas, son ton méprisant n’avait pas vraiment plu à la lycan, même si celle-ci devait reconnaître qu’elle s’était bien débrouillée.

- Qu’est-ce que t’es toi au juste ? Une monstruosité de la ville ? Tu as l’air bien concerné par les affaires de simples villageois, en tous cas.

Un ton brusque, une voix sèche, Lya ne savait décidément pas se faire des amis. L’autre n’avait pas fait preuve d’une grande sympathie à son égard non plus, ceci dit. Elle n’allait pas lui faire des courbettes. Jetant un regard de dégoût aux brigands à ses pieds, la jeune fille haussa les épaules. Elle attrapa par le col celui qui était en mauvais état, toujours dans les pommes, et le souleva légèrement en levant la tête vers l’étrangère.

- On en fait quoi ? Tu veux les garder en souvenir ?

Ils étaient encore vivants, ils pouvaient à présent les achever ou bien les épargner. Pour sa part, la lycan ne voyait pas vraiment d’inconvénient à se débarrasser d’eux de façon définitive. Ce n’était que des humains après tout.


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Premières embûches

Cowards die many times before their actual deaths.

Ses mots, même s’ils n’avaient été l’objet d’une réponse immédiate avait bien suscité une réaction de l’animal - cela prouvait donc qu’il avait au moins percuté qu’elle s’adressait à elle, et donc Aerith concluait qu’elle n’était pas une créature débile. Tant mieux, cela aurait été gênant, et cela ne lui aurait surtout pas donné le moindre scrupule pour la dévorer; A présent, en terme d’éthique, cela était plutôt délicat.
Comme si elle se souciait de l’éthique.

Cependant, suite à ses mots, elle avait l’impression d’être bien trop sèche. Elle ne devait pas oublier qu’au sein d’Ellgard, elle ne pouvait se permettre d’être aussi sauvage et peu professionnelle - malgré son statut, elle portait sur ses épaules la réputation de son maître qui ne serait évidemment pas satisfait s’il apprenait à quel point sa chose était dissidente. Elle allait devoir réparer son erreur, en se montrant la moins agressive possible. En admettant qu’elle puisse entretenir une conversation digne de ce nom avec la bête, disons… Un soupir s’extirpa de ses lèvres. Ils semblaient tous vivants, sauf un, celui qui avait le visage totalement fracturé et déconstruit. Il était mort depuis quelques temps, il avait sans doute agonisé quelques minutes avant de rendre son dernier souffle. Accroupie, Aerith s’était emparée du menton de l’homme pour observer son travail et surtout voir s’il était toujours connaissable vu l’état de son visage - heureusement, même avec le plus minutieux des travails il y avait des choses indélébiles sur le visage d’un homme, comme sa laideur par exemple. Le dragon se redressa, glissant les pièces dans la petite sacoche qui se trouvait accrochée au peu d’armure qu’elle possédait, quand sa peau n’était pas totalement dévoilée même en ce grand froid.

Ses yeux s’étaient posé sur le félin quand il prit une forme plus humaine - il était donc bien humain. Un lycan, sans aucun hésitation. Une race bien peu noble mais animée d’une soif de combat sans nul comparaison. Cela expliquait sans doute sa réaction inexplicable, à moins qu’elle ait quelque chose à protéger ici. Ou peut-être était-ce son village, qui le savait véritablement. Elle l’interrogea sur sa personne d’un ton qui était bien loin d’être chaleureux et le répondant que la jeune femme faisait preuve amusa la bête qui ne put que sourire - un sourire à la fois véritable et terriblement jaune, qui trahissait une envie latente de faire disparaître à tout jamais cette sotte. Quand elle s’empara d’un des corps agonisants pour lui demander ce qu’elles allaient en faire, Aerith eu un léger temps de réaction. Ses yeux s’étaient glissés sur la silhouette de la jeune femme - c’était donc une musculature aussi frêle qui se cachait derrière des traits aussi bestiaux. Une jeune fille aux traits presque innocents et juvéniles, comme on en voyait peu dans la contrée.

Aerith se redressa totalement et s’approcha à une distance respectable de la femme, la surplombant de sa taille. Elle s’inclina très légèrement, en un sourire.

« Pardonne mon agressivité, j’étais assez surprise de la faiblesse de ces hommes. Je m’appelle Aerith, je suis au service de son excellence l’Inquisiteur Guerre. Il semblait que ces pauvres hommes mettaient à leur manière des bâtons dans les roues à sa Majesté Impériale. On m’a fait traverser tout le pays pour un combat aussi pitoyable, souffla-t-elle de dépit. »

Plutôt fière de son rattrapage en beauté. Elle lissa les écailles sur ses bras, jetant un coup d’oeil aux hommes au sol. Ils étaient sans doute dans la frontière entre la conscience et l’inconscience, c’était inutile de leur parler. Elle s’adressa ainsi de nouveau au lycan, l’observant dans les yeux. Ses bras s’étaient croisés sous la cuirasse qui s’arrêtait en haut de son abdomen et dévoilait les courbes de ce dernier.

« Je vais ramener leurs têtes à Keivere, même si je pense qu’elles seront données en pâture aux chiens. Quant à leurs corps, nous les apporteront plus loin afin de ne pas encombrer le village avec des cadavres aussi laids. On m’a autorisé à les dévorer, alors peut-être que je me remplirai le ventre, tiens. »

Derniers mots expirés alors qu’elle en salivait d’avance. Il n’y avait pas de mauvaise nourriture, surtout pas quand elle était humaine. Mais là n’était pas le débat, elle décroisa les bras en s’acroupissant auprès du second corps qui se trouvait à côté de la femme. Elle effectua une première incision sur le cou d’un des hommes grâce à ses griffes afin d’analyser la résistance de ses chairs. Ils étaient d’une banalité écrasante, ce n’était pas étonnant que leur condition physique suivait le tout. Regard vrillant sur la femme, à nouveau. Sa voix était empreinte d’une amabilité bien trop forcée, dont elle était cependant satisfaite.

« Et toi, qui es-tu ? Tu habites ici, ou tu es une simple itinérante ? A moins qu’on t’ai envoyée ici, toi aussi. Tu n’as pas l’air de venir de la région cependant, les lycans ne sont pas monnaie courante ici. »

Il valait mieux pour elle qu’elle soit de l’Empire ou une simple villageoise cependant. Elle aurait voulu qu’elle lui confie son appartenance à la résistance afin de l’éviscérer sur place - elle avait beaucoup trop faim et quatre corps ne seraient pas suffisants. Contractant et décontractant ses griffes, elle leva les yeux aux alentours - à travers les lumières les habitants toujours les regardaient d’une manière tout aussi craintive que les malfrats. Vu l’oeil duquel le lycan était regardé, elle n’était vraisemblablement pas du coin non plus. En un haussement d’épaule, elle plongea les griffes de sa main dans le cou du premier homme, creusant sa chair et ses os à l’aide des couteaux acérés qui surmontaient ses doigts. Le bruit de la chair et des os était lugubre, et le sang se répandait sur le sol empli de verglas à une vitesse troublante. L’odeur du fer bientôt envahit ses narines, la secouant d’un frisson de satisfaction. La première tête fut arrachée, coupée de façon plutôt grossière mais suffisamment bien pour que la coupe soit assez droite. Ses vertèbres verticales ressortaient de l’autre partie du cadavre qui avait blanchi de par la température. Elle déposa la première tête de côté, verticalement au sol. La langue serpentine du dragon s’était glissée sur des doigts et logée entre ses griffes où se trouvait quelques restes de chair et de graisse. Elle sourit, dévoilant ceci après coup.

« Navrée de t’offrir un spectacle aussi dégoûtant. Je ne te demanderai pas de m’aider, bien évidemment. Cependant, j’ai connu quelques lycans qui se nourrissaient de chair humaine - si tel est ton cas nous pourrons partager les corps. Dans le cas contraire, tu pourras récupérer leur argent pour te payer un repas à l’auberge la plus proche. »

Au nom de l'Empereur, hein ?
Il était évident que sa gentillesse n’était que stratégique - elle n’avait pas le droit de donner une mauvaise image à Holker et surtout à Ellgard. Ce serait un affront, pas vrai ?

Haha. Un affront.

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La lycan sentait le regard de la créature glisser sur elle, l’étudiant avec soin. Elle pouvait difficilement lui reprocher son attention, elle la dévisageait elle-même avec une certaine insistance depuis plusieurs minutes, une méfiance évidente dans le regard. Lya ne se sentait pas à l’aise en présence de ce monstre humanoïde aux ailes de dragon, tous ses sens lui soufflaient de faire preuve de prudence. Cette chose se nourrissait sans doute de chair humaine, et si les lycans étaient souvent épargnés de l’appétit vorace de ces démons, la jeune femme ne se sentait tout de même pas en sécurité. Le monstre avait peut-être des goûts exotiques, après tout. Dans certaines contrés, le puma était un met de choix, et elle avait entendu dire que les vampires appréciaient le sang des prédateurs. Cette information devait-elle être prise en compte dans cette situation ? Elle ne pouvait encore le déterminer. L’étrange créature répondit alors, prenant un ton moins amer que précédemment, au grand étonnement de Lya, qui ne détendit pas ses muscles pour autant. Le sourire de son interlocutrice ne lui plaisait guère.

- Pardonne mon agressivité, j’étais assez surprise de la faiblesse de ces hommes. Je m’appelle Aerith, je suis au service de son excellence l’Inquisiteur Guerre. Il semblait que ces pauvres hommes mettaient à leur manière des bâtons dans les roues à sa Majesté Impériale. On m’a fait traverser tout le pays pour un combat aussi pitoyable. Je vais ramener leurs têtes à Keivere, même si je pense qu’elles seront données en pâture aux chiens. Quant à leurs corps, nous les apporteront plus loin afin de ne pas encombrer le village avec des cadavres aussi laids. On m’a autorisé à les dévorer, alors peut-être que je me remplirai le ventre, tiens.

Le monstre avait donc un nom. Voilà qui était de plus en plus curieux. Lya l’écouta cependant avec attention, enregistrant les informations importantes. Aerith - si telle était son identité - était donc au service de l’Empire, et plus précisément de l’Inquisiteur Guerre. La lycan avait passé sa vie dans un village habité uniquement par les représentants de sa race, et s’était toujours tenu à l’écart des petits problèmes des humains et de leur société. Elle n’avait donc aucune idée de qui était cet homme, mais elle pouvait aisément deviner que son rôle était important dans la hiérarchie. Cela avait, selon ce qu’elle savait, un lien avec la religion. Ainsi donc, l’Empire engageait des créatures aussi terrifiantes pour accomplir des petites missions de la sorte ? Capturer des brigands ne semblait pas être une activité digne d’elle, d’après ce que Lya voyait dans son expression et dans son ton. Et en effet, sa force lui aurait sans doute permis d’affronter des ennemis bien plus dangereux. Pourquoi ne pas l’envoyer sur le champ de bataille, tout simplement ? Enfin, la lycan n’était pas à la tête de l’Empire, elle pouvait difficilement deviner ce qui se tramait dans leur cerveau. Son intérêt était cependant piqué, elle avait haussé un sourcil et écoutait attentivement les paroles de son interlocutrice à l’apparence démoniaque. Après tout, elle était partie de son village pour se trouver un destin glorieux. Était-ce le premier pas vers son nouvel avenir ?

- Et toi, qui es-tu ? Tu habites ici, ou tu es une simple itinérante ? A moins qu’on t’ai envoyée ici, toi aussi. Tu n’as pas l’air de venir de la région cependant, les lycans ne sont pas monnaie courante ici.

Bavarde, pour une créature des enfers. Lya garda ses commentaires pour elle, s’étonnant de la question. Elle hésita sur la marche à suivre, sentant toujours son sixième sens lui hurlait de garder ses distances avec ce monstre. Cependant, faire un brin de causette ne pouvait pas lui faire de mal, Aerith ne semblait pas vouloir s’en prendre à elle. Si elle était bel et bien au service de l’Inquisiteur, elle n’avait pas intérêt à faire du mal à une civile sans défense. Converser avec elle pouvait permettre à la lycan d’en apprendre plus sur le fonctionnement martial de l’Empire, et ainsi voir s’il était intéressant de se mettre à son service. La demoiselle laissa donc tomber au sol le type qu’elle avait attrapé par le col, laissant à son interlocutrice le bon plaisir d’en faire ce qu’elle voulait. Ils étaient à moitié mort de toutes façon, l’un avait un bras en miette, un autre une épaule ensanglanté et encore un, un mollet déchiré. Ses blessures, si elles n’étaient pas traités magiquement dans les plus brefs délais, les handicaperaient à vie. Et avec leurs allures de malfrats de bas étages, Lya les imaginait mal avoir recours à la technologie pour se réparer.

La femme dragon commença donc à découper les têtes des brigands, d’une façon bien peu esthétique il fallait le reconnaître. A l’aide de ses griffes, elle découpait chair et os insensiblement, semblant même s’y procurer un certain plaisir. La lycan ne détourna pas le regard mais esquissa une petite moue. Elle aimait se battre, c’était un fait, mais mutiler des cadavres ne faisait pas parti de ses passes-temps. Elle avait apprit à dépecer toutes sortes d’animaux, elle ne trouvait donc pas cela immonde ou dégoûtant, mais il s’agissait là d’être doté de conscience - à défaut d’intelligence. Elle finit cependant par hausser les épaules. Après tout, ce n’était pas ses affaires mais celle de l’Empire.

- Navrée de t’offrir un spectacle aussi dégoûtant. Je ne te demanderai pas de m’aider, bien évidemment. Cependant, j’ai connu quelques lycans qui se nourrissaient de chair humaine - si tel est ton cas nous pourrons partager les corps. Dans le cas contraire, tu pourras récupérer leur argent pour te payer un repas à l’auberge la plus proche.

Elle secoua la tête avec une légère grimace. Manger des humains ? Ils devaient avoir un goût écoeurant, avec leur alimentation déséquilibré. Elle préférait encore manger leur plat ridicule à base de légumes. Dans son village, les lycans se nourrissaient du fruit de la chasse, parfois sous leur forme animale, sous laquelle ils digéraient plus facilement la viande crue, ou sous leur forme humaine, en la faisant cuire. Mais de la chair humaine, cela elle n’en avait jamais mangé, et n’avait pas très envie de tenter l’expérience. Elle se pencha pour ouvrir les poches des truands et récupéra quelques pièces, qui pourrait en effet lui servir. Elle avait déjà paué sa chambre pour la nuit, mais elle n’était pas encore arrivée à la capitale, il y aurait donc d’autres auberges à payer. Lya se rendit alors compte qu’elle n’avait toujours pas répondu, laissant un long silence planer entre chaque intervention de la créature ailée. La politesse ne faisait pas partie de ses priorités, mais puisqu’elle avait son intérêt à trouver dans cette conversation, elle allait faire un petit effort. D’une voix un peu moins revêche, mais toujours un peu bougon, elle répondit :

- Je m’appelle Lya. Je suis de passage ici, je me dirige vers la capitale. Je vivais dans un village avec les miens, un peu plus au Sud d’ici, mais j’en ai eu assez de cette vie ennuyeuse. J’ignore encore où mes pas vont me mener. Je mettrai peut-être un jour mon arc au service de l’Empire, qui sait ?

Arc qui se trouvait toujours dans sa chambre à l’auberge, par ailleurs. Elle se garda bien de préciser qu’il s’agissait d’un psypher, elle ne connaissait pas encore toutes les intentions de son interlocutrice après tout. Pas question de risquer de perdre son bien le plus précieux. Tout en laissant Aerith poursuivre sa besogne, elle s’appuya contre le mur d’une maison, bras croisé devant la poitrine, son regard acéré rivé sur la femme dragon. Lya ne maîtrisait pas très bien les arcanes de l’art de la conversation, c’était loin d’être sa spécialité, mais si elle voulait en apprendre plus, elle allait devoir faire un petit effort. Tâchant de ne pas avoir l’air trop sauvage - ce qui était peine perdue avec son allure - elle ajouta :

- Parle moi de ton maître. Qu’est-ce qu’il fait dans l’Empire ? Keivere est-elle une ville agréable ? Simple curiosité de ma part. Tu comprendras sans doute que je veux avoir toutes les cartes en main avant de me jeter dans la gueule du loup.

Quelque chose lui soufflait qu’elle ne deviendrait probablement pas grande amie avec la créature qui lui faisait face, mais elle avait l’impression qu’elle savait certaines choses. Si elle était au service de quelqu’un d’important, ce qu’elle avait à dire pouvait être intéressant.


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Premières embûches

Cowards die many times before their actual deaths.

Elle avait finalement et sans grand mal réussi à délier les têtes de leurs corps, empilant ces derniers en deux tas distincts. Têtes contre le sol, elle glissait sa langue sur ses griffes - récoltant répétitivement l’hémoglobine qui avait déjà menacé la teinte de son derme. Observant la jeune femme fouiller les poches des cadavres, elle observa un moment autour d’elle avec une grande attention pour s’assurer qu’il n’y ai pas d’ennemis cachés ou qui se seraient enfui avant leur attaque - même si elle l’aurait sans aucun doute remarquer. Le dévoilement de l’identité du lycan attira de nouveau l’attention d’Aerith qui la dévisagea de nouveau, le visage orné d’un masque impassible et indifférent à ses mots. Quelle pauvre sotte. L’ennui de sa vie la conduirait donc à aller suivre la formation intensive de l’Empire ? Elle n’en sortirait assurément pas vivante. Les lycans ne vivaient pas longtemps et celle-ci ne devait être bien vieille vu la vision si idiote qu’elle a du monde et surtout de la nation - enfin, elle n’allait évidemment pas juger ou freiner les motivations de cette enfant, tant mieux pour l’Empire s’il pouvait grossir ses rangs. Enfin, posséder une chair à canon supplémentaire afin de mener à bien leur tâche.

« Je me dirige aussi vers la capitale, déclara-t-elle simplement. Ce n’était pas une invitation, simplement une remarque. Peut-être lui offrirait-elle le privilège de l’amener là-bas, encore faut-il qu’elle aie suffisamment confiance en elle. Autant dire que ce n’est assurément pas le cas. »

Quand elle la questionna sur son maître et le climat de l’Empire, elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire. Elle aurait voulu dire qu’il n’était qu’un pauvre piaf trop haineux pour vivre sereinement en ce monde et qu’il était aussi stupide que la race qu’il incarnait, mais elle se fit violence pour intérioriser ses pulsions. Il fallait dire qu’Holker était vraiment bête, heureusement qu’elle avait réussi à le tolérer - l’apprécier pour ne pas avoir cette permanente envie de l’éviscérer comme les autres de son espèce. Dans un premier temps, elle délia le fil qui reliait la bourse pleine de pièces qu’elle venait de ramasser à sa cuirasse et la balança de manière désinvolte à Lya. Elle n’en avait pas besoin, après tout.

Enfin, comment allait-elle procéder ? Vu ses interrogations, la femme semblait étrangère à l’Empire. Elle l’avait elle-même dit. Le Sud était un monde tout autre - tout comme le Nord, d’ailleurs. Elle serait sans doute récompensée si elle ramenait une nouvelle potentielle recrue avec elle, pas vrai ? Une légère confrontation avec son encéphale causa un long moment de silence dans le froid de la nuit qui venait de tomber. Finalement, Aerith soupira ; elle n’avait pas le choix.

« Je ne te parlerai évidemment pas de lui. Je n’ai aucune raison de le faire, puisque je ne te connais pas et que tu n’as dans tous les cas rien à savoir de lui. La seule chose que je peux te dire est qu’il s’occupe principalement des conflits avec Mearian et commande toute entreprise menée contre ce pays corrompu par les dieux. Ainsi j’espère que tu n’es pas croyante, parce que tu risques d’y perdre la tête. Dans le cas contraire, tu te sentiras sans doute bien à Keivere. C’est une ville plutôt active, agréable je l’ignore mais c’est la mine de la technologie et du savoir. Tu ne manqueras assurément de rien, là-bas. »

Aerith poussa finalement un profond soupir après avoir craché tant de jolies choses sur ce pays qu’elle méprise, observant les astres se dessiner sur le plafond obsidien. Les arcanes rougeâtre sur son épiderme se mirent alors à devenir visible dans le noir. Elle semblait, en l’espace d’un instant, frissonner ; sans doute la staticité de son corps. Elle ne voulait pas traîner ici, il faisait incroyablement froid et elle commençait à le ressentir peu à peu.

« Comme j’ai dit, je me dirige également vers Keivere. Je ne passerai pas la nuit ici, je compte y retourner maintenant, du moins après m’être rempli l’estomac. Tu veux que je t’y amène ? Nous y serons dans deux, ou trois heures. Les vents contraires sont traîtres, en plus d’être glaciaux. Je pense que c’est cependant préférable que de passer des jours en calèche - le temps, c’est de l’argent. Je ne pars pas de suite, donc réfléchis-y. »

Aerith agrippa les corps des hommes et déposa ceux-ci de manière plus ou moins égale sur chacune de ses épaules, sa force lui permettant de facilement transporter une charge aussi lourde que celle-ci. D’une de ses mains qui ne servait pas à redresser les cadavres tombants sur ses épaules, elle attrapa les têtes par les cheveux. Faisant quelques pas, elle finit par se retourner lentement en direction de la jeune femme.

« Dans tous les cas, nous effrayons les gens. Il vaut mieux sortir du village, nous serons également plus tranquilles. Je serais plus tranquille. »

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Le jeu de regard des deux jeunes femmes - dont l’une était quand même un peu plus monstrueuse que l’autre - n’aurait pas échappé à un observateur attentif. Elles étaient toutes les deux méfiantes et éprouvaient visiblement peu de sympathie l’une envers l’autre. Cependant, et sans doute pour des raisons très différentes, elles acceptaient de se parler, de se jauger mutuellement, toutes les deux sur le qui vive. Lya n’attendait en effet qu’un seul faux pas de la part de la dragonne pour l’attaquer,  prête à reprendre sa forme de puma à chaque instant. Et elle devinait que malgré ses allures nonchalantes, son interlocutrice n’avait pas baissé sa garde. Ils vivaient dans un monde dangereux, et chacune dans leur vie avaient appris à se méfier des apparences.

- Je me dirige aussi vers la capitale. Lança-t-elle finalement.

C’était plutôt prévisible, si Aerith était bel et bien au service de l’Inquisiteur, alors il y avait de forte chance pour que sa prochaine destination soit Keivere. Elle ignorait cependant la raison de cette réponse. Était-ce une proposition de voyager ensemble ? Lya n’était pas du genre à avoir des compagnons de route, et il y avait fort à parier que la dragonne choisisse la voix aérienne pour retourner à la capitale. Il était tout simplement hors de question pour la lycan de l’accompagner de cette façon, ou d’une autre. Elle rejoindre la ville par ses propres moyens, comme elle l’avait toujours fait. Elle ne faisait absolument pas confiance à son interlocutrice, toujours pas persuadée qu’elle lui disait la vérité. Il s’agissait peut-être simplement d’un démon assoiffé de sang qui s’était attaquée à ces brigands par gourmandise, et qui n’attendait que la nuit tombée pour s’en prendre au village. Si tel était le cas, Lya ferait mieux de mettre les voiles rapidement. Elle avait beau être courageuse et savoir se battre, face à ce monstre elle n’était pas sûre de faire le poids. Et ce n’était pas les habitants de ce trou perdu qui allait pouvoir l’aider. Pour l’heure, la lycan n’avait aucune preuve qu’Aerith lui disait bien la vérité sur son statut, et elle comptait bien en apprendre plus avant de le déterminer.

Elle vit le sourire de la femme dragon lorsqu’elle la questionna sur son Maître et cela l’interpella. Était-ce un signe qu’elle mentait ? Ou simplement qu’elle ne souhaitait pas tout révéler de la vérité ? La jeune fille plissa les yeux, toujours attentive. Chaque battement de coeur la poussait à rester sur ses gardes, son sixième sens toujours en alerte. Si Aerith tentait de lui jouer un sale tour, elle pourrait le déceler avant qu’il ne soit trop tard. Mais si elle lui racontait des histoires, elle n’avait pas grand moyen de connaître la vérité. Plusieurs secondes passèrent dans le silence, si bien que la lycan finit par se demander si elle obtiendrait une quelconque information. Après un étrange soupir, la dragonne finit par lui lancer une petite besace qui semblait bien rempli, et lâcha :

- Je ne te parlerai évidemment pas de lui. Je n’ai aucune raison de le faire, puisque je ne te connais pas et que tu n’as dans tous les cas rien à savoir de lui. La seule chose que je peux te dire est qu’il s’occupe principalement des conflits avec Mearian et commande toute entreprise menée contre ce pays corrompu par les dieux. Ainsi j’espère que tu n’es pas croyante, parce que tu risques d’y perdre la tête. Dans le cas contraire, tu te sentiras sans doute bien à Keivere. C’est une ville plutôt active, agréable je l’ignore mais c’est la mine de la technologie et du savoir. Tu ne manqueras assurément de rien, là-bas.

Lya grimaça face à la réponse de son interlocutrice. Elle ne lui révélait aucune information sur l’Inquisiteur, ce qui était assez décevant mais attendu. Elle n’allait pas lui dévoiler des données sans doute confidentielles comme ça, sans aucune raison. Cela valait la peine d’essayer cependant. La jeune femme avait été quelque peu étonnée de la remarque d’Aerith à propos de la religion. Elle n’était elle-même pas très portée sur les croyances, y voyant plus une distraction pour ceux n’ayant rien de mieux à faire. Elle connaissait les anciens dieux, et savait que beaucoup vouaient désormais un culte aux Séraph. Elle accordait bien peu d’importance à tout cela. Du moment qu’elle avait à manger dans son assiette le soir, le reste ne valait guère que l’on s’y attarde. Peut-être allait-elle devoir revoir son discours, lorsqu’elle serait à Keivere ? Elle écarta ces considérations de son esprit, reportant son attention sur sa conversation avec la dragonne. Celle-ci s’était redressée, ayant terminé sa basse besogne, et regardait désormais le ciel, qui s’était grandement obscurci durant les dernières minutes. La nuit était désormais tombée.

- Comme j’ai dit, je me dirige également vers Keivere. Je ne passerai pas la nuit ici, je compte y retourner maintenant, du moins après m’être rempli l’estomac. Tu veux que je t’y amène ? Nous y serons dans deux, ou trois heures. Les vents contraires sont traîtres, en plus d’être glaciaux. Je pense que c’est cependant préférable que de passer des jours en calèche - le temps, c’est de l’argent. Je ne pars pas de suite, donc réfléchis-y.  Dans tous les cas, nous effrayons les gens. Il vaut mieux sortir du village, nous serons également plus tranquilles. Je serais plus tranquille.

Elle venait de disposer les cadavres sur ses épaules, et tenait les têtes par les cheveux dans son autre main. La lycan imaginait très bien ce qu’elle comptait faire des corps, la dragonne n’avait pas besoin de lui faire un dessin. Elle regarda elle-même autour d’elle, constatant qu’aucun villageois n’était sortis de sa maison pour les remercier de s’être débarrassé des brigands. Ils étaient tous enfermés chez eux, et certains regardaient par leur fenêtre avec terreur, épiant les deux créatures. Lya poussa un soupir. La créature monstrueuse avait malheureusement raison, elle ne pouvait pas passer la nuit ici. Elle risquait de se faire chasser de l’auberge ou tuer pendant son sommeil par un fou furieux. Ils n’avaient visiblement aucune gratitude envers celles qui les avaient sauvés. Elle haussa donc les épaules, et regarda Aerith.

- Je vais lever le camp aussi. Je ne pense pas que je serai longtemps la bienvenue ici de toute façon.

Elle s’élança d’une foulée légère et agile, passa à côté de la femme dragon, et regagna son auberge en quelques enjambées. Elle escalada la façade et entra dans sa chambre par la fenêtre qu’elle avait laissé ouverte, assez peu désireuse de saluer le propriétaire de la taverne. Elle attrapa son sac, plaça son arc sur son dos, vérifia qu’elle n’avait rien oublié, et poussa un soupir. Elle avait espéré passer une nuit tranquille et reprendre sa route le lendemain, mais au vu des récents événements elle allait devoir camper. Elle avait le nécessaire sur elle, et dormir à même le sol ne la dérangeait pas, mais elle serait moins en forme pour marcher lorsque le jour se lèverait. Une fois de plus elle haussa les épaules, acceptant son sort, et quitta la pièce de  la même façon qu’elle y était entrée. Une fois à l’air libre, elle bondit au sol, usant de son habileté naturel. Elle retrouva la dragonne à la sortie du village, celle-ci toujours encombré de ses cadavres. En passant à sa hauteur, Lya grimaça.

- Prenons notre repas ensemble. Nos chemins se sépareront ensuite. Je ne tiens pas à voyager dans les airs, je préfère marcher.

La lycan n’avait pas l’intention de goûter la chair de ces malfrats, elle avait ce qu’il lui fallait dans ses bagages. Elle avait eu le temps de chasser, bien plus tôt dans la journée, et avait attrapé un lapin qu’elle avait méticuleusement dépecé, et enveloppé dans de la peau, pour le manger plus tard. Elle l’avait déjà entamé plus tôt, et avait gardé de beaux morceaux pour plus tard. Le plus tard était donc venu. Ce n’était pas par sympathie qu’elle proposait de rester un peu en la compagnie d’Aerith, mais bien pour tenter de glaner d’autres informations. Une fois éloigné du village, s’enfonçant dans l’obscurité, Lya posa son sac à côté d’une souche, sur laquelle elle s’assit. Elle n’avait pas vraiment besoin de lumière, ses yeux voyaient assez bien dans le noir, mais il faisait assez froid, même pour elle. Elle entreprit donc d’allumer un feu. Tout en faisant, elle lança :

- La vie avec ton maître te plait ? Qu’est-ce que tu fais pour lui au juste, à part égorger des brigands de bas étages ?

Si s’engager auprès de l’Empire lui amenait ce genre de mission, elle ne s’en plaindrait pas, mais cela deviendrait vite lassant, cela ne faisait aucun doute. Elle espérait en effet un peu mieux pour son avenir.


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Premières embûches

Cowards die many times before their actual deaths.

Elle se mit alors à marcher suite à la réponse de la femme, ses pieds s’enfonçant dans la terre boueuse et verglacée du village, en direction de la sortie de ce dernier. Elle ne s’arrêta pas quand elle la vit s’éclipser rapidement, suivant simplement sa silhouette féline du regard - qu’elle fasse ce qu’elle veut. Aerith était affamée et n’allait certainement pas l’attendre, elle ne lui vouait aucun intérêt de toute façon. Simple occasion qu’elle s’était décidé de saisir, mais elle ne courrerait assurément pas après. Une fois arrivée aux portes de la bourgade, elle entendait la femme derrière elle ; regard par-dessus l’épaule, elle l’écoutait sans la quitter du regard. Elle avait décliné. Tant pis. Aerith haussa les épaules sans s’arrêter, faisant remuer les cadavres.

« Peu importe. »

Qu’elle marche.
Elle allait manger et repartir. Peut-être serait-elle déjà en route si elle n’avait pas rencontré la fille, d’ailleurs. Leurs pas les menaient ainsi vers un coin reculé, plongé dans l’obscurité dans laquelle Aerith se repérait sans grand mal mais sans non plus voir distinctement ce qui se trouvait devant et sous elle. Sa marche était un peu plus prudente, surtout avec les corps pesant sur ses épaules. Finalement, elles s’étaient arrêtés et la femme avait déposé les cadavres et têtes au sol, s’asseyant à même ce dernier pour commencer à déshabiller le premier corps sans attendre. Elle glissa ses yeux sur le félin qui faisait un feu ; elle semblait avoir l’habitude de faire ça. C’était dingue à quel point il existait de créatures si primitives encore aujourd’hui - cela lui faisait un peu chaud au coeur, elle qui a vu la technologie se répandre si rapidement dans le monde bien que certaines nations restaient confortées dans leurs traditions ce qui pouvait être compréhensible, en soit. Sans plus attendre, Aerith se saisit du premier corps décapité et ouvrit grand la gueule - dévoilant une dentition acérée et puissante, qui était taillée pour être carnivore. Elle morda sans plus attendre dans le flan de l’un des hommes, tirant sec sur la chair qui se délia sous sa mâchoire. Le sang coulait à flot sur ses cuisses et déjà se répandait sur le sol, sans que cela ne la dérange plus que ça. Elle goba sa première bouchée en mâchant à peine, se mettant ainsi à ronger le cadavre à une vitesse hallucinante malgré la petitesse de sa bouche dans cette forme. Les os craquaient sous la pression de sa mâchoire - elle ne laissait absolument rien. Il ne lui fallut que quelques minutes pour avaler le premier corps - elle était si concentrée dans sa besogne qu’elle n’avait prêté attention aux questions du lycan. Essuyant sa bouche elle finit par observer les yeux lupins de son interlocutrice.

« Elle est agréable », se contenta-t-elle simplement de déclarer avant de s’emparer du second corps pour de nouveau le priver de sa peau et sa chair ; avalant en un bruit répugnant de succion le sang qui se mêlait à la matière.
L’hémoglobine dégoulinait le long de la pureté de son derme, le tâchant et le marquant. Elle ne ressemblait qu’à une bête affamée ; un monstre terrifiant qui pouvait se nourrir de n’importe quoi pour assouvir son appétence immonde. S’arrêtant un instant, elle soupira.

« Je suis son esclave. Je fais tout ce qu’il veut que je fasse. »

Elle n’était pas éhontée par sa condition, malgré la bassesse de cette dernière. Elle était au courant être en bas de l’échelle sociale, mais ceci n’était que trop abstrait pour elle. Elle était persuadée qu’on la craignait davantage que certains haut dignitaires de Nueva ou de Mearian. Le plus important n’était pas la place qu’elle occupait mais ce qu’elle faisait. Il ne lui fallut qu’une ou deux minutes afin de dévorer le second corps et une poignée d’autres pour le troisième. Son ventre ne semblait gonfler - on se demandait même comment il pouvait ne pas se remplir ou exploser avec tout ce qu’elle avalait. C’était comme si les cadavres allaient se perdre dans les méandres d’un infini ténébreux duquel on ne sort pas. Bouche de nouveau capable d’articuler quelque chose, elle sourit.

« Il semblerait que je sois sa chose. »

Mots qu’elle avait prononcé sans l’once d’hésitation, mais surtout gonflés d’honnêteté et de véracité, si bien qu’elle s’était elle-même surprise. Un formatage efficace. Méticuleuse et lente programmation qui portait à la même vitesse ses fruits, sans doute parce qu’elle n’était pas non plus contre cela.
Les yeux d’Aerith s’étaient posés sur l’arc de la femme. Elle ne l’avait pas, tout à l’heure. Cela aurait été plus efficace de tuer les brigands comme ça plutôt que de sauter sur eux sans réfléchir, pensa-t-elle. Elle s’était remise à manger, avant de s’interrompre à nouveau.

« Dans tous les cas, cela m’étonne que tu sois aussi peu méfiante malgré les airs que tu te donnes, avait-elle fini par souffler. Aussi peu précautionneuse. »

Elle arracha un nouveau morceau de chair et l’avala. Un regard, un sourire. Si cela ne tenait qu’à elle, elle l’aurait déjà dévorée, mais malheureusement son statut ne lui permettait pas de faire une telle chose. Malgré le fait qu’elles soient dans un endroit totalement isolé… Un regard en direction des arbres ; trop d’oiseaux - Holker était partout. Le dragon finit par hausser les épaules, se montrant un peu moins hostile.

« En attendant, fais attention aux résistants. Ce sont des individus écervelés et endoctrinés, en plus d’être confortés dans une image ridicule de la société. En finissant résistante, tu mourras bien vite. »

Elle avait bien constaté la neutralité du lycan. Elle ne répétait simplement ce que les impériaux avaient l’habitude de dire.

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Il ne fallu pas longtemps à la jeune femme pour parvenir à rassembler quelques brindilles - de quoi faire un petit foyer - et se munir de deux pierres aux bords tranchants. Elle les frictionna avec ardeur, faisant rapidement naître une étincelle, qui se propagea sur les brindilles. Un petit feu se forma rapidement, brûlant avec douceur. Son éclat rassura Lya, qui esquissa un petit sourire, le premier depuis sa rencontre avec Aerith. Il disparu aussi vite qu’il était apparu, remplacé par la moue sévère et concentrée qui l’habitait toujours. Elle sortit les morceaux de lapin de son sac, les planta dans une autre brindille et les approcha du feu pour les faire cuir. Un ragoût aurait sans doute été plus agréable, mais la lycan n’était pas bonne cuisinière. Elle se contenterait donc de morceau de viande trop cuit. Du côté de la femme dragon, les choses semblaient moins compliquées. Tout son intérêt semblait aspiré par le cadavre qu’elle avait commencé à dévorer - non sans d’innombrable bruit assez répugnant. Lya haussa les épaules. Elle n’était pas plus gracieuse quand elle s’attaquait à une proie sous sa forme de puma. Ce n’était pas elle qui allait se plaindre du manque de grâce de son interlocutrice.

Elle reporta donc son attention sur sa propre pitance, attendant la réponse à la question qu’elle avait posé précédemment. Elle retira ses morceaux de viandes du feu et mordit dedans avec appétit. Malgré les bruits quelque peu lugubre à son côté, elle n’avait pas perdu sa faim. Elle devait reconnaître qu’elle n’était pas totalement à l’aise avec l’idée que la dragonne mange des humains, mais elle ne pouvait pas y faire grand chose. Lya savait que le monde était vaste, et que de nombreuses races très différentes se côtoyaient. Elle n’était pas obligée de les apprécier, mais elle ne pouvait pas nier leur existence. Elle se doutait qu’en quittant son village, elle allait être amené à rencontrer des êtres qui la révulsaient. Son regard se posa de nouveau sur Aerith. Cette chose… Elle était dangereuse, la lycan n’avait aucun doute là dessus. Et elle se nourrissait de chair humaine, ce qui en faisait une possible prédatrice dont il fallait se méfier. Lorsqu’elle eu terminé son premier cadavre, elle attrapa le second puis sembla se rappeler que Lya lui avait posé une question.

- Elle est agréable. Lâcha-t-elle simplement.

Si en effet son simple plaisir était de dévorer des corps humain encore chaud, elle devait en effet trouver tout agréable. Elle se garda bien de faire des commentaires, surtout en voyant la mine ensanglantée de son interlocutrice. Elle semblait encore plus monstrueuse en plein repas, l’oeil brillant et le sang coulant le long de sa gorge. Lya détourna le regard, le corps tendu. Elle semblait peut-être détendue, mais tout son être était prêt à se métamorphoser en cas de danger. La façon dont le monstre la regardait ne lui plaisait guère, elle avait la sinistre impression d’être un des plats du menu. Et il était hors de question qu’elle finisse entre les crocs de la dragonne. Elle avait bien l’intention d’atteindre la capitale en un seul morceau. Aerith poussa un nouveau soupir, ce qui semblait être une habitude chez elle, et ajouta :

- Je suis son esclave. Je fais tout ce qu’il veut que je fasse. Il semblerait que je sois sa chose.

La lycan haussa un cil. Une esclave ? Voilà qui était surprenant. Comment une créature aussi puissante était-elle devenue esclave ? Était-elle une sorte de démon liait à son Maître, forcée de lui obéir malgré sa force ? De nombreuses questions naissaient dans l’esprit de la jeune femme, mais elle garda le silence. Ce n’était pas sur la femme dragon qu’elle voulait avoir des informations, mais sur l’Empire. Elle garda les lèvres serrées, yeux plissés, en pleine réflexion. Les créatures monstrueuses étaient-elles réduites à l’état d’esclave à la capitale ? Cette idée la rassurait, et l’inquiétait en même temps. Serait-elle considérée comme une créature monstrueuse ? Cette perspective n’était pas pour lui plaire, mais elle doutait de se retrouver dans cette situation.

- Dans tous les cas, cela m’étonne que tu sois aussi peu méfiante malgré les airs que tu te donnes. Aussi peu précautionneuse.

Lya haussa un sourcil. Comment pouvait-elle estimer qu’elle n’était pas méfiante ? La femme dragon ne pouvait s’en douter, mais tous les nerfs de la lycan étaient tendus. Elle pouvait se transformer à n’importe quel instant pour se défendre si la situation le demandait. L’attitude hautaine d’Aerith ne lui plaisait pas énormément, elle se pensait visiblement supérieur à elle, alors qu’elle n’était qu’une esclave. Lya ignorait ce que cela impliquait profondément, mais elle pouvait aisément imaginer que cela comportait quelques inconvénients. Elle n’était ainsi pas libre de ses mouvements, et ne pouvait sans doute pas faire exactement ce qu’elle voulait. Quelles étaient ses ordres exactement ? La lycan aurait bien aimé le savoir. Elle médita cependant ses paroles. Étaient-ils une menace voilée ? La jeune femme restait sur ses gardes, ses yeux ne lâcheraient plus la femme dragon.

- En attendant, fais attention aux résistants. Ce sont des individus écervelés et endoctrinés, en plus d’être confortés dans une image ridicule de la société. En finissant résistante, tu mourras bien vite.

Il n’était pas étonnant qu’Aerith la mette en garde contre la Résistance. Elle faisait partie de la hiérarchie de l’Empire après tout, elle devait représenter sa faction. Lya était cependant curieuse. En tant qu’esclave, quel était le véritable avis de la femme dragon au sujet de ses maîtres ? Les appréciait-elle réellement ou les haïssait-elle ? Si elle était retenue prisonnière contre son gré, elle devait sans doute les détestait. Cependant, elle n’avait exprimait aucune colère en se définissant elle-même comme une esclave, elle semblait accepté ce fait avec beaucoup de résilience. La lycan ne savait pas vraiment comment se situer par rapport à ça. Devait-elle prendre la créature en pitié ou se méfier ? La seconde option lui paraissait toujours la plus pertinente.

- Les résistants disent la même chose des gens de l’Empire j’imagine. Peu importe le camp, si on est sur le champ de bataille on ne survie pas bien longtemps j’ai l’impression.

Elle haussa les épaules. Pour l’heure, elle n’avait pas encore choisit la faction qu’elle rejoindrait. Si les armées impériales lui paraissaient intéressantes, la Résistance avait quelque chose d’attrayant aussi. Elle se garda d’en faire la remarque, comprenant bien que la position d’Aerith l’obligeait à prendre la défense aveugle de l’Empire, sans vraiment se poser de question. Voilà une chose qui allait l’ennuyer, lorsqu’elle aurait choisit son camp elle devrait prendre position pour lui, peu importe la situation. Elle aurait l’impression de perdre son libre arbitre en faisant cela, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Repensant à ses premières interrogations, elle demanda, avec une curiosité sincère.

- Comment tu t’es retrouvée à être esclave ? Avec tes pouvoirs, tu pourrais facilement te débarrasser de quiconque tenterait de t’entraver, non ?

Cela n’avait pour une fois rien à voir avec sa petite enquête personnelle, elle était simplement curieuse de savoir ce que l’Empire avait bien pu faire pour mater une telle créature. Finalement, en un sens, cela rejoignait son intérêt.


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Premières embûches

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Aerith haussa les épaules suite à sa réponse, finissant sa bouche.

« Comment peux-tu le savoir ? Toi qui semble te battre avec un arc, as-tu seulement connu le champs de bataille ? Tuer ou se faire tuer, c’est la loi du plus fort. Rongeant l’os de la jambe de sa quatrième victime, elle finit par le croquer. « Exactement comme dans la nature. »

Un arc était bien rudimentaire, comme instrument. Si elle n’avait jamais quitté le continent, jamais elle n’aurait pu poser les pieds sur un champs de bataille - là où l’on fait usage de snipers et d’armes bien plus efficaces que cela. Peut-être était-elle douée avec les armes à feu, elle l’ignorait. Tout ce qu’elle voyait, c’était qu’elle avait devant elle un pauvre lycan avec un arc et de la viande. Jugement peut-être assez sommaire et rapide mais pour Aerith, la première impression importait énormément. C’était la raison pour laquelle elle appréciait autant son maître, après tout. Et actuellement, elle savait qu’elle n’apprécierait pas cette femme, sans raison particulière - elle semblait ressentir un mépris qui bouillait en elle, douce prémice d’un brasier qui ne devait s’allumer de suite. L’os bien vit disparu dans sa gorge, en même temps qu’une partie de l’homme - celui-ci était bien plus amer. Elle s’empressa de le gober, exprimant un sourire étrange d’une satisfaction éphémère. Elle sentait, en l’espace d’un instant sa faim s’atténuer et cette sensation calmait la bête, qui semblait de meilleure humeur. Elle s’empara du dernier corps, caressant l’épiderme mis à nu de son dernier met de la semaine sans aucun doute, ses griffes lacérant la chair avec une délicatesse presque sexuelle. Sa langue vint chasser le sang sur ses lippes. Elle l’observa dans les yeux, suite à son interrogation. Une question bien personnelle qui ne la gênait pas véritablement - si cela pouvait lui faire plaisir. Les orbes du dragon s’étaient désormais apposées sur le feu. Elle se sentait évidemment flattée que le lycan considère qu’elle soit puissante. Bien sûr, elle le savait, mais cela était toujours agréable à entendre. Elle aimait qu’on gonfle son ego déjà énorme.

Relâchant un instant le corps de l’esclave, elle releva ses deux poignets. Ils étaient entravés, tout comme son cou par des anneaux plutôt inhabituels ; des anneaux opalins brillant de mille feux, très imposant et pourtant qui semblaient moins oppressants que des chaînes classiques. Aerith baissa une main, et se saisit de l’anneau de l’un de ses poignets, toujours accroché à ce dernier. Elle commença à exercer une pression suffisamment importante pour que ses phalanges blanchissent ; pas un seul instant l’anneau n’avait cillé. Un sourire acerbe naquit sur les lippes du mythologique.

« Des entraves magiques, incassables, et affaiblissantes. Merveille Akanthienne, il paraît. »

Mais elle ne semblait pas affectée par ça. Elle attaqua de façon toute aussi affamée le dernier corps, ravie par son met ; se dépêchant cependant un peu. Elle n’avait pas vraiment le droit de prendre son temps, et c’était déjà trop. Combien de temps avait passé, déjà ? Enfin.

« L’ennui, poursuit-elle. L’ennui m’a fait faire des choses assez surprenantes que beaucoup ne comprennent pas. Je me suis laissée attraper vendre par Akantha, voilà tout. J’aurais pu décapiter mon maître à plusieurs reprises, je pense. Et je suis sûre que je peux, encore maintenant profiter des moments où il est le plus vulnérable pour le tuer. Mais à quoi bon ? Cette situation me sort de mon ennui. »

De cet ennui mortel. Seules les créatures ayant vécu aussi longtemps qu’elle pouvait la comprendre, à moins qu’elles aient un objectif précis en tête. Mais Aerith toujours fut un électron libre victime du mauvais sort, malédiction ancienne s’étant impreignée dans son sang, gravée dans sa chair. Même si elle ne semblait vouloir le mal, c’était naturellement qu’elle avait une tendance à la destruction. Et elle n’allait pas contre sa nature. Peut-être cela l’arrangeait-elle.

En tout cas, il semblait aussi que l’ennui ait sorti Lya de sa torpeur.

« Et toi, alors ? Pourquoi ne pas tout simplement être restée dans ton village ? La mort vaut-elle mieux que l’ennui, qui t’a lui-même poussé à l’action ? Les désirs d’aventure peuvent être destructeurs, tu sais. Surtout dans une période aussi tendue de l’histoire : l’Empire et la Résistance, et les conflits avec Mearian qui s’intensifient… Ou que tu ailles, tu seras confrontée à une altérité qui te veut du mal. »

Paroles bien sages, mais qui ne stopperaient évidemment pas l’ardeur d’une jeunesse en quête de renouveau. Elle le savait. Aerith termina finalement le dernier cadavre, sa langue venant chercher le sang et les viscères qui s’étaient répandues sur elle. Elle devra se laver rapidement avant de se présenter à Holker, quelle apparence répugnante. Tout en se relevant lentement, sa colonne vertébrale craquant de façon sinistre, elle surplomba le félin de toute sa hauteur. Un regard noir, alors qu’elle dégoulinait encore de sang.

« N’as-tu pas peur de mourir, et que personne ne se souvienne de ton existence ? Que ta bravoure ne sera honorée jamais ? Que ton nom sera oublié ? Bafoué ? N’as-tu pas peur de n’être qu’un vestige du passé ? » Sa voix était devenue plus insistante.

C’était ce à quoi elle devait s’attendre, si elle voulait prendre parti dans les conflits mondiaux des autres. S’était-elle posé toutes ces questions ? Y avait-elle vraiment réfléchi ? Si elle hésite, la réponse sera claire.


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Devant la réponse de Lya, le monstre releva la tête de son dîner, et la regarda en haussant un sourcil. La lycan se demanda si elle avait commis une erreur en la contredisant au sujet de l’Empire. Elle n’avait pas sentit un engagement fou dans ses paroles, mais peut-être sa loyauté était-elle plus importante que ce qu’elle avait imaginé. Il était difficile de deviner son propre opinion, elle semblait s’échiner à le dissimuler derrière une expression nonchalante et ennuyée. Elle devait bien avoir un avis sur la question cependant, au-delà de son statut d’esclave. Elle n’avait sans doute pas le droit d’être en opposition avec son Maître, mais ce dernier n’était pas dans les parages, elle pouvait donc dire ce qu’elle voulait, théoriquement.

- Comment peux-tu le savoir ? Toi qui semble te battre avec un arc, as-tu seulement connu le champs de bataille ? Tuer ou se faire tuer, c’est la loi du plus fort. Exactement comme dans la nature.

N’était-ce pas ce qu’elle disait ? L’Empire ou la Résistance, cela importait guère au final. Il fallait choisir le camp qui gagnerait à l’issu. Aerith semblait donc penser que c’était celui de son Maître qui aurait l’avantage. Lya choisit de ne pas relever la provocation, malgré le léger retroussement de babine qu’elle n’avait pas pu contrôler. Ses instincts purement animal prenaient parfois le dessus, mais par chance, elle ne se métamorphosa pas sous l’agacement. Elle ne s’était certes jamais rendu sur un champ de bataille immense où des armées de plusieurs milliers de personnes s’affrontaient, mais il arrivait souvent que les Clans de lycan se disputent un bout de territoire, et les confrontations étaient inévitables, malgré leur obéissance commune à la famille Daniels. Le village de Lya s’était souvent battu avec un clan voisin, de lycan canin, dont l’attitude rebelle ne leur plaisait guère. Elle savait manier les armes, même si elle préférait combattre sous sa forme de puma, dans laquelle elle était plus à l’aise. Quant à la loi du plus fort, elle estimait la connaître mieux que ces citadins de Keivere. Elle s’abstint cependant d’en faire la remarque, songeant que ce n’était pas le moment d’engager un combat avec la dragonne.

Celle-ci poursuivait de toute manière son repas, sans vraiment faire trop attention à la lycan. Cette dernière termina sa viande rapidement, et songea qu’elle allait devoir chasser activement le lendemain, afin de se faire quelques réserves pour la suite du voyage. Elle pouvait toujours s’arrêter dans des villages, mais sa récente expérience l’avait quelque peu refroidi. Les humains semblaient assez mal réagir à la présence de créatures magiques. Elle espérait qu’à la capitale, personne ne lui poserait problème. Elle éviterait de toute manière de se transformer, à son grand désespoir. La femme dragon sembla alors se souvenir de la question de la jeune fille, et se redressa un peu pour lui montrer ses poignées. Lya plissa les yeux, et remarqua les anneaux qui les emprisonnaient. Ils semblaient presque immatériel, ce qui l’amena aussitôt à se méfier. Aerith en attrapa un et appuya dessus avec une force évidente, sans pour autant que l’objet ne se brise ou ne semble même s’abîmer.

- Des entraves magiques, incassables, et affaiblissantes. Merveille Akanthienne, il paraît. L’ennui. L’ennui m’a fait faire des choses assez surprenantes que beaucoup ne comprennent pas. Je me suis laissée attraper vendre par Akantha, voilà tout. J’aurais pu décapiter mon maître à plusieurs reprises, je pense. Et je suis sûre que je peux, encore maintenant profiter des moments où il est le plus vulnérable pour le tuer. Mais à quoi bon ? Cette situation me sort de mon ennui.

Évidemment. Il fallait bien une bonne dose de magie pour capturer un monstre aussi dangereux qu’elle. Sa réponse suivante n’étonna Lya qu’à moitié. Elle avait en effet la sensation que son interlocutrice se fichait complètement de son sort et de sa situation. Elle ne semblait pas contrariée d’être une esclave ou de servir l’Empire, mais elle ne paraissait pas en adoration devant son Maître ou devant sa faction non plus. Elle était neutre, comme si tout cela ne l’effleurait pas. Peut-être cette créature démoniaque avait-elle des intentions malveillantes dissimulés toute autre que Lya ne pouvaient pas imaginer. Cette perspective l’inquiétait, elle tâcha de la garder dans un coin de son esprit afin de ne pas se mettre à sous-estimer la dragonne. Même si elle était entravée magiquement, elle pouvait toujours se montrer dangereuse. Elle semblait en tous cas éprouver un certain mépris pour la lycan, ce qui agaçait un peu cette dernière, même si elle s’évertuait à le dissimuler.

- Et toi, alors ? Pourquoi ne pas tout simplement être restée dans ton village ? La mort vaut-elle mieux que l’ennui, qui t’a lui-même poussé à l’action ? Les désirs d’aventure peuvent être destructeurs, tu sais. Surtout dans une période aussi tendue de l’histoire : l’Empire et la Résistance, et les conflits avec Mearian qui s’intensifient… Ou que tu ailles, tu seras confrontée à une altérité qui te veut du mal.

La femme dragon se releva doucement, ayant terminé son repas - les os également y étaient passés - et surplomba la demoiselle d’un air inquiétant. La lycan se tendit, se demandant si l’heure de se battre n’était pas arrivée. Elle avait cru être à l’abri, mais elle s’était peut-être fourvoyée. Ce monstre n’avait sans doute aucune obligation de laisser les habitants d’Ellgard tranquille. Elle ne fit cependant rien, se contentant d’ajouter :

- N’as-tu pas peur de mourir, et que personne ne se souvienne de ton existence ? Que ta bravoure ne sera honorée jamais ? Que ton nom sera oublié ? Bafoué ? N’as-tu pas peur de n’être qu’un vestige du passé ?

Ainsi, elle voulait la jauger ? Lya n’estimait pas devoir faire ses preuves devant une créature pareille, dont elle ne savait rien, et qui se trouvait être une esclave qui plus est. Elle n’avait pas besoin de l’impression, ce n’était pas elle qui allait lui permettre de monter les échelons. Elle la regarda donc avec méfiance et un soupçon de dédain. Elle se lançait dans une voie dangereuse, elle le savait. Tenir tête à la dragonne n’était probablement pas une bonne idée, mais elle commençait à en avoir assez d’être prise de haut. Aerith la voyait peut-être comme une pauvre paysanne tout droit sortit de son village perdu, mais elle était bien loin du compte. Certes, elle n’était pas un monstre venu d’un autre monde aux pouvoirs ancestraux, mais ce qu’elle savait et ce qu’elle faisait, elle ne le devait qu’à elle-même. Elle savait se battre, tirer à l’arc comme personne, et elle était libre. Ce qui n’était visiblement pas le cas de son interlocutrice. Le regard sombre à peine éclairé par la faible lumière du feu, la lycan répondit d’un ton cinglant :

- Pourquoi est-ce que je dois me justifier de mes choix auprès d’une esclave au juste ? Je préfère qu’on se souvienne de moi comme celle qui a décidé de prendre sa vie en main, plutôt que comme celle qui a accepté de se soumettre à la volonté des autres parce qu’elle n’en avait pas.

Elle ne cilla pas, accusant le regard de la dragonne avec une dureté qui lui était propre. Le terrain sur lequel elle s’était avancé était sans doute dangereux, mais elle refusait de se laisser marcher sur les pieds de la sorte. Prenant une bouffée d’air pour calmer la colère qui montait, jeta une nouvelle brindille au feu et se força à s’apaiser. Si elle se battait contre Aerith, elle risquait d’être blessée et elle était trop loin de la capitale pour prendre ce risque. Elle ajouta donc, d’un ton moins agressif :

- Si je reste dans mon village, je n’accomplirai jamais rien. Si j’ai choisis d’en partir, c’est bien pour tenter de devenir quelqu’un. Je pense en avoir les capacités, et je compte bien mettre mon arc au service d’une cause plus noble que simplement chasser. Trouver un but, quelque chose à défendre ou à protéger, faire mes preuves. C’est tout ce que je recherche.

La gloire également, la reconnaissance, mais c’était un autre débat. Elle garda cela pour elle, estimant que cela ne regardait pas son interlocutrice. Gardant le silence quelques secondes, son regard se perdant dans les flemmes, elle souffla :

- J’ignore si l’Empire peut m’apporter cela.

Mais la Résistance, le pouvait-elle ? Rien n’était moins sûr. Si un choix devait être fait, elle ferait celui de la raison. Elle n’avait de toute manière aucune attache spécifique pour l’une de ces deux factions, alors l’une ou l’autre, cela lui importait guère.


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Premières embûches

Cowards die many times before their actual deaths.

Les mots que Lya venait de lui cracher au visage meurtrit son pauvre coeur, si bien qu’une de ses paupières s’était mise à être prise de tremblement itératifs, sans aucun doute à cause de la soudaine nervosité dont elle a été victime. En temps normal, elle aurait fulminé et se serait sans doute jetée sur la bête. Mais elle avait bien raison, hélas. Du moins pour la première phrase ; le reste était à discuter. Le dragon croisa les bras, plissant finalement les yeux. Elle ne préféra rien dire cependant, s’écartant d’un pas afin d’instaurer une ambiance un tant soi peu moins tendu. Le sang gouttait toujours le long de son épiderme devenu poisseux. Ses yeux se posaient sur le brasier qu’elle fixa quelques secondes, avant de jeter à nouveau un regard au niveau des arbres et plus haut encore - au niveau des cieux.

Personne ne saurait expliquer pourquoi s’était-elle enchaînée volontairement de la sorte, à part elle. Et les raisons qui la motivaient semblaient également obscures même à ses yeux. Elle voulait simplement trouver quelque chose d’amusant à faire - chose qui devenait de plus en plus compliquée avec le temps. C’était des choses que les créatures mortelles ne pouvaient hélas comprendre, mais Aerith ne condamnait pas cette incompréhension. Elle n’enviait pas non plus ceux qui étaient condamnés à mourir un jour et était satisfaite de sa vie actuelle, c’était la raison pour laquelle allait avait prit une décision telle que celle-ci. Parce qu’elle ne voulait pas regretter les choses qu’elle avait fait. Dans tous les cas tous s’éteindront beaucoup trop rapidement, si rapidement que son statut d’esclave ne perdurera pas indéfiniment dans le temps, c’était pour ça qu’elle n’était pas particulièrement effrayée.

Tout en écoutant la suite du récit de la jeune femme, elle vint glisser une de ses griffes entre ses dents pour déloger un nerf qui avait osé se nicher entre son incisive et sa canine. Elle haussa pour la énième fois les épaules de façon totalement désinvolte suite à sa conclusion, prenant finalement la parole d’une voix assez neutre et claire. Elle se retint quelques gestes irrespectueux.

« Quelles motivations émouvantes, ironisa-t-elle sur un ton monotone. »

Elle se dirigea vers les têtes et s’empara de ces dernières dans ses deux mains après les avoir observées, lui offrant un vague sourire.

« Peut-être que l’Empire ne pourra en effet t’apporter ce que tu recherches. Mais peu importe pour qui tu donnes ton arme, cela sera sans doute également le cas aussi. User de ses émotions pour faire un choix n’est pas une mauvaise idée mais il faut davantage faire preuve de stratégie et te demander où est-ce que tes chances de survies sont les plus hautes. Ca peut être un questionnement couard et un peu perfide mais c’est un point important. »

Le dragon déploya finalement ses ailes, les agitant faiblement dans l’air - faisant remuer la flamme les éclairant toutes deux. Ses mots n’étaient évidemment pas absolus et tout à fait contestables.

« Enfin ce n’est que mon avis, celui d’un esclave, souligna Aerith en plissant le nez et dévisageant Lya. J’en ai terminé ici. »

De nouveau, ses ailes s’étaient mises à battre, un peu plus violemment cette fois-ci. En une impulsion de ses jambes, elle s’élança ainsi dans les airs, éteignant le foyer. S’élevant à quelques mètres au dessus du sol en tenant fermement les têtes dans ses mains, elle observa une dernière fois la puma ; détaillant une dernière fois ses traits.

« Voyons si tu survis. J’espère bientôt te revoir, Lya. »

Et puis, après s’être esclaffée, elle sembla disparaître en quelques battements d’ailes.

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Devant les paroles cruelles de Lya, la dragonne se crispa sensiblement. Une de ses paupières s’étaient mises à trembler frénétiquement, ce qui n’avait rien de rassurant. Était-elle furieuse ou blessée ? La lycan ne pouvait l’affirmer avec certitude. Elle aurait du se réjouir d’avoir réussi à la carapace assurée de son interlocutrice, mais ce sentiment était entaché d’amertume. Elle avait conscience d’avoir eu des propos rudes, voir impitoyable. Elle ignorait l’histoire complète d’Aerith, et il y avait fort à parier qu’elle était plus complexe que ce qu’elle essayait de faire croire. La confusion de la femme dragon ne dura cependant qu’un bref instant, elle se reprit bien vite, retrouvant son expression nonchalante qui agaçait sérieusement la lycan. Pourquoi tenait-elle tant que ça à se donner ce genre désinvolte ? Était-ce sa manière de se protéger contre son injuste sort ? D’un autre côté, Lya devait admettre qu’elle était plutôt soulagée de savoir qu’une créature aussi dangereuse était contenue par l’Empire. De quoi serait-elle capable, libérée de la magie qui l’entravait et l’empêchait de s’enfuir ? Elle ferait sans doute un carnage. Y avait-il d’autres monstres comme elle au service de l’armée impériale ? Voilà une question qu’elle aurait sans doute du poser. Pour l’heure en effet, malgré cette conversation houleuse, Lya avait l’impression de ne rien avoir apprit de plus.

-  Quelles motivations émouvantes. Lâcha soudain Aerith.

La lycan lui lança un regard peu amène mais garda le silence. Elle en avait déjà assez dit, ce n’était pas la peine de remettre une couche. L’attitude hautaine et méprisante de la dragonne était sa protection, mais elle l’avait vu se fissurer sous ses yeux. Elle la laissait à présent avec ses regrets et ses doutes, qui ne devaient pas manquer. Et si cette vie d’esclave lui convenait, alors tant mieux pour elle. Lya n’aurait jamais pu accepter une telle chose. Sa liberté était sans doute ce qu’elle avait de plus précieux. S’engager dans une faction signifierait en perdre une partie, elle en avait conscience, mais c’était un sacrifice nécessaire. Elle espérait bien gagner au change.

- Peut-être que l’Empire ne pourra en effet t’apporter ce que tu recherches. Mais peu importe pour qui tu donnes ton arme, cela sera sans doute également le cas aussi. User de ses émotions pour faire un choix n’est pas une mauvaise idée mais il faut davantage faire preuve de stratégie et te demander où est-ce que tes chances de survies sont les plus hautes. Ca peut être un questionnement couard et un peu perfide mais c’est un point important.

Le raisonnement d’Aerith n’était pas si éloigné du sien. Ce n’était pas un choix idéologique qu’elle comptait faire, mais bien un choix pragmatique. C’était bien pour cela qu’elle souhaitait récolter des informations sur les différentes options qui s’offraient à elle. Si ni l’Empire ni la Résistance ne lui convenaient, elle pouvait toujours devenir une mercenaire et n’obéir qu’à ses propres lois. Elle avait cependant plus d’ambition, et si elle voulait de la reconnaissance, elle ne se contenterait pas longtemps de cette posture. Elle finirait bien par faire un choix, elle s’en doutait, mais pas maintenant. Elle manquait de donnée pour pouvoir se décider. Une fois à la capitale, elle aurait tout le loisir de mener son enquête, en espérant qu’ils ne soient pas tous aussi langue de bois que la dragonne. Cette dernière venait par ailleurs de déployer ses ailes. Lya plissa les yeux, songeant que leur entrevue touchait sans doute à sa fin. Bonne ou mauvaise chose ? Il était encore trop tôt pour le dire. Un peu de solitude ne lui ferait en tous cas pas de mal, pour méditer ce qu’elle avait apprit durant cette rencontre.

- Enfin ce n’est que mon avis, celui d’un esclave. J’en ai terminé ici. Voyons si tu survis. J’espère bientôt te revoir, Lya.

Et sans demander son reste, les têtes des brigands dans les mains, elle s’envola. La lycan la regarda s’éloigner jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans la pénombre et que le bruit sinistre de ses battements d’ailes disparaissent. Elle resta sur ses gardes plusieurs dizaines de minutes encore après son départ, se demandant s’il ne s’agissait pas d’une ruse pour revenir l’attaquer pendant qu’elle dormait, afin de se venger. Au bout d’une heure, elle comprit qu’elle ne reviendrait pas et détendit légèrement ses épaules. Elle restait cependant attentive, elle était dans la nature, seule, et la nuit était bien tombée à présent. Dès le lendemain elle se remettrait en route vers la capitale, en tâchant d’oublier cette étrange rencontre. Était-ce un prémices à sa nouvelle vie ? Elle en avait l’étrange intuition. Lya sentait que d’une manière ou d’une autre, elle croiserait de nouveau la route d’Aerith. Et pour une raison simple : elle finirait bien par rencontrer cet Inquisiteur. S’il avait du pouvoir, alors elle avait tout intérêt à faire sa connaissance, et s’en faire un allié. Elle ignorait si elle avait fait un faux pas en se montrant agressive avec la dragonne, il y avait peu de chance que son Maître écoute ses états d’âme de toute manière. Elle ne s’était pas fait une amie aujourd’hui, mais cela lui importait guère.

La jeune femme descendit de sa souche pour s’asseoir à même le sol, se servant du bois comme d’un appuie pour son dos. Elle remis du bois dans le feu, et se perdit une fois de plus dans la contemplation des flammes. Elle allait tâcher de dormir un peu et dès que les premières lueurs de l’aube perceraient, elle se remettrait en marche. Il y avait plusieurs jours de voyage qui la séparait de la capitale, elle n’avait pas de temps à perdre.