Perchée sur le toit de l’auberge, une chope de bière à la main, Lya regardait le soleil descendre doucement vers l’horizon. Il faisait froid, une fine couche de givre recouvrait les épines des arbres. La jeune fille, habituée aux températures plutôt mauvaises, était néanmoins emmitouflée dans son manteau, sa capuche rabattue sur son crâne. Elle aurait pu s’attabler à l’intérieur pour consommer sa boisson, mais elle préférait se mettre en hauteur, pour avoir une vision d’ensemble. Dans les bâtiments, tout lui paraissait étroit, caché. Elle but une nouvelle lampée, trouvant le liquide presque fade à côté des alcools très forts et âcre que l’on préparait dans son village. Elle écarta la vague de nostalgie qui l’étreignait doucement, et reporta son attention sur le lointain. La capitale n’était pas la porte à côté, elle avait encore de nombreux jours de marche devant elle pour l’atteindre. Elle n’était partie de chez elle que peu de temps auparavant et n’avait pas vraiment d’objectif précis en tête pour l’heure. Tout un champ des possibles s’offraient à elle, et s’en était quelque peu vertigineux. L’idée de rejoindre l’armée impériale l’avait bien entendu effleuré, elle l’envisageait même plutôt, mais elle était quelque peu réticente à obéir à des humains. Trouverait-elle d’autres lycan là bas ? Elle avait beau ne pas être une sentimentale, elle était plus à l’aise avec les membres de sa race. Elle avala une gorgée de bière, posa sa chope à côté d’elle et posa sa tête sur son poing, pensive.
Mettre ses talents au service d’une institution plus grande, d’une vraie cause, et plus passer sa vie à chasser et à garder un village sans envergure, n’était-ce pas ce qu’elle désirait ? Lya souhaitait que l’on reconnaisse sa force, sa valeur et ses prouesses au combat, elle avait de l’ambition. Elle ignorait simplement encore à qui elle aurait plus d’intérêt à prêter allégeance. Elle avait entendu parler de la Résistance également, et ne savait pas encore que penser de ces gens. Elle restait attentive à toutes ces options, aucune porte n’était fermée pour l’heure. Cependant, si elle décidait d’emprunter un chemin, elle pourrait difficile revenir en arrière. Elle devait donc être sûre de sa décision lorsque le moment serait venue. S’engager auprès de l’armée impériale si celle-ci se faisait écraser par la Résistance peu de temps après n’était, par exemple, pas une très bonne idée. Elle devait enquêter pour avoir toutes les cartes en main au moment de faire son choix. C’était sans doute une manière opportuniste de voir les choses, mais Lya n’avait pas spécialement de désir de soutenir un camp plus qu’un autre, après tout.
La lycan croisa les jambes, lâcha un petit soupir, constatant que le crépuscule était bien avancé. Il n’allait pas tarder à faire nuit à présent, la température ne cessait de baisser, devenant presque difficilement supportable, même pour elle. Mais alors qu’elle s’apprêtait à descendre de son perchoir pour se glisser par la fenêtre de sa chambre, Lya fut alertée par du raffut, venant du centre du village. Elle se redressa, plissa les yeux et fit appel à tous ses sens. Rapidement, elle comprit que quelque chose n’allait pas. Les villageois courraient tous s’enfermer dans leur maison, de la lumière brillait ici et là, comme si des individus brandissaient des lanternes - ce qui était encore assez inutile, la lumière du jour était toujours forte. Elle les vit finalement, cinq ou six gaillards, armés de bête gourdins. L’un tenait néanmoins un pistolet, dont le canon assez grossier semblait indiquer qu’il était de piètre qualité. Celui qui le tenait semblait être le chef de ce groupe de brigands, visiblement déterminé à détrousser les pauvres habitants de ce village.
Lya porta sa main dans son dos, pour constater qu’elle avait laissé son arc dans sa chambre. Elle jura. Elle n’avait pas vraiment le temps d’y faire un tour, elle devait agir sans tarder. Ce n’était pas vraiment son genre de jouer les justicières, mais si elle laissait ces idiots prendre d’assaut l’auberge, elle risquait de perdre ses maigres biens, dont son précieux Psypher. Il valait donc mieux leur faire leur fête avant. Elle bondit donc du toit, et une fois à terre, elle se transforma, laissant sa forme de puma prendre le dessus. En s’approcha à pas de velours des bandits et sans attendre, elle planta ses crocs dans le mollet du premier venu, qui poussa un hurlement. De ce qu’elle entendait non loin d’elle, Lya n’était pas la seule à avoir décidé de prendre part à ce combat. Elle resta accrochée à sa proie, mais tenta de voir sur qui elle pouvait compter.
Premières embûches
Cowards die many times before their actual deaths.
La nuit tombait.
La créature avait été envoyée en dehors de Keivere afin d’effectuer une tâche quelque peu ordurière ; s’occuper d’une vermine un peu trop présomptueuse et inconsciente qui tâchait l’Empire de par leur simple existence. Le plus agaçant était que ces malfrats étaient aussi discrets que des souris et pourtant tout aussi embêtant qu’elles - et c’était une préoccupation à éliminer dans les règles de l’art, bien que la tâche soit sommaire et moins importante que le reste. Elle n’avait qu’une simple nuit pour que ces individus ne soient plus qu’une vaste blague et que leur existence un vestige poussiéreux du passé.
La silhouette à peine humaine survolait ainsi les terres d’Ellgard grâce à ses puissantes ailes, observant le paysage qui défilait sous ses yeux. Le soleil lentement regagnait son refuge alors que bientôt, un autre astre allait prendre le relais pour seulement quelques heures. Elle n’avait pas de temps à perdre. Elle connaissait la localisation approximative des malfrats ainsi que leurs visages, ainsi, seule sa bonne observation et sa perspicacité allaient être évaluées ce soir. Cela ne serait évidemment pas compliqué, et si jamais elle pouvait gagner quelques bénéfices non négligeables en remplissant son travail en un temps record afin de prouver sa bonne volonté, elle n’en serait pas insatisfaite.
Bientôt le paysage enneigé commençait à se dessiner sous ses yeux et la température, surtout à une altitude comme la sienne commençait à devenir plutôt froide, si bien qu’elle eu plus de mal à battre des ailes - heureusement, la résistance de ces dernières la protégeait de la paralysie ou tout simplement du gel, et par conséquent d’une chute peu appréciable. Malgré un mois qui était supposé s’avérer l’arrivée d’une saison plus chaude, la météo de cette région semblait surnaturelle. Elle semblait comme figée dans le temps. Doucement mais sûrement, le corps s’était mis à redescendre légèrement afin de pouvoir observer avec une clarté un peu plus prononcée les habitations qui se trouvaient sous elle. Elle s’approchait du lieu en question, et doucement sa figure perdait en altitude afin de se préparer à apercevoir les hommes si jamais ils avaient l’audace de se trouver en dehors d’une auberge. Etaient-ils seulement là ? Aerith comptait observer les alentours jusqu’à ce que la bande se pointe, elle n’était absolument pas pressée. Afin de ne pas attirer l’attention sur elle, elle s’était cependant perchée sur un des arbres du village, là où personne ne pouvait la remarquer à moins de lever un peu trop haut le regard. Son regard incisait les lieux avec une grande méticulosité, alors que lentement une de ses mains venait ronger la matière de l’une de ses cornes. Le froid ne gênait pas la bête qui avait été habituée à bien plus froid à l’époque où la technologie n’était pas. Ellgard fut toujours un continent inhabituellement gelé, en comparaison à Akantha qui était son opposé polaire.
Cependant, elle devait bouger régulièrement afin que ses membres ne se fassent pas piéger par le froid qui restait tout de même objectivement glaçant.
Après de longues, très longues minutes passées dans le silence le plus habituel pour une bourgade comme celle-ci, une certaine agitation se fit ressentir. Des voix grasses et rauques qui hurlaient et riaient ; d’après son ouïe ils ne semblaient pas plus de huit, peut-être quatre ou cinq, si ils parlaient tous. Pour en avoir le coeur net, Aerith doucement se releva de la branche sur laquelle elle reposait afin de jeter un coup d’oeil depuis les airs à l’objet de son intérêt. Il ne lui fallut pas plus de temps pour que l’image des hommes concordent avec celle qu’elle avait sous les yeux, et l’esquisse d’un sourire fendit latéralement ses lèvres. Ils allaient mourir en moins de temps qu’il n’en faille. Seulement, quelque chose ; quelqu’un venait lui mettre des bâtons dans les roues. On lui avait littéralement volé la place. Une bête s’était déjà ruée sur le groupe d’hommes, elle n’avait hélas pas aperçu clairement ce qu’elle pouvait véritablement être ; animal très protecteur ou alors tout simplement un habitant lycan un peu téméraire. Dans tous les cas, on n’allait pas lui ôter sa mission. Elle ramènerait les têtes de ces hommes à son commanditaire.
Violemment, son corps avait rejoint le sol à proximité du groupe qui allait s’acharner sur la bête, assénant un brutal coup à celui qui s’était écarté d’eux pour viser le félin. Son poing avait cogné contre sa face si fort que celle-ci ne semblait pouvoir tenir le choc, se fracturant aux endroits de l’impact en un craquement sinistre. Il finit par la suite par s’écrouler au sol, tandis qu’Aerith avait déjà de nouveau disparue. Elle s’était approchée par la suite des quatre autres malfrats qui tentaient du mieux possible de dégager les crocs du puma des chairs de leurs alliés en lui assénant des coups de gourdins - ce qui ne semblait pas plus que ça atteindre la bête qui semblait être munie d’une résistance bien plus prononcée qu’une simple créature quadrupède. Deux d’entre eux avaient été surpris par l’intervention du satan, leurs faces partagées entre frayeur et détermination. Peut-être aussi un peu d’inconscience. Ils avaient foncé sans vraiment se poser davantage de question sur la figure démoniaque qui semblait tout sauf accueillante, et qui n’allait évidemment par leur faire de cadeau. Elle encaissa le premier coup dans l’abdomen, la contraction de ce dernier et la faiblesse des coups ne l’atteignant par particulièrement, esquivant le second qui avait été porté dans un angle différent - attrapant ainsi le bras du premier homme entre ses griffes ; il ne lui fallut qu’une contraction de son poing pour que son bras ne se brise entre ce dernier, lui faisant lâcher son arme de pacotille, qu’Aerith attrapa avec suffisamment de réflexe au vol. Grâce à lui, elle asséna un coup au second en plein visage, brisant le gourdin en deux et transformant le visage du pauvre damné en une peinture abstraite dont la toile était le visage et la peinture son sang. Il s’écroula pitoyablement au sol, en même temps que son autre camarade qui n’avait qu’un membre réduit en miette. Elle ne s’était pas spécialement occupé du puma, se contentant de fouiller les poches des trois malfrats qu’elle venait d’exploser, dans le plus grand des calmes. Elle y trouva de nombreuses pièces et quelques cristaux de taille ridicule. Rien de vraiment utile, alors.
Elle était tout bonnement déçue. On l’avait envoyée à des centaines de kilomètres de Keivere juste pour s’occuper de pauvres hommes ? Pathétique. Elle grogna dans sa barbe. Et qu’est-ce que ce sale matou faisait là aussi ? L’esprit justicier de certains les tueraient. En attendant, après avoir jeté un coup d’oeil, l’homme qu’il tenait entre ses crocs ne semblait plus réceptif à rien et l’autre était recouvert de griffures et de traces de crocs. Le calme de nouveau reignait sur le village, les villageois ne sortaient pas cependant, se contentant d’observer à travers leurs fenêtres. Aerith ainsi posa son regard sur la bête, juste à côté d’elle, la transperçant. Elle n’avait pas peur, peu importe ce qu’elle était. Sa queue épaisse fouettait le sol. Tout en continuant sa fouille, elle s’adressa au félin, partant du principe où il était une créature intelligente et dotée de conscience. Tout sauf un simple animal, en somme.
« C’est bien courageux de se jeter seul sur un groupe de six hommes, peu importe ce que tu es. Surtout en ne priorisant pas le seul qui possède une véritable arme. La combativité animale et primitive n’est pas un synonyme de jugeote, lâcha la bête de manière assez méprisante. »
Elle était peut-être un peu agacée par la faiblesse du combat et l’intervention du lycan, il fallait avouer. Cela se ressentait amèrement, comme un poison craché.