Infinis.
Ephraïm avait déjà eu l’occasion d’avoir une première vision de ces lacs bien des siècles auparavant. Déjà alors, il avait trouvé le concept magnifique et le nom séducteur. Aujourd’hui ils l’étaient bien moins, car le roi maudissait l’éternité de sa trop longue « vie » et n’espérait plus l’immortalité, non. Tout cela avait beaucoup trop duré, cette souffrance…
Les spectres n’étaient pourtant pas censés vivre aussi longtemps ; ils ne se réincarnaient qu’une seule fois. Mais lui ? Obscural seul pouvait bien le savoir, une malédiction le retenait irrémédiablement à terre. Même les Anges qu’il avait rencontrés n’étaient pas parvenus à extraire son âme, bien trop lourde, bien trop persécutée, bien trop attachée au sol et à ses rêves d’Ether. Quelque chose ne voulait pas lui donner le repos éternel et l’obligeait à vivre un enfer sur terre.
Ses pas le faisaient parcourir la berge de l’un des lacs, sur un petit lopin de terre entre deux étendues d’eau. Autour de lui, des canards caquetaient et des oies cacardaient dans un vacarme improbable. Et malgré tout ce bruit, rien ne pouvait rivaliser avec la cacophonie perpétuelle qui se déroulait dans son crâne. Là où les voix parlaient, parfois les siennes, parfois celles d’autres personnes, d’autres esprits. Comme une communauté de pensées qui constamment l’envahissaient, le polluaient de remarques inutiles ou de désirs futiles.
Et si je sautais dans l’eau ? Et si je me baignais ? Qu’est-ce que ça fait de se noyer ? Devrais-je chasser cette oie ? Va-t-elle me chasser ? En ai-je déjà mangé ? Oui, non, je ne sais plus. Peut-on les manger ? Le ciel est sombre, va-t-il pleuvoir ? J’ai peur de la pluie, à moins que ce soit l’orage ? Je veux partir, où suis-je ? Qui est là ? Quelqu’un m’entend ? Oui. Non. Je ne crois pas, je ne pense pas. Je ne suis pas moi. Qui êtes-vous ? Personne, quelqu’un, Alexander.
Qui suis-je ?
« - Une belle matinée, assurément, salua le grand sage comme si de rien n’était. Un homme sur un banc pêchait, il lui rendit le bonjour.
Ce vacarme incessant, il s’y était habitué depuis longtemps. Des fois, il parvenait à y mettre un terme pendant quelques secondes, des fois il avait le court plaisir d’être seul, mais la plupart du temps il les entendait.
Lorsqu’il trouvait le sommeil, il s’enfonçait généralement dans des songes où sa pensée découpée et absurde se trouvait être une prison incroyable et où des personnes inconnues et leurs souvenirs lointains venaient habiter des cages aux longueurs infinies. Ils criaient et pleuraient, se précipitaient aux barreaux et l’injuriaient parfois. Mais jamais aucun ne s’échappait : ce n’étaient que des fantômes du passé, des ombres, des silhouettes informes pour certaines et précises pour d’autres. Alexander Wrath était l’une d’entre elles, encore nette, encore visible.
Finalement il trouva un pont en bois ; il y en avait bien plus qu’il y avait de lacs. Celui-ci le mena jusqu’à l’autre côté de la berge où un homme, bien curieux, usait de sa voix et d’un instrument pour égayer la faune. Il resta longtemps à l’étudier de loin, se délectant des sons et des tonalités, avant de remarquer l’effet que cela avait sur lui. Le silence, la paix, les voix presque silencieuses ; c’était une ode à la plénitude qui l’enveloppait et le berçait.
Une magie était à l’œuvre. Une magie puissante qu’il voulait maintenant connaître et qui le fit s’approcher de l’individu pour se délecter de son air jusqu’à ce qu’il prenne fin. Retrouvant malheureusement ses démons quand le calme revint, Alexander s’enquit aussitôt de l’identité du musicien, se présentant finalement par souci de politesse.
Il était le Grand Sage après tout.
Ephraïm avait déjà eu l’occasion d’avoir une première vision de ces lacs bien des siècles auparavant. Déjà alors, il avait trouvé le concept magnifique et le nom séducteur. Aujourd’hui ils l’étaient bien moins, car le roi maudissait l’éternité de sa trop longue « vie » et n’espérait plus l’immortalité, non. Tout cela avait beaucoup trop duré, cette souffrance…
Les spectres n’étaient pourtant pas censés vivre aussi longtemps ; ils ne se réincarnaient qu’une seule fois. Mais lui ? Obscural seul pouvait bien le savoir, une malédiction le retenait irrémédiablement à terre. Même les Anges qu’il avait rencontrés n’étaient pas parvenus à extraire son âme, bien trop lourde, bien trop persécutée, bien trop attachée au sol et à ses rêves d’Ether. Quelque chose ne voulait pas lui donner le repos éternel et l’obligeait à vivre un enfer sur terre.
Ses pas le faisaient parcourir la berge de l’un des lacs, sur un petit lopin de terre entre deux étendues d’eau. Autour de lui, des canards caquetaient et des oies cacardaient dans un vacarme improbable. Et malgré tout ce bruit, rien ne pouvait rivaliser avec la cacophonie perpétuelle qui se déroulait dans son crâne. Là où les voix parlaient, parfois les siennes, parfois celles d’autres personnes, d’autres esprits. Comme une communauté de pensées qui constamment l’envahissaient, le polluaient de remarques inutiles ou de désirs futiles.
Et si je sautais dans l’eau ? Et si je me baignais ? Qu’est-ce que ça fait de se noyer ? Devrais-je chasser cette oie ? Va-t-elle me chasser ? En ai-je déjà mangé ? Oui, non, je ne sais plus. Peut-on les manger ? Le ciel est sombre, va-t-il pleuvoir ? J’ai peur de la pluie, à moins que ce soit l’orage ? Je veux partir, où suis-je ? Qui est là ? Quelqu’un m’entend ? Oui. Non. Je ne crois pas, je ne pense pas. Je ne suis pas moi. Qui êtes-vous ? Personne, quelqu’un, Alexander.
Qui suis-je ?
« - Une belle matinée, assurément, salua le grand sage comme si de rien n’était. Un homme sur un banc pêchait, il lui rendit le bonjour.
Ce vacarme incessant, il s’y était habitué depuis longtemps. Des fois, il parvenait à y mettre un terme pendant quelques secondes, des fois il avait le court plaisir d’être seul, mais la plupart du temps il les entendait.
Lorsqu’il trouvait le sommeil, il s’enfonçait généralement dans des songes où sa pensée découpée et absurde se trouvait être une prison incroyable et où des personnes inconnues et leurs souvenirs lointains venaient habiter des cages aux longueurs infinies. Ils criaient et pleuraient, se précipitaient aux barreaux et l’injuriaient parfois. Mais jamais aucun ne s’échappait : ce n’étaient que des fantômes du passé, des ombres, des silhouettes informes pour certaines et précises pour d’autres. Alexander Wrath était l’une d’entre elles, encore nette, encore visible.
Finalement il trouva un pont en bois ; il y en avait bien plus qu’il y avait de lacs. Celui-ci le mena jusqu’à l’autre côté de la berge où un homme, bien curieux, usait de sa voix et d’un instrument pour égayer la faune. Il resta longtemps à l’étudier de loin, se délectant des sons et des tonalités, avant de remarquer l’effet que cela avait sur lui. Le silence, la paix, les voix presque silencieuses ; c’était une ode à la plénitude qui l’enveloppait et le berçait.
Une magie était à l’œuvre. Une magie puissante qu’il voulait maintenant connaître et qui le fit s’approcher de l’individu pour se délecter de son air jusqu’à ce qu’il prenne fin. Retrouvant malheureusement ses démons quand le calme revint, Alexander s’enquit aussitôt de l’identité du musicien, se présentant finalement par souci de politesse.
Il était le Grand Sage après tout.
Voici le dialogue avec lequel Alex a pu se présenter :
« - Je ne saurais me tromper en vous disant que cette mélodie n’avait rien d’humain, musicien errant. Vous m’avez envoûté et me voilà à vouloir connaître le nom de l’auteur d’un tel prodige ! Quant à moi… j’ose espérer que mon visage peut vous être familier : je suis Alexander Wrath et j’occupe le poste de Grand Sage à Nueva. Enchanté de faire votre connaissance. »
Couleur HTML : forestgreen
« - Je ne saurais me tromper en vous disant que cette mélodie n’avait rien d’humain, musicien errant. Vous m’avez envoûté et me voilà à vouloir connaître le nom de l’auteur d’un tel prodige ! Quant à moi… j’ose espérer que mon visage peut vous être familier : je suis Alexander Wrath et j’occupe le poste de Grand Sage à Nueva. Enchanté de faire votre connaissance. »
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